Le rôle causal du microbiote dans l’obésité n’est plus à démontrer et plusieurs approches thérapeutiques novatrices sont à l’étude. Le point avec le Pr Maria Balmer (Inselspital, Berne) sur les dernières données de la science et la mise au point d’un chewing-gum amaigrissant…

Que savons-nous aujourd’hui du rôle du microbiote dans l’obésité ?

Nous savons – grâce à de vastes études chez l’homme – que la diversité du microbiome est réduite chez les individus obèses par rapport aux individus maigres. On parle de « dysbiose ». Cependant, la mise en évidence de lien de cause à effet est très difficile : le microbiome est-il différent parce qu’une personne est obèse, ou est-ce la cause première du développement de l’obésité ? Grâce à des études menées chez la souris, nous savons que le microbiome joue un rôle causal : les chercheurs ont en effet transféré le microbiote de souris ayant une obésité sévère vers des souris sans microbiote et ont observé que ces dernières développaient une obésité. Cependant, nous ne savons toujours pas exactement comment le microbiote contribue à l’obésité. Il existe plusieurs hypothèses :

  • Le microbiote intestinal aide à décomposer et à consommer (= fermenter) les glucides complexes que le corps humain ne peut pas digérer seul ; certaines bactéries intestinales sont particulièrement efficaces pour extraire l’énergie des aliments qui autrement resteraient non digérés ; cela peut potentiellement contribuer à la prise de poids.
  • Il peut influencer le métabolisme et l’inflammation dans le corps, en produisant des métabolites qui peuvent affecter la régulation de l’appétit, la dépense énergétique et le stockage des graisses.
  • Certaines bactéries intestinales produisent des AGCC (acides gras à chaîne courte) qui peuvent influencer l’appétit et le métabolisme.
  • Elles peuvent influencer la production et la régulation des hormones de satiété, liées à l’appétit et à l’équilibre énergétique. Les déséquilibres de ces hormones peuvent entraîner une suralimentation et une prise de poids.
  • Enfin, le microbiote intestinal peut même affecter les préférences alimentaires, ce qui peut avoir un impact sur la gestion du poids.

La modulation du microbiote (avec des pré- ou probiotiques) pourrait-elle permettre de traiter l’obésité (ou certains profils d’obésité) ?

Le concept des probiotiques (c’est-à-dire l’administration de micro-organismes vivants en supposant qu’ils procurent des bienfaits pour la santé lorsqu’ils sont consommés) est très prometteur dans plusieurs indications. Cependant, nous n’avons aucune preuve solide de l’efficacité des probiotiques disponibles sur le marché. Nous devons encore mieux comprendre à quoi ressemble exactement un microbiote sain, quels métabolites et autres produits bactériens sont importants et s’ils sont les mêmes pour tout le monde (ce qui n’est probablement pas le cas). À mes yeux, le probiotique du futur devra probablement être personnalisé. En ce qui concerne les prébiotiques, il existe de nombreuses preuves solides que l’apport alimentaire en fibres (environ 7 g/j) est bénéfique pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires et d’obésité.

Quelles études sont en cours dans votre unité de recherche ?

Nous avons développé un chewing-gum contenant des fibres alimentaires solubles – des galactooligosaccharides – qui sont de préférence fermentées par un groupe de bactéries intestinales. Celle-ci « mangent » et digèrent ces fibres et, ce faisant, produisent des métabolites qui, selon plusieurs études cliniques, sont bénéfiques pour la perte de poids et l’amélioration des maladies métaboliques. De plus, nous espérons contribuer à réduire le grignotage grâce à l’utilisation de ce chewing-gum.

Nous avons mis actuellement en place une étude randomisée versus  placebo chez des enfants et des adolescents obèses à l’hôpital de Berne. Trois fois par jour (matin, midi et soir), les enfants vont macher le chewing-gum pendant au moins 20 minutes, le critère principal étant la diminution de l’IMC à 6 mois. Pour le moment, le chewing-gum est bien toléré !

Pour en savoir plus
Insel Gruppe AG, University Hospital Bern. The FibreGum Study – Changing the Course of Obesity in Children (FibreGum).  ICH GCP 12 juillet 2023.

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