La nouvelle vague causée par le variant omicron en Afrique du Sud est surveillée de près par le monde entier, dans le but de comprendre la transmissibilité et la virulence de ce nouveau variant « hypermuté ». Focus sur les données épidémiologiques de la province de Gauteng, épicentre de l’épidémie…

 

La ville de Tshwane, en Afrique du Sud, a été l’épicentre mondial de l’épidémie d’omicron et de la quatrième vague de la province de Gauteng : le nombre hebdomadaire de cas augmente de façon exponentielle sur plusieurs semaines, avec 9 929 nouveaux cas signalés du 29 novembre au 3 décembre 2021. Cependant, à la différence des vagues précédentes, l’augmentation exponentielle du taux de positivité ne semble pas être associée à une augmentation concomitante des taux d’admission pour Covid sévère à l’hôpital et en soins intensifs (v. graphique ci-dessous).

Selon un rapport du SAMRC (SARS-CoV-2 warning system for Covid infections), le taux de mortalité intra-hospitalière semble aussi plus faible et la durée moyenne de séjour beaucoup plus courte : de 2,8 jours pour les patients positifs au SARS-CoV-2 admis dans les services Covid au cours des 2 dernières semaines, par rapport à une durée moyenne de séjour de 8,5 jours durant les 18 derniers mois.

Le rapport souligne également que « l’examen des 166 patients admis depuis l’apparition du variant omicron montre que la positivité au SARS-CoV-2 est souvent découverte de façon fortuite chez ces patients, la politique hospitalière exigeant des tests lors de l’admission à l’hôpital ».

Comment expliquer ce décalage ?

Les données sont encore très limitées mais on peut évoquer plusieurs hypothèses.

Tout d’abord, l’effet sur les hospitalisations est toujours plus tardif que l’augmentation de l’incidence, il est donc possible que les données soient différentes dans les deux prochaines semaines. Mais cela ne semble pas être la seule explication, car, si on compare cette vague au même stade de la vague delta, la proportion des patients en unité de soins intensifs reste beaucoup plus faible (figure ci-dessous).

Figure

Autre point important : ces données ne sont pas stratifiées en âge. Le profil d’âge est différent de celui des vagues précédentes : les cas infectés par le variant omicron et les hospitalisations concernent des sujets beaucoup plus jeunes, on s’attend donc à moins d’hospitalisation et de recours aux soins intensifs dans cette population (graphique ci-dessous).

Omicron serait-il intrinsèquement moins virulent, comme suggéré par certains médias ? Aucune preuve n’existe à ce stade.

Ce qui est plus probable, c’est que la baisse de la proportion de patients en soins intensifs soit la conséquence de la vaccination puisque 57 % des personnes de plus de 50 ans ont été vaccinées dans cette province sudafricaine comparativement à 34 % dans la tranche d’âge de 18 à 49 ans. La vaccination conférerait donc une solide protection contre les formes graves de la maladie, comme on l’observe aujourd’hui en Europe au cours de cette nouvelle vague due au variant delta.

Si ces données sont relativement rassurantes, il faut tout de même rester très prudent.

Les gouvernements étant très réticents à réimposer des restrictions majeures, l’avantage de croissance d’omicron (qu’il soit conféré par une période d’incubation plus courte, une évasion immunitaire et/ou autre chose) est susceptible de produire des vagues d’infections très rapides lorsqu’il s’installe. Si nous prenons l’équation : « lits de soins intensifs occupés = personnes infectées x risque d’être hospitalisé en soins intensifs », les « personnes infectées » pourraient devenir très nombreuses, très rapidement, même si l’immunité vaccinale/naturelle est élevée.

Donc prudence et patience, en attendant les nouvelles données…

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

1. Burn-Murdoch J (Financial Times). « Time for a South Africa update » [Tweet]. 5 décembre 2021. Disponible sur : https://twitter.com/jburnmurdoch/status/1467270495842324483

2. Abdullah F. Tshwane District Omicron Variant Patient Profile – Early Features. SAMRC, décembre 2021.