Un nouveau protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) a été élaboré par le Centre de référence des affections chroniques et malformatives de l’œsophage (Cracmo), qui explique aux professionnels la prise en charge diagnostique et thérapeutique optimale d’un patient ayant une œsophagite à éosinophiles. Que faut-il en retenir ?
Cette pathologique chronique, inflammatoire, évolutive, d’origine dysimmunitaire, peut débuter à tout moment entre l’enfance et l’âge adulte. La physiopathologie est plurifactorielle, avec déclenchement d’une réponse immunitaire à des antigènes alimentaires chez des patients avec prédisposition génétique ; les allergènes environnementaux peuvent également jouer un rôle. L’inflammation chronique de l’œsophage non traitée peut induire des sténoses et des rétrécissements de l’œsophage.
Elle reste rare à ce jour, avec en pédiatrie une incidence annuelle estimée entre 3 et 12/100 000 et une prévalence entre 22 et 49/100 000.
Un diagnostic précoce permet d’accéder plus rapidement à un traitement efficace et limiterait l’évolution de la maladie vers une forme fibrosténotique.
Démarche diagnostique
Les manifestations sont peu spécifiques, d’autant plus chez les enfants de moins de 5 ans. Il faut la suspecter devant des signes cliniques évoquant des troubles de la motricité œsophagienne :
- chez l’enfant jeune : reflux gastro-œsophagien (RGO) résistant au traitement, vomissements chroniques, difficultés alimentaires prolongées, infléchissement et/ou cassure de la croissance pondérale, parfois douleurs abdominales chroniques ;
- chez l’enfant plus grand : dysphagie, blocages alimentaires, impactions alimentaires, pyrosis, épigastralgies ou douleurs thoraciques chroniques, parfois toux. Les antécédents personnels d’atopie sont fréquents.
Attention : sa survenue avant l’âge de 1 an est exceptionnelle.
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments clinico-pathologiques, mais l’endoscopie digestive haute est l’examen de référence, avec réalisation de biopsies œsophagiennes étagées montrant une infiltration éosinophilique (infiltrat inflammatoire localisé à l’œsophage avec ≥ 15 polynucléaires éosinophiles (PNE) / high power field (HPF = champ au fort grossissement x 400), ou ≥ 60 PNE/mm², sur au moins une biopsie œsophagienne [HPF X 400 = 0,2 à 0,3 mm², avec nombre PNE/HPF x 1/(zone du microscope HPF en mm²) = nombre PNE/mm²]).
Les diagnostics différentiels sont :
- RGO;
- infection fongique, virale ou parasitaire ;
- maladie de Crohn ;
- hypersensibilité médicamenteuse ;
- infiltration éosinophilique non limitée à l’œsophage dont l’œso-gastro-entérite et/ou la colite à éosinophiles ;
- syndrome hyperéosinophilique ;
- pathologie dermatologique comme le pemphigus ;
- pathologie auto-immune et vascularite ;
- pathologie du tissu conjonctif comme le syndrome d’Ehlers-Danlos ;
- maladie du greffon contre l’hôte ;
- achalasie de l’œsophage et autres troubles moteurs de l’œsophage ;
- certaines maladies génétiques comme le syndrome de Marfan de type II, le syndrome Hyper-IgE, celui de Netherton.
En dehors du RGO, ces diagnostics différentiels sont rares ou ont des caractéristiques cliniques qui les distinguent facilement d’une œsophagite à éosinophiles.
Prise en charge thérapeutique et suivi
La découverte d’une œsophagite à éosinophiles chez l’enfant nécessite une orientation et un suivi auprès d’un centre de compétence ou de référence.
Trois types de traitement d’induction sont recommandés, qui peuvent parfois être associés :
- IPP : souvent utilisés comme en première ligne, hors AMM, à la dose de 1 à 2 mg/kg/jour en 1 ou 2 prises par jour, avec un maximum de 40 mg 2 fois par jour.
- Corticoïdes topiques (par voie orale ou IV ne sont pas recommandés en raison des effets secondaires systémiques) :
- budésonide visqueux hors AMM (préparations magistrales), galénique la plus facile d’administration surtout chez le jeune enfant : 1 mg/jour en 2 prises (< 10 ans) et 2 mg/j en 2 prises (> 10 ans) ;
- corticoïdes inhalés déglutis (fluticasone propionate : Flixotide) hors AMM : 2 bouffées dégluties 2 à 4 fois par jour : 125 µg /bouffée (âge 1-10 ans) et 250 µg/ bouffée (plus de 10 ans).
- Un régime d’éviction alimentaire :
- soit un régime empirique comportant l’élimination de deux, quatre ou six familles d’aliments (2 = lait et blé ; 4 = lait, blé, œuf et légumineuses ; 6 = lait, blé, œuf, légumineuses, poissons/crustacés et fruits à coque) ;
- soit un régime guidé par les tests allergologiques (non recommandé en première intention) ;
- soit une diète élémentaire en seconde intention (préparation à base d’acides aminés de façon exclusive, par voie orale ou entérale).
L’intervention d’une diététicienne est nécessaire pour assurer l’acceptation, l’observance du régime et l’évaluation des apports nutritionnels.
Une consultation auprès d’un allergologue est recommandée pour les enfants ayant des antécédents familiaux atopiques, porteurs de comorbidités allergiques ou suspects d’allergie immédiate, et est prudente avant la mise en place d’un traitement diététique.
L’efficacité doit être évaluée entre 8 et 12 semaines après le début des traitements médicamenteux et des régimes empiriques ou guidés par les tests allergologiques, et au moins 4 semaines après le début d’une diète élémentaire. Une rémission complète est définie par un infiltrat à éosinophiles < 5/HPF, une rémission partielle par un infiltrat à éosinophiles entre 5-15/HPF, un échec du traitement ou une rechute par un infiltrat à éosinophiles ≥ 15/HPF.
En cas de succès, un traitement d’entretien est recommandé car les rechutes sont fréquentes à l’arrêt du traitement ou à distance. Il n’y a aucun consensus sur ses modalités : l’objectif est d’essayer de définir la dose minimale efficace afin de maintenir le patient en rémission.
Un suivi à long terme est indispensable, car il s’agit une maladie chronique et évolutive, à risque de complications. La transition entre la prise en charge pédiatrique et celle à l’âge adulte doit être organisée.
Sources d’informations pour les parents
- Centre de référence des affections chroniques et malformatives de l’œsophage de l’enfant, Cracmo. Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille, http://www.cracmo.fr contact : apimeo.association@gmail.com
- Association de patients : Association pour l’information sur les maladies à éosinophiles (Apimeo).
- Filière des maladies rares abdomino-thoraciques Fimatho : http://www.fimatho.fr
- Informations générales : http://www.orphanet.net, rubrique œsophagite à éosinophiles.
Lee Lynch K. Œsophagite à éosinophiles. Le manuel MSD, mars 2022.
Dhar A, Haboubi H, Attwood S, et al. British Society of Gastroenterology (BSG) and British Society of Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (BSPGHAN) joint consensus guidelines on the diagnosis and management of eosinophilic oesophagitis in children and adults. Gut 2022;71(8):1459-87.
Nobile C. RGO ou allergie au lait de vache ? Rev Prat (en ligne), 22 juin 2022.