En France, l’excès de poids concerne 25 % des enfants, dont 5 % sont atteints d’obésité. Aujourd’hui, une meilleure compréhension de la physiopathologie de cette maladie multifactorielle ouvre des perspectives en termes de prise en charge et prévention. Le MG doit savoir repérer les signes d’alerte précoces, prescrire un bilan dans certains cas, proposer une prise en charge dans les situations non compliquées.

D’après : Dubern B. Obésité de l’enfant.  Rev Prat Med Gen 2022;36(1069);325-32.

Particularité chez l’enfant

En pédiatrie, la courbe de l’International Obesity Task Force (IOTF), présente dans les carnets de santé français depuis 2018 (fig. 1), permet de repérer un excès de poids chez l’enfant, défini par un IMC > à la courbe IOTF25 (équivalent du 97e percentile pour l’âge et le sexe) avec deux degrés de surcharge pondérale en fonction de la courbe IOTF30 :

– surpoids pour un IMC situé entre les courbes IOTF25 et IOTF30 ;

– obésité en cas d’IMC situé au-dessus de la courbe IOTF30.

Les mécanismes à l’origine d’une obésité précoce sont multiples. De nombreuses données permettent d’affirmer qu’il existe une forte prédisposition génétique pour les plus précoces d’entre elles ; cette dernière se révèle encore plus tôt lorsque des facteurs environnementaux défavorables sont associés (problèmes socio-éducatifs et/ou psychosociaux).

D’autres facteurs peuvent également jouer un rôle : déséquilibre du microbiote intestinal (ou dysbiose), atteinte cérébrale (choc émotionnel, prise de médicaments, insuffisance de sommeil, etc.), entre autres. La dysrégulation centrale du contrôle de la faim, quelle que soit son origine, induit un déséquilibre prolongé de la balance énergétique, avec développement excessif de masse grasse.

Diagnostics différentiels de l’obésité commune

Avant de conclure à une obésité commune, il faut écarter les diagnostics différentiels.

Une augmentation de la corpulence et de l’IMC sans accélération de la vitesse de croissance staturale (voire un ralentissement) fait évoquer une pathologie endocrinienne sous-jacente associée et justifie un bilan endocrinien et en particulier thyroïdien (tableau 1).

Pour les obésités de cause rare (mutations des gènes de la voie leptine-mélanocortines, obésités syndromiques…), les signes évocateurs sont rapportés dans le tableau 1.

Le diagnostic précoce oriente vers une prise en charge spécifique adaptée (leptine recombinante en cas de déficit en leptine par exemple).

Afin faciliter le diagnostic de ces obésités de cause rare, un outil informatique, Obsgen (en accès libre) a été développé (http://obsgen.nutriomics.org).

Quelles complications ?

Contrairement à l’adulte, les complications somatiques chez l’enfant en situation d’obésité sont rares et ont, pour la plupart, peu de conséquences immédiates. Ainsi, un bilan biologique est le plus souvent inutile en dehors de situations très particulières (fig. 2). Deux urgences doivent être éliminées (surtout chez les ados) :

– l’épiphysiolyse de hanche : se manifeste par des coxalgies ou gonalgies chroniques entraînant une boiterie à la fatigue, le plus souvent chez le garçon. Si une limitation de la rotation interne du membre atteint est constatée à l’examen clinique, une confirmation radiologique est nécessaire, et la prise en charge orthopédique doit se faire en urgence.

– l’hypertension intracrânienne ou pseudotumor cerebri (risque de cécité) : elle doit être évoquée devant des céphalées à prédominance matinale ou nocturne, parfois accompagnées de vomissements et surtout de troubles visuels (diplopie ou éclipses visuelles).

Asthme et apnées du sommeil, plus fréquentes en cas d’obésité, doivent être recherchés.

Enfin, la surcharge pondérale entraîne chez presque tous les enfants des perturbations psychologiques dont l’intensité et le vécu varient selon la robustesse psychique de chacun mais aussi selon l’attitude de l’entourage familial (parents, fratrie) et du soignant. La discrimination sociale, quel que soit l’âge, explique en grande partie cette souffrance et le risque d’isolement. La prise en charge psychologique et la lutte contre la stigmatisation sont donc indispensables (tableau 2).

Piliers de la prise en charge

Puisque l’obésité de l’enfant est une maladie à forte prédisposition génétique dont l’expression phénotypique survient dans un environnement offrant une nourriture abondante et favorisant la sédentarité, sa prise en charge et les résultats dépendent de la capacité du jeune et de sa famille à modifier leur mode de vie sur le long terme. Associées à une prise en charge psychologique, la réduction des ingesta spontanés et l’augmentation de l’activité physique sont les deux principales mesures à mettre en place (tableau 2).

La réduction des ingesta entraînant une stimulation de l’appétit, le maintien sur le long terme de la restriction énergétique requiert une motivation solide et constante pour ne pas céder à la faim permanente. L’accompagnement rapproché des familles et de l’enfant est donc indispensable car la moindre perturbation (cause psychologique, événement de vie…) est susceptible de détourner cette volonté.

L’activité physique est cruciale : son augmentation permet d’accroître la dépense énergétique quotidienne et d’offrir à l’enfant un autre centre d’intérêt que la nourriture ; les efforts d’intensité modérée mais prolongés sont ceux qui induisent l’oxydation lipidique la plus élevée. Les difficultés que ces patients éprouvent à se mouvoir en public sont un véritable frein. Les suggestions d’activité doivent être réalistes. Il n’est pas justifié de contre-indiquer la pratique de l’éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire en dehors de situations particulières (harcèlement, etc.). En revanche, un certificat d’activité physique adaptée en milieu scolaire (formulaire proposé par l’Éducation nationale) peut être nécessaire après discussion avec l’enfant ou le jeune.

