De nouvelles recommandations de bonne pratique sur l’obésité de l’adulte viennent de sortir, complétant celles de l’enfant éditées en mars. De nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques y figurent. Notre synthèse pratique sur ce que le médecin généraliste doit en retenir.

Diagnostic : une approche globale

Adulte : au-delà de l’IMC et du tour de taille

Si ces nouvelles recos concernent spécifiquement les « niveaux 2 et 3 » (obésités plus sévères, non prises en charge en MG), de nombreuses informations indispensables pour le médecin traitant s’y trouvent.

Tout d’abord, contrairement aux recos précédentes (2011), le diagnostic de l’obésité et la caractérisation de son niveau ne reposent plus uniquement sur la mesure de l’indice de masse corporelle (IMC) et du tour de taille.

Outre ces deux critères, le niveau de sévérité des pathologies associées, le retentissement fonctionnel, le contexte psychopathologique, l’existence d’un handicap, le comportement alimentaire, le retentissement sur la qualité de vie personnelle ou professionnelle sont les paramètres permettant désormais de caractériser une obésité : la HAS propose d’en classer la sévérité selon 3 niveaux (tableau 1).

Pour l’obésité de niveau 1, la prise en charge peut être coordonnée par le généraliste, alors que dans le niveau 2, elle le sera par un spécialiste, et ainsi de suite (tableau 2).

Dès lors, si le MG est le plus à même d’effectuer cette première évaluation globale (tableau 1), il pourra adresser le patient au spécialiste correspondant en cas de signes de sévérité : médecin nutritionniste, ou centres spécialisés de l’obésité ou services d’endocrinologie, diabétologie, etc. Selon la HAS, un seul signe suffit à classer le patient dans le niveau de sévérité concerné – l’IMC n’étant donc plus le seul critère déterminant. Par exemple, une hyperphagie boulimique ferait entrer le patient dans le niveau 3a, même si son IMC reste dans la catégorie 2 (compris entre 35 et 50).

Certaines explorations complémentaires – outre l’examen anthropométrique (poids, taille, calcul de l’IMC et tour de taille) – sont communes aux 3 niveaux, et peuvent donc être effectuées dès la prise en charge en MG : histoire pondérale globale, évaluation du niveau d’activité physique, de l’état psychique, recherche de comorbidités (HTA, diabète de type 2, stéatopathie…), etc. D’autres sont réservés aux professionnels intervenant dans les niveaux 2 et 3 (liste complète disponible pp. 19-22 du pdf des recos).

Enfant : suivre régulièrement la croissance staturopondérale

Le médecin traitant est le plus à même de dépister précocement une situation de surpoids ou obésité.

Les mesures anthropométriques régulières (poids et taille) et le calcul de l’IMC permettent de s’assurer d’une évolution attendue de la croissance staturopondérale dans les seuils définis par rapport à l’âge et au sexe, à l’aide des courbes de référence du carnet de santé : avant 2 ans, courbes Afpa-Cress/Inserm (2018) ; après 2 ans, courbes de l’International Obesity Task Force (IOTF, 2012). Sur ces dernières, le surpoids correspond à un IMC compris entre les seuils IOTF 25 et 30 (≥ 97e percentile des références françaises) et l’obésité à un IMC > au seuil IOTF 30. La prévalence du surpoids et de l’obésité est importante chez les enfants à partir de 6 ans, respectivement 17 % et 4 %, et augmente chez les adolescents, respectivement 20 % et 5,4 %.

La fréquence de ce suivi dépend de l’âge : de la naissance à l’âge de 6 ans, le calendrier des examens obligatoires de santé suffit ; au-delà de 6 ans, un suivi annuel est préconisé.

En cas de facteurs prédisposants (surpoids/obésité dans la famille, handicap, prise de médicaments modifiant le métabolisme, précarité socio-économique, etc.) : tous les 6 mois dès 3 ans.

Une évaluation plus approfondie de la situation et/ou une orientation vers des centres spécialisés des obésités de cause rare sont nécessaires devant certains signes d’appel :

– ascension continue de la courbe de corpulence (IMC) depuis la naissance ;

– rebond d’adiposité précoce (avant 3 ans) ;

– changement rapide de couloir de la courbe de corpulence (IMC) vers le haut ;

– obésité précoce et sévère associée à d’autres signes comme un retard du développement psychomoteur ou une pathologie endocrinienne.

Quels examens complémentaires ? En cas de surpoids sans signe clinique évocateur d’une complication, aucun examen biologique n’est nécessaire. En cas d’obésité avérée, et selon les antécédents familiaux, l’historique et la dynamique de la courbe de croissance, un bilan biologique est préconisé, afin de dépister : une dyslipidémie en cas d’antécédents familiaux ; une insulinorésistance, une intolérance au glucose, un diabète de type 2, en cas d’antécédents familiaux de diabète de type 2 au 1er et 2e degré ; bilan perturbé des fonctions hépatiques (ASAT, ALAT). En l’absence d’anomalie, un contrôle peut être justifié tous les 2-3 ans, ou en fonction de l’augmentation de la corpulence.

En bref, l’évaluation d’une situation de surpoids ou obésité est multidimensionnelle et implique plusieurs professionnels de santé : médecin spécialiste, infirmier dans le cadre d’un exercice coordonné, psychologue et/ou pédopsychiatre, diététicien, enseignant d’activité physique adaptée, kinésithérapeute, ergothérapeute, etc. Des fiches pour orienter les familles vers ces professionnels de proximité sont disponibles en annexe du guide de parcours de soins.

