En France, la prévalence de l’obésité de l’enfant est stable depuis vingt ans. La meilleure compréhension de ses mécanismes physiopathologiques permet d’ouvrir les perspectives en matière de prise en charge médicamenteuse et de prévention.
L’obésité est définie par un excès de masse grasse et résulte d’un déséquilibre prolongé de la balance énergétique. L’indice de masse corporelle (IMC ou poids en kg/taille en m2) est utilisé chez l’enfant comme chez l’adulte pour la caractériser. Cependant, le seuil de 30 kg/m2 à partir duquel l’obésité est définie chez l’adulte n’est pas adapté à l’enfant, du fait de l’évolution de l’IMC de la naissance jusqu’à 18 ans (fig. 1) ; cela justifie l’utilisation, en pédiatrie, de la courbe de l’International Obesity Task Force (IOTF), présente dans les carnets de santé français depuis 2018 (fig. 1). Cette courbe permet de repérer un excès de poids (ou surcharge pondérale) chez l’enfant, défini par un IMC supérieur à la courbe IOTF25 (équivalent du 97e percentile pour l’âge et le sexe) avec deux degrés de surcharge pondérale en fonction de la courbe IOTF30 :
– surpoids pour un IMC situé entre les courbes IOTF25 et IOTF30 ;
– obésité en cas d’IMC situé au-dessus de la courbe IOTF30.
En France, l’excès de poids concerne 25 % des enfants, dont 5 % sont atteints d’obésité, avec une prévalence stable depuis vingt ans.
Les mécanismes à l’origine d’une obésité précoce sont multiples (
D’autres facteurs peuvent également jouer un rôle dans l’apparition d’une obésité précoce : déséquilibre du microbiote intestinal (ou dysbiose), atteinte cérébrale (choc émotionnel, prise de médicaments, insuffisance de sommeil…), etc.
La dysrégulation centrale du contrôle de la faim, quelle que soit son origine, induit un déséquilibre prolongé de la balance énergétique, avec développement excessif de masse grasse.
Diagnostics différentiels de l’obésité commune
Avant de conclure à une obésité commune, il faut écarter les diagnostics différentiels. Chez tout enfant développant une obésité commune, une accélération physiologique de la vitesse de croissance staturale est observée, parallèlement à l’accélération de la croissance pondérale.
Origine endocrinienne en cas de croissance staturopondérale dysharmonieuse
En cas de pathologie endocrinienne sous-jacente associée à une augmentation de la corpulence et de l’IMC (hypothyroïdie, déficit en hormone de croissance, hypercorticisme), une absence d’accélération de la vitesse de croissance staturale (voire un ralentissement) est notée (
Obésités de cause rare : sévères, particulièrement précoces et non isolées
Les obésités de cause rare sont sévères (IMC souvent supérieur à la courbe IOTF40) et précoces (survenant avant 6 ans, voire 3 ans). Elles sont associées à des troubles du comportement alimentaire (hyperphagie insatiable, absence de contrôle et de restriction possible, pleurs incessants chez les plus petits) et fréquemment à des troubles du neurodéveloppement et/ou des traits dysmorphiques et/ou des anomalies endocriniennes (
Ces obésités sont le plus souvent liées à une altération centrale de la régulation du poids au niveau de l’hypothalamus (qu’elle soit d’origine génétique ou lésionnelle) qui est en étroite relation avec les autres centres régulateurs du comportement alimentaire et du métabolisme (systèmes de récompense, régions corticales et organes périphériques). La voie leptine-mélanocortines y joue un rôle crucial. Son interruption, quelle que soit son origine, entraîne une dysrégulation majeure du contrôle des signaux de faim et de satiété, causant une hyperphagie dès la petite enfance et des troubles du comportement alimentaire persistant à l’âge adulte. Cette atteinte hypothalamique est aussi responsable d’une diminution du métabolisme de base ainsi que d’altérations endocriniennes (insuffisance antéhypophysaire) et métaboliques (hyperinsulinisme). Enfin, il existe très souvent des troubles du comportement autres qu’alimentaire et parfois une dysautonomie participant à la complexité du phénotype.
