Données sud-africaines
En Afrique du Sud, la vague omicron a été de courte durée et a entraîné moins d’hospitalisations et de décès que les vagues précédentes.
Une étude menée dans la province de Gauteng soumise au Lancet le 29 décembre a comparé la gravité de l’infection Covid au cours de trois vagues : quatrième vague dominée par omicron versus deuxième et troisième vagues respectivement associées aux variants bêta et delta. Il faut savoir que, contrairement à ce que l’on observe en Europe, la quatrième vague a débuté en Afrique du Sud alors que les taux d’infection par le variant delta étaient très bas. Au 14 novembre 2021, avant son début, 31 % de la population adulte du Gauteng était complètement vaccinée (2 doses de vaccin Pfizer ou AstraZeneca).
Pour la période d’étude considérée (4 premières semaines pour chaque vague), malgré un nombre de cas beaucoup plus élevé (133 551 versus 41 046 et 33 423), seulement 4,9 % des cas ont été hospitalisés lors de la quatrième vague (omicron) contre 18,9 % et 13,7 % lors des deuxième et troisième ; dans 28,8 % des cas, la maladie était sévère contre 60,1 % et 66,9 % ; le recours à l’oxygénothérapie a été de 19,7 % versus 38,4 % et 48,8 %. La durée moyenne de séjour à l’hôpital a été inférieure pour omicron : 4 jours versus 7 et 8 jours. Quant aux décès : 6 % versus 24 % dans les deux vagues précédentes. Ainsi, l’augmentation des cas n’a pas été accompagnée par une élévation concomitante des admissions hospitalières. Plus précisément, l’analyse statistique montre que les patients admis lors de la vague omicron ont, par rapport à ceux admis lors de la vague delta, un risque environ trois fois moindre de faire une forme sévère. Le taux de mortalité hospitalière était plus de quatre fois inférieur.
Les résultats d’une autre étude sud-africaine (49 hôpitaux privés), publiée dans le JAMA, comparant le devenir des patients hospitalisés lors des différentes vagues épidémiques, vont dans le même sens. Par rapport à la vague delta, le taux d’admission à l’hôpital était plus faible : 41,3 % vs 69 %. Leur pronostic après admission était meilleur : 31,6 % de patients en insuffisance respiratoire aiguë vs 91,2 % lors de la vague delta ; besoin en oxygénothérapie de 17,6 % versus 74 % ; admission en soins intensifs : 18,5 % versus 29,9 %. Le taux de décès a chuté à de 29,1 % à 2,7 % pendant la vague omicron.
Cependant, il est difficile d’extrapoler ces résultats aux autres pays de l’hémisphère nord, compte tenu des différences épidémiologiques (population plus jeune en Afrique du Sud, début de l’été austral, ratio vaccinés/infectés différent avec 73 % de la population précédemment infectée). Par ailleurs, cette différence entre les vagues est-elle liée au virus, moins virulent en soi, ou à l’immunité acquise de la population ?
Données anglaises
En Grande-Bretagne, la vague omicron a démarré quelques semaines avant celle de la France. Le dernier rapport de la UK Health Security Agency a commencé à évaluer le risque d’hospitalisation lié à cette vague. À la différence des études sud-africaines, l’analyse a inclus 528 176 cas omicron et 573 012 cas delta survenus dans la même période, entre le 22 novembre et le 26 décembre 2021. Au total, 3 019 cas omicron et 13 579 cas delta ont été admis ou se sont présentés aux urgences dans les 14 jours suivants. L’analyse statistique trouve que le risque de présentation aux urgences ou d’admission à l’hôpital était environ divisé par deux avec omicron par rapport à delta (par trois si on considère seulement le risque d’hospitalisation). Bien que ces données doivent être consolidées, des sous-analyses préliminaires semblent indiquer un risque d’hospitalisation plus faible également chez les enfants d’âge scolaire (5 à 17 ans).
Données américaines
Aux États-Unis, une étude de cohorte rétrospective (fondée sur les données du dossier de santé électronique) a inclus 14 054 personnes infectées entre le 15 et le 24 décembre 2021, période où le variant omicron était prédominant (« cohorte omicron »), qui ont été appariées avec 563 884 personnes infectées entre le 1er septembre et le 15 décembre 2021 (« cohorte delta »). Aucun patient n’avait d’antécédent d’infection par le SARS-CoV-2. Les auteurs ont comparé le risque à 3 jours de quatre paramètres : visite au service d’urgences, hospitalisation, admission en soins intensifs et ventilation mécanique.
Ces risques étaient systématiquement réduits de plus de moitié par rapport à ceux observés dans la cohorte delta : visite au service d’urgences : 4,55 % contre 15,22 % ; hospitalisation : 1,75 % vs 3,95 % ; admission en soins intensifs : 0,26 % contre 0,78 % ; ventilation mécanique : 0,07 % contre 0,43 %. Les auteurs soulignent qu’aucune diminution de ce type n’a été rapportée chez les patients infectés fin novembre, juste avant l’émergence du variant omicron, il n’y a donc pas de preuve d’un déclin progressif de la virulence du variant delta. Des tendances similaires ont été observées dans les différentes classes d’âge. En particulier, le risque global de visites aux urgences et d’hospitalisation était nettement inférieur chez les enfants de moins de 5 ans, alors qu’ils ne sont pas vaccinés : 3,89 % et 0,96 % respectivement, nettement inférieurs à 21,01 % et 2,65 % dans la cohorte delta.
Un tropisme pour les muqueuses ?
Les résultats de plusieurs travaux expérimentaux communiqués ces derniers jours pourraient expliquer, au moins en partie, cette moindre virulence. