Si le variant omicron semble moins virulent que le delta, cela est-il dû à une moindre dangerosité intrinsèque ou au fait que la population est plus immunisée ? Pendant le dernier mois, en France, ces deux variants ont circulé en même temps, permettant de comparer leur impact sur les hospitalisations. Que montrent les premières données disponibles ? L’hôpital pourra-t-il tenir ?
À partir de sa base de données (Entrepôt de données de santé), l’AP-HP a étudié la part des deux variants circulant en France (delta et omicron) chez les nouveaux patients hospitalisés dans ses services pour Covid entre le 1er décembre 2021 et le 4 janvier 2022, à la fois en soins critiques et en hospitalisation conventionnelle.
Ces données concernent 3 112 patients : 491 hospitalisés en soins critiques et 2 621 pris en charge en hospitalisation conventionnelle. L’analyse montre une nette augmentation de la proportion de patients infectés par le variant omicron en hospitalisation conventionnelle et une stabilité de leur proportion en soins critiques, où ils restent très minoritaires. En moyenne, sur la dernière semaine de 2021, l’étude rapporte que les patients infectés avec omicron (figure 1, courbe rouge-orangé) représentent 54 % des entrées en hospitalisation conventionnelle et seulement 19 % des entrées quotidiennes en soins critiques.
La durée de séjour en hospitalisation conventionnelle est aussi plus courte : 19 % des séjours sont de courte durée (moins de 1 jour) pour les patients infectés par delta, versus 43 % pour les personnes infectées par omicron (figure 2).
Les auteurs ont ensuite analysé le parcours des patients hospitalisés dans la période concernée. Parmi les patients admis, la proportion de ceux hospitalisés d’emblée en soins critiques était de 8 %, versus 25 % pour delta ; la proportion de ceux transférés en réanimation après hospitalisation conventionnelle était de 5 % pour omicron versus 14 % pour delta.
En conclusion, pour la période analysée, la probabilité d’avoir recours aux soins critiques (soit directement, soit après un passage par l’hospitalisation conventionnelle) est donc 3 fois plus élevée chez les patients infectés par le variant delta que par le variant omicron (figure 2).
Par ailleurs, un rapport récent de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) estime qu’à l’échelle nationale, entre le 10 et le 16 janvier 2022, le variant omicron concernait 54 % des admissions en soins critiques et 73 % des entrées hospitalières conventionnelles, alors qu’il représentait 95 % des tests PCR positifs.
Une modélisation a permis d’effectuer, à partir de ces données françaises, les premières estimations du risque d’infection et d’hospitalisation et de la protection vaccinale associés à omicron. Selon ces résultats préliminaires, parmi les personnes testées positives, la probabilité d’être hospitalisé avec omicron est plus faible qu’avec delta, notamment pour les personnes âgées entre 40 ans et 80 ans ; le risque d’aller en soins critiques est particulièrement réduit avec omicron par rapport à delta, et ce pour tous les statuts vaccinaux – cette réduction de risque est particulièrement forte pour les personnes de 60 à 80 ans qui sont aussi les plus représentées dans ces hospitalisations (v. graphiques ci-dessous). Ces données montrent que le vaccin et la dose de rappel sont efficaces pour lutter contre les hospitalisations après infection par omicron, même si l’efficacité est réduite par rapport au variant delta. Enfin, les durées d’hospitalisation apparaissent, à ce stade, plus courtes pour le variant omicron par rapport à delta, mais ce constat reste à confirmer.
Source : appariement SI-VIC, SI-DEP, VAC-SI. Modélisation Drees. Données extraites le 18 janvier 2022 pour la période du 13 décembre 2021 au 16 janvier 2022. Lecture : pour chaque variant delta ou omicron, le risque d’être hospitalisé pour chaque statut vaccinal est ici représenté conditionnellement au fait d’être testé positif par RT-PCR.
Compte tenu de la moindre dangerosité du variant omicron, l’Institut Pasteur a revu ses projections sur l’épidémie à la baisse. Dans leur dernière analyse du 12 janvier, les chercheurs estiment qu’il y aura entre 17 000 et 32 000 personnes hospitalisées au pic épidémique, avec entre 3 900 et 6 000 personnes en soins critiques. Même si ces chiffres sont extrêmement élevés pour notre système hospitalier au bout de souffle, ils sont moins catastrophiques que ceux annoncés il y a 1 mois…
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
AP-HP. Covid-19 : Premières estimations de la place des variants Delta et Omicron chez les patients hospitalisés à l’AP-HP du 1er décembre 2021 au 4 janvier 2022. 10 janvier 2022.