Les obésités génétiques de cause rare sont classiquement séparées en deux entités distinctes (malgré leur origine physiopathologique commune et le continuum entre les situations cliniques qui les font considérer comme une véritable pathologie globale neuro-endocrine) : obésité syndromique et obésité monogénique non syndromique (
Obésités syndromiques
Elles sont définies par une obésité associée à d’autres signes, évocateurs d’un trouble neurodéveloppemental (déficience intellectuelle, retard à la marche, retard des apprentissages, troubles du spectre de l’autisme) et/ou d’un syndrome malformatif congénital (éléments dysmorphiques, anomalies d’organe) [code Orphanet 240371]. Les syndromes de Prader-Willi (SPW) et de l’X fragile en sont les exemples les plus fréquents.
Obésités monogéniques non syndromiques
Leur survenue est liée à la présence d’un variant pathogène dans un gène codant pour une protéine impliquée dans la voie leptine-mélanocortines. Au moins 16 gènes ont été identifiés, dont ceux de la leptine (LEP), de son récepteur (LEPR), de la pro-opiomélanocortine (POMC) et du récepteur des mélanocortines de type 4 (MC4R) [code Orphanet 98267].
Diagnostic précoce : essentiel
Le diagnostic précoce oriente vers une prise en charge spécifique adaptée, notamment en cas de troubles neuropsychologiques associés. Il permet aussi de proposer, le cas échéant, une prise en charge médicamenteuse spécifique : la leptine recombinante en cas de déficit en leptine ; plus récemment, un agoniste pharmacologique de MC4R (setmélanotide) en cas d’anomalie génétique altérant la voie leptine-mélanocortines en amont de ce récepteur (déficit en POMC ou LEPR).
Afin d’aider les cliniciens pour le diagnostic de ces obésités de cause rare, un outil informatique, Obsgen, en accès libre a été développé (http://obsgen.nutriomics.org). Les Centres de référence et de compétence des maladies rares (CRMR) Pradort (syndrome de Prader-Willi et autres syndromes avec troubles du comportement alimentaire) peuvent aussi être un recours.
Complications de l’obésité de l’enfant
Contrairement à l’adulte, les complications somatiques chez l’enfant en situation d’obésité sont rares et ont, pour la plupart, peu de conséquences immédiates. Ainsi, la réalisation d’un bilan biologique est le plus souvent inutile en dehors de situations très particulières (
Risque de diabète de type 2 : exceptionnel
Si l’insulinorésistance est fréquente (plus de la moitié des enfants), l’intolérance au glucose reste rare (environ 10 % des cas), et le diabète de type 2 exceptionnel en raison de la forte prédisposition génétique influençant le métabolisme glucidique. Les principaux facteurs de risque reconnus de développer un diabète de type 2 sont l’origine géographique (Asie, Afrique subsaharienne), les antécédents familiaux au premier degré de diabète de type 2 et la période pubertaire, en particulier en cas d’obésité massive (IMC supérieur à la courbe IOTF35, voire IOTF40). Chez les enfants ou adolescents d’origine européenne ou maghrébine, l’obésité ne se complique pas de diabète avant l’âge adulte.
Dyslipidémie : recherche orientée
Un enfant sur cinq en situation d’obésité est atteint de dyslipidémie. L’insulinorésistance en est à l’origine, sauf pour l’hypercholestérolémie, qui est le plus souvent familiale. Ainsi, le bilan lipidique est uniquement nécessaire en cas d’antécédents de dyslipidémie familiale ou d’obésité massive.
Atteinte hépatique : éliminer d’autres causes
Les atteintes hépatiques (de la stéatose simple à la stéatose associée à des lésions inflammatoires et cellulaires [ou stéatohépatite]) sont regroupées sous le terme de non-alcoholic fatty liver diseases (NAFLD). Elles sont décrites chez l’enfant en situation d’obésité.
Certains groupes semblent plus particulièrement exposés : enfants hispaniques (hormis ceux d’ascendance africaine), asiatiques, en particulier d’origine chinoise, ou encore amérindiens (Amérique du Sud et du Nord), selon des études conduites notamment aux États-Unis.
L’insulinorésistance est au centre des mécanismes physiopathologiques avec d’autres facteurs comme le sexe masculin ou le stade pubertaire avancé.