Le soutien psychologique (renforcement positif) fait partie intégrante de la prise en charge et est même parfois l’objectif prioritaire du projet thérapeutique. Il doit à la fois stimuler en permanence la motivation de l’enfant et l’aider à maîtriser le sentiment de frustration qu’entraînent les modifications de comportement préconisées.

Les encouragements continus, les compliments soutenus lorsque les conseils ont été bien suivis et la mise en valeur des résultats positifs sont primordiaux. En revanche, des réprimandes culpabilisantes en cas d’évolution défavorable ou l’exigence d’objectifs thérapeutiques déraisonnables ne peuvent qu’être délétères. L’insistance excessive sur les risques somatiques potentiels liés à l’obésité est également contre-productive.

Les objectifs doivent être raisonnables. La stabilisation de l’excès pondéral, c’est-à-dire le maintien d’une courbe d’IMC parallèle à la courbe IOTF25 ou IOTF30, est souvent le premier objectif. Pour certains enfants, la réduction de l’excès pondéral (IMC se rapprochant de la courbe IOTF25 ou 30 dans les cas les plus sévères) peut éventuellement être un objectif initial.

Dans la majorité des cas, c’est la stabilisation ou la réduction de l’excès pondéral (et non la disparition totale de la surcharge pondérale) qui est recherchée, même si cela peut paraître insuffisant à la famille.

Dans les situations les plus simples (surpoids ou obésité non complexe), le médecin traitant joue un rôle central et peut proposer des éléments de prise en charge décrits précédemment. Si besoin, à la demande de la famille et/ou de l’enfant et selon les situations, une prise en charge par un diététicien en libéral ayant une expérience en pédiatrie, par un psychologue clinicien ou un pédopsychiatre et/ou par un éducateur d’activité physique adaptée peut être associée.

Un accompagnement multidisciplinaire coordonné de proximité type RéPPOP (Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique) est possible. Ces réseaux proposent des séances d’éducation thérapeutique aux familles et aident à faire le lien avec les centres spécialisés d’obésité (CSO) pour les situations les plus complexes (obésité sévère avec IMC supérieur à la courbe IOTF35, voire 40, et/ou précoce avec ou sans complications, suspicion d’obésité de cause rare ou de pathologie sous-jacente notamment).

Dans les situations extrêmes, le recours à la chirurgie bariatrique peut être proposé pour certains adolescents suivis dans le cadre d’un parcours de soins spécifique au sein d’un CSO à compétence pédiatrique.

Enfin, en cas d’adipogynécomastie, de tablier abdominal ou de verge enfouie avec souffrance psychologique importante, une chirurgie esthétique peut être envisagée après une évaluation médicale et psychologique rigoureuse.

Quelles nouveautés thérapeutiques ?

La meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques à l’origine de l’obésité de l’enfant et l’identification des facteurs génétiques impliqués devraient permettre d’aboutir à une véritable médecine de précision. Ces dernières années, le développement des agonistes du MC4R a permis un traitement ciblé dans certaines situations rares d’obésité par interruption de la voie leptine-mélanocortines (déficit en POMC et LEPR).

Les agonistes du GLP-1 sont aussi une thérapeutique d’avenir pour les obésités communes. Le liraglutide est autorisé dès l’âge de 12 ans, mais l’absence de remboursement est un frein pour la plupart des familles en raison de son coût (300 euros par mois pour une injection sous-cutanée quotidienne). D’autres molécules couplant plusieurs agonistes sont en cours de développement.

La modulation du microbiote par des facteurs alimentaires et/ou de type préprobiotiques pourrait aussi être une perspective thérapeutique qui mérite d’être confirmée.

La prévention est-elle possible ?

Les mesures de prévention primaire en population générale sont restées sans effet depuis plus de 30 ans car non ciblées (éducation nutritionnelle à l’école par exemple). Une prévention ciblant les enfants avec facteurs de risque de développement ultérieur d’une obésité (antécédents familiaux d’obésité, rebond précoce d’adiposité) semble plus indiquée, même si aucune étude d’intervention de ce type n’a encore réellement montré son efficacité.

Le développement de scores de prédiction intégrant l’ensemble de ces facteurs (génétique, environnement familial, composition du microbiote et/ou biomarqueurs) pourrait aider à prédire la réponse de chaque enfant aux différentes prises en charge possibles et de les adapter de façon optimale.

Mais aujourd’hui, la principale mesure de prévention reste la surveillance régulière de la croissance staturopondérale et de la corpulence (courbe d’IMC) chez tous les enfants, à la recherche de signes d’alerte (accélération rapide de la croissance pondérale, rebond précoce d’adiposité).

En cas d’anomalie, il convient de d’évoquer le diagnostic en consultation sans alarmer outre mesure, en recherchant des facteurs de risque : antécédents familiaux d’obésité, habitudes de vie pouvant être corrigées simplement (grignotage, grandes portions, activité physique limitée, insuffisance de sommeil, etc.). La surveillance régulière de l’évolution de l’IMC doit ensuite être poursuivie grâce à un suivi médical attentif tout au long de l’enfance.

Pour en savoir plus

D’après : Dubern B. Obésité de l’enfant.  Rev Prat Med Gen 2022;36(1069);325-32.
Jouret B, Tauber M. Focus de l’item 253 (ancien 251). Toutes les obésités ne nécessitent pas la même prise en charge.  Rev Prat 2018;68(6);e241.
Martin Agudelo L. Obésité : les nouvelles recos de la HAS.Rev Prat (en ligne) 24 juin 2022.

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