Prise en charge : personnalisée

Adulte : réduction pondérale modérée et personnalisée

La perte de poids n’est pas le seul objectif de la prise en charge.

Cette dernière vise également à agir sur les comorbidités, les facteurs de risque, la qualité de vie du patient et sa mobilité.

  • Quels objectifs pondéraux ?

Le degré de perte de poids souhaitable est personnalisé, posé à l’issue de l’évaluation globale du patient, en accord avec ce dernier et adapté à son âge, aux comorbidités, à son degré possible d’investissement et ses objectifs. Chez les personnes de 70 ans et plus, il faut être vigilant vis-à-vis du risque de sarcopénie, de fragilité et de dénutrition.

Sur le plan nutritionnel, une réduction modérée et personnalisée des apports énergétiques est recommandée, car elle est plus favorable à une perte de poids durable que des régimes déséquilibrés ou très restrictifs (cétogène, Atkins…), déconseillés par la HAS. Le régime méditerranéen peut être bénéfique.

Les objectifs en matière d’activité physique sont à adapter aux capacités du patient et à atteindre progressivement. Conformément aux recos de l’OMS, l’idéal serait d’effectuer de 150 à 300 minutes hebdomadaires d’activité d’endurance d’intensité modérée, ou de 75 à 150 minutes si intensité soutenue, ou une combinaison équivalente des deux, et par périodes d’au moins 10 minutes. En outre, des exercices de renforcement musculaire devraient être pratiqués au moins 2 jours par semaine. Enfin, il est préconisé de rompre régulièrement les périodes de sédentarité par du temps d’activité physique de faible intensité. Le message : toute activité compte pour limiter la sédentarité ! L’activité physique ne se limite pas à l’exercice physique et comprend tout mouvement impliquant une dépense d’énergie (travail, loisir, marche, vélo, voire tâches ménagères…).

  • Quand envisager un traitement médicamenteux ?

En cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle bien conduite (moins de 5 % de perte de poids à 6-12 mois, ou absence de son maintien, voire poursuite de la prise de poids, incapacité à modifier durablement les comportements et aggravation des complications associées à l’obésité), un traitement médicamenteux peut être envisagé, sous réserve de l’implication du patient dans les soins. Il peut être prescrit d’emblée chez les patients dont l’obésité compromet l’autonomie ou entraîne une altération sévère de la fonction d’un organe, et pour lesquels les changements du mode de vie sont limités. La décision de ce traitement (par un analogue du GLP1 ayant l’AMM dans l’indication) relève des niveaux 2 et 3 de prise en charge.

Les recos sur la chirurgie bariatrique devraient être publiées par la HAS en 2023.

Enfant : graduer les soins en fonction de l’évolution

Perdre du poids n’est pas un objectif prioritaire sauf en cas de complications sévères. Il s’agit surtout d’infléchir la courbe de corpulence et de stabiliser le poids en fin de croissance. A contrario, les pertes de poids trop rapides sont des signes d’alerte, ainsi que le phénomène de yo-yo, qui doit être prévenu.

Les changements progressifs dans les habitudes de vie et leur maintien dans le temps sont les objectifs principaux, tout en favorisant l’implication du patient et de sa famille (à travers l’information, l’éducation thérapeutique, un accompagnement psychologique, etc.). Dans ce but, l’approche personnalisée et pluriprofessionnelle permet de :

– rééquilibrer l’alimentation en fonction de l’âge et des besoins nutritionnels ;

‒ initier/reprendre une activité physique, ou sportive, et la poursuivre sur un mode régulier ;

– lutter contre les comportements sédentaires et limiter l’usage des écrans ;

‒ préserver la qualité du sommeil, garder ou instaurer des rythmes de vie réguliers.

Pour graduer les soins et l’accompagnement, on distingue deux situations :

  • Surpoids ou obésité dite non complexe : IMC situé entre les seuils IOTF 25 et 30, ou IMC > au seuil IOTF 30 mais sans complications et sans cumul de facteurs qui sont cause ou conséquence d’une obésité (par exemple : une situation sociale, psychologique ou scolaire problématique associée à l’obésité n’entraîne pas forcément une complexité si des solutions sont accessibles proximité). Dans ce cas, le médecin traitant peut assurer la coordination des soins. La consultation d’évaluation globale est mensuelle au moins pendant 3 mois, puis si possible trimestrielle pendant 2 ans, si l’évolution est favorable.
  • Obésité dite complexe : sévérité de l’obésité (IMC > seuil IOTF 30) et cumul de facteurs associés (complications ou comorbidités somatiques ou psychiatriques ; obésité de causes rares ; handicap, déficience, antécédents d’échecs du traitement de l’obésité ; retentissement important sur la vie quotidienne et la qualité de vie ; troubles des conduites alimentaires associés à des troubles psychopathologiques, situations sociales, familiales, scolaires problématiques). Dans ce cas, une perte de poids, même faible, apporte un bénéfice ; elle doit être très progressive, accompagnée selon une approche diététique, socio-éducative, psychologique ; la reprise de poids doit être prévenue. Dans ces situations complexes, la coordination des soins et de l’accompagnement sont partagés entre le médecin traitant et un médecin de la structure spécialisée dans l’obésité. Le suivi médical est au minimum mensuel pendant 1 an, puis trimestriel pendant 1 an si l’évolution est favorable.

Enfin, ce suivi sur le long terme prépare la transition de l’adolescence vers l’âge adulte, à travers un accompagnement conjoint entre les médecins ou les équipes de soins pédiatriques et adultes. C’est un enjeu majeur, puisque la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte atteint 50 à 70 % après la puberté (versus 20 à 50 % avant).

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