La recherche systématique d’anomalies hépatiques n’est pas nécessaire en dehors des situations à risque : obésité massive, en particulier chez l’adolescent et/ou dans les populations les plus prédisposées, antécédents familiaux de stéatohépatite, prise médicamenteuse avec hépatotoxicité. La présence d’anomalies hépatiques (transaminases supérieures à 3 fois la normale) nécessite la recherche des autres causes d’hépatopathie chronique avant d’incriminer l’obésité : virose, auto-immunité, maladie cœliaque, maladie métabolique, etc.
Quand demander un avis dermatologique ?
Les complications cutanées sont une plainte fréquente : vergetures, frottements à la face interne des cuisses, signes cutanés d’hyperandrogénie, hyperpilosité, folliculite, voire véritable maladie de Verneuil, psoriasis, etc. Elles doivent être recherchées systématiquement. Un avis spécialisé peut être nécessaire dans les cas les plus sévères.
Complications spécifiques chez l’enfant
Des complications dont l’expression est spécifique chez l’enfant sont possibles et doivent être connues.
Éliminer les deux urgences
L’épiphysiolyse de hanche est une complication orthopédique de l’obésité spécifique de l’enfant à rechercher systématiquement. Observée le plus souvent lors de la poussée de croissance pubertaire, elle se manifeste par des coxalgies ou gonalgies chroniques entraînant une boiterie à la fatigue, le plus souvent chez le garçon. Si une limitation de la rotation interne du membre atteint est constatée à l’examen clinique, une confirmation radiologique est nécessaire, et la prise en charge orthopédique doit se faire en urgence.
L’hypertension intracrânienne ou pseudotumor cerebri est l’autre urgence à ne pas méconnaître. Elle reste rare et concerne particulièrement les adolescentes en situation d’obésité. Elle doit être évoquée devant des céphalées à prédominance matinale ou nocturne, parfois accompagnées de vomissements et surtout de troubles visuels (diplopie ou éclipses visuelles). Le risque principal étant la cécité, son traitement est urgent et nécessite une réduction pondérale rapide à moyen terme pour éviter la récidive.
Appareil respiratoire : non épargné
L’asthme, plus fréquent chez l’enfant en situation d’obésité, et notamment chez la fille, peut être à l’origine d’une mauvaise tolérance de l’activité physique. Il doit être recherché à l’interrogatoire en cas de toux provoquée par l’effort.
Les apnées du sommeil sont aussi une complication fréquemment rencontrée en pédiatrie. L’examen ORL doit être systématique, à la recherche d’une cause obstructive (hypertrophie des amygdales). La polysomnographie confirme le diagnostic. Une amygdalectomie, voire une ventilation nasale en pression positive continue, peut être indiquée dans les formes les plus graves.
Complications endocriniennes : rares
Environ 10 à 15 % des enfants en situation d’obésité ont de façon physiologique un taux de TSH (thyroid-stimulating hormone) et de T3L (tri-iodothyronine libre) augmenté. Leur dosage doit être prescrit uniquement en cas de ralentissement de la vitesse de croissance structurale.
Chez les garçons, l’âge de la puberté est peu ou pas influencé par l’obésité. L’existence d’une verge enfouie peut être confondue à tort avec un micropénis. Elle est liée le plus souvent à l’importante masse graisseuse hypogastrique recouvrant une verge souvent elle-même rétractée. Bien que peu l’expriment, ce problème est fréquemment source d’une souffrance psychologique, surtout chez les adolescents les plus âgés.
Conséquences psychologiques constantes
La surcharge pondérale entraîne chez presque tous les enfants des perturbations psychologiques dont l’intensité et le vécu varient selon la robustesse psychique de chacun mais aussi selon l’attitude de l’entourage familial (parents, fratrie) et soignant.
La souffrance psychologique peut s’exprimer par une perte de l’estime de soi, la peur du regard des autres, la difficulté à être différent, ou encore la tristesse de ne pas pouvoir se mouvoir ou s’habiller comme souhaité. La discrimination sociale, quel que soit l’âge, explique en grande partie cette souffrance et le risque d’isolement. La prise en charge thérapeutique peut également aggraver ces troubles en raison de l’écartèlement mental permanent auquel est confronté l’enfant : sentiment d’incapacité à supporter la frustrante restriction énergétique, d’une part, et crainte de rester « gros » s’il succombe à la sensation physiologique de faim, d’autre part.
La prise en charge psychologique et la lutte contre la stigmatisation sont donc indispensables pour l’enfant en situation d’obésité (
Quelle prise en charge thérapeutique ?
La prise en charge doit être individualisée, dans une démarche d’éducation thérapeutique. Selon l’âge de l’enfant, sa maturité et son environnement, les conseils sont adaptés, avec l’objectif principal de valoriser les efforts fournis pour stabiliser l’excès pondéral. En effet, puisque l’obésité de l’enfant est une maladie à forte prédisposition génétique dont l’expression phénotypique survient dans un environnement offrant une nourriture abondante et favorisant la sédentarité, sa prise en charge et les résultats dépendent de la capacité du jeune et de sa famille à modifier leur mode de vie sur le long terme. Associées à une prise en charge psychologique, la réduction des ingesta spontanés et l’augmentation de l’activité physique sont les deux principales mesures thérapeutiques à mettre en place (
Un accompagnement au long cours pour réduire les ingesta
La réduction des ingesta entraînant une stimulation de l’appétit, le maintien sur le long terme de la restriction énergétique requiert une motivation solide et constante pour ne pas céder à la faim permanente. L’accompagnement rapproché des familles pour les enfants plus jeunes est donc indispensable car la moindre perturbation (cause psychologique, événement de vie…) est susceptible de détourner cette volonté et de provoquer une reprise pondérale rapide.
Chez l’enfant plus grand et l’adolescent plus autonome, le risque reste le même et peut aggraver un éventuel sentiment d’échec et de mésestime de soi participant à la stigmatisation.
Activité physique : trois principes
La prescription de l’activité physique repose sur trois principes :
– l’augmentation de l’activité physique permet d’accroître la dépense énergétique quotidienne et d’offrir à l’enfant un autre centre d’intérêt que la nourriture ;
– les efforts d’intensité modérée mais prolongés sont ceux qui induisent l’oxydation lipidique la plus élevée ;
– les difficultés que ces patients éprouvent à se mouvoir en public sont un véritable frein. Les suggestions d’activité doivent être réalistes. Il n’est pas justifié de contre-indiquer la pratique de l’éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire en dehors de situations particulières (harcèlement, etc.). En revanche, un certificat d’activité physique adaptée en milieu scolaire (formulaire proposé par l’Éducation nationale) peut être nécessaire après discussion avec l’enfant ou le jeune.
Renforcement positif
Le soutien psychologique fait partie intégrante de la prise en charge et constitue même parfois l’objectif prioritaire du projet thérapeutique. Il doit à la fois stimuler en permanence la motivation de l’enfant et l’aider à maîtriser le sentiment de frustration qu’entraînent les modifications de comportement préconisées.
Les encouragements continus, les compliments soutenus lorsque les conseils ont été bien suivis et la mise en valeur des résultats positifs sont primordiaux pour espérer motiver efficacement l’enfant. En revanche, une manifestation patente de découragement, des réprimandes culpabilisantes en cas d’évolution défavorable ou l’exigence d’objectifs thérapeutiques déraisonnables ne peuvent qu’être délétères à plus ou moins long terme. L’insistance excessive sur les risques somatiques potentiels liés à l’obésité est également contre-productive car elle peut accroître l’angoisse de la famille et n’est jamais source de motivation.
Des objectifs raisonnables
La stabilisation de l’excès pondéral, c’est-à-dire le maintien d’une courbe d’IMC parallèle à la courbe IOTF25 ou IOTF30, est souvent le premier objectif. Pour certains enfants, la réduction de l’excès pondéral (IMC se rapprochant de la courbe IOTF25 ou 30 dans les cas les plus sévères) peut éventuellement être un objectif initial.
La disparition totale de la surcharge pondérale ne doit pas représenter un résultat à atteindre à tout prix. Pour la majorité des enfants en situation d’obésité, c’est la stabilisation ou la réduction de l’excès pondéral qui est recherchée, même si cela peut paraître insuffisant à la famille.
L’espoir des médicaments
Il n’existe pas de médicaments utilisés actuellement en pratique courante chez l’enfant en situation d’obésité. Ces dernières années, le développement des agonistes de MC4R a permis un traitement ciblé dans certaines situations rares d’obésité par interruption de la voie leptine-mélanocortines (déficit en POMC et LEPR).
Les agonistes du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) sont aussi une thérapeutique médicamenteuse d’avenir pour les obésités communes de l’adulte et de l’enfant. Le liraglutide est autorisé dès l’âge de 12 ans, mais l’absence de remboursement est un frein pour la plupart des familles en raison de son coût (300 euros par mois pour une injection sous-cutanée quotidienne). D’autres molécules couplant plusieurs agonistes sont en cours de développement en raison de leur potentiel effet cumulatif.
Place de la chirurgie
Dans les situations extrêmes, le recours à la chirurgie bariatrique peut être proposé. Cela peut concerner certains adolescents suivis dans le cadre d’un parcours de soins spécifique au sein d’un centre spécialisé d’obésité (CSO) à compétence pédiatrique, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé.
Enfin, en cas d’adipogynécomastie, de tablier abdominal ou de verge enfouie avec souffrance psychologique importante, une chirurgie esthétique peut être envisagée après une évaluation médicale et psychologique rigoureuse.
Quel parcours de soins ?
Dans les situations les plus simples (surpoids ou obésité non complexe), le médecin traitant joue un rôle central et peut proposer des éléments de prise en charge comme ceux décrits précédemment.
Si besoin, à la demande de la famille et/ou de l’enfant et selon les situations, une prise en charge par un diététicien en libéral ayant une expérience en pédiatrie, par un psychologue clinicien ou un pédopsychiatre et/ou par un éducateur d’activité physique adaptée peut être associée.
La création d’un véritable réseau de professionnels autour de l’enfant et sa famille permet une évaluation et une prise en charge multidisciplinaire optimisée. Certaines maisons médicales sont organisées pour proposer ce type de suivi. Cependant, la plupart de ces consultations n’étant pas remboursées, leur mise en place peut être difficile. L’intégration d’un accompagnement multidisciplinaire coordonné de proximité type RéPPOP (Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique) est alors possible. Ces réseaux existent dans de nombreuses régions. Ils proposent des séances d’éducation thérapeutique aux familles et aident à faire le lien avec les CSO pour une prise en charge et/ou une expertise.
Dans les situations les plus complexes (obésité sévère avec IMC supérieur à la courbe IOTF35, voire 40, et/ou précoce avec ou sans complications, suspicion d’obésité de cause rare ou de pathologie sous-jacente notamment), il est souhaitable d’adresser le patient dans le CSO à compétence pédiatrique de la région (souvent en centre hospitalier ou hospitalo-universitaire). Une évaluation multidisciplinaire complète (médicale, diététique, psychologique, d’activité physique adaptée, sociale) est ainsi possible, associée à une démarche d’éducation thérapeutique individuelle ou collective si besoin. Les CSO font le plus souvent partie du CRMR Pardort (centre de référence des maladies rares du syndrome de Prader-Willi et autres obésités rares avec troubles du comportement alimentaire).
Des prises en charge plus spécifiques peuvent être proposées dans le cadre d’expérimentations : parcours de soins Obépédia permettant une prise en charge intensive au domicile pendant deux ans pour les enfants en situation d’obésité complexe ; dispositif « Mission : retrouve ton cap » proposé en cas de facteurs de risque d’obésité ultérieure.
Enfin, le recours aux séjours en centres spécialisés dans le cadre de la prise en charge des enfants peut être discuté dans les cas d’obésité complexe résistante aux mesures thérapeutiques habituelles ou lorsqu’une rupture avec le milieu familial semble nécessaire. Les durées de ces séjours sont variables (d’un mois d’été à une année scolaire complète). Deux freins majeurs restreignent leur indication : le risque de reprise pondérale après le retour dans le milieu familial avec un phénomène de « yo-yo » et les conduites déviantes de type psychopathique pouvant être observées après amaigrissement massif contraint chez des adolescents ayant une personnalité névrotique ou déficitaire. Une évaluation psychologique et une réunion de concertation pluridisciplinaire sont donc indispensables avant d’envisager un tel séjour.
La prévention est-elle possible ?
L’obésité de l’enfant étant une maladie constitutionnelle des centres de régulation de la faim à forte prédisposition génétique, les mesures de prévention primaire en population générale sont restées sans effet depuis plus de trente ans car non ciblées (éducation nutritionnelle à l’école par exemple). Une prévention ciblant les enfants avec facteurs de risque de développement ultérieur d’une obésité (antécédents familiaux d’obésité, rebond précoce d’adiposité) semble plus indiquée, même si aucune étude d’intervention de ce type n’a encore réellement montré son efficacité.
La principale mesure de prévention reste aujourd’hui la surveillance régulière de la croissance staturopondérale et de la corpulence (courbe d’IMC) chez tous les enfants, à la recherche de signes d’alerte (accélération rapide de la croissance pondérale, rebond précoce d’adiposité).
En cas d’anomalie, il convient de l’évoquer en consultation sans alerter outre mesure, en recherchant des facteurs de risque : antécédents familiaux d’obésité, habitudes de vie pouvant être corrigées simplement (grignotage, grandes portions, activité physique limitée, insuffisance de sommeil, etc.). La surveillance régulière de l’évolution de l’IMC doit ensuite être poursuivie grâce à un suivi médical attentif tout au long de l’enfance.
En cas d’excès de poids, une prise en charge spécifique peut être proposée à la famille et l’enfant selon ses besoins et sa demande. L’objectif est de prévenir l’aggravation de la situation pondérale grâce à la mise en place d’un accompagnement multidisciplinaire coordonné de proximité (de type RéPPOP) avec avis complémentaire du CSO si besoin.
Quelles perspectives dans l’obésité de l’enfant ?
La meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques à l’origine de l’obésité de l’enfant et l’identification des facteurs génétiques impliqués devrait permettre d’aboutir à une véritable médecine de précision.
Le développement récent de traitements innovants ciblant les patients porteurs d’anomalie génétique dans la voie leptine-mélanocortines en est un exemple concret. D’autres molécules comme les agonistes du GLP-1 (dans les prochaines années) sont tout aussi prometteuses dans les formes plus communes.
La modulation du microbiote par des facteurs alimentaires et/ou de type préprobiotiques pourrait aussi être une perspective thérapeutique qui mérite d’être confirmée.
Le développement de scores de prédiction intégrant l’ensemble de ces facteurs (génétique, environnement familial, composition du microbiote et/ou biomarqueurs) pourrait aider à prédire la réponse de chaque enfant aux différentes prises en charge possibles et de les adapter de façon optimale.
• L’obésité chez les enfants est une maladie à forte prédisposition génétique avec, le plus souvent, une histoire d’obésité chez l’un des deux parents, voire les deux.
• Le diagnostic précoce oriente vers une prise en charge spécifique adaptée à chaque patient.
• L’éducation thérapeutique constitue l’essentiel du traitement (activité physique, rééducation alimentaire, renforcement positif), mais sa mise en place nécessite que le jeune et sa famille y soient prêts.
• La compréhension des mécanismes aboutissant à des traitements innovants pour les patients porteurs d’anomalie génétique laisse espérer une véritable médecine de précision.
La surveillance régulière des courbes de croissance staturopondérale et de corpulence est capitale afin d’identifier des signes d’alerte.
Les examens complémentaires, et en particulier le bilan endocrinien, ne sont pas nécessaires en l’absence de signes d’alerte.
L’objectif de la prise en charge repose le plus souvent sur la stabilisation de la courbe de corpulence.
Le développement de scores de prédiction intégrant l’ensemble des facteurs prédisposants pourrait permettre de véritables actions ciblées de prévention primaire.
Que dire à vos patients ?
• L’obésité chez les enfants est une maladie à forte prédisposition génétique avec, le plus souvent, une histoire d’obésité chez l’un des deux parents, voire les deux.
• Le diagnostic précoce oriente vers une prise en charge spécifique adaptée à chaque patient.
• L’éducation thérapeutique constitue l’essentiel du traitement (activité physique, rééducation alimentaire, renforcement positif), mais sa mise en place nécessite que le jeune et sa famille y soient prêts.
• La compréhension des mécanismes aboutissant à des traitements innovants pour les patients porteurs d’anomalie génétique laisse espérer une véritable médecine de précision.
1. HAS. Générique obésités de causes rares. Guide maladie chronique. Juillet 2021. Disponible sur https://www.has-sante.fr/jcms/p_3280217/fr/generique-obesites-de-causes-rares
2. HAS. Guide du parcours de soins : surpoids et obésité de l’enfant et de l’adolescent(e). Février 2022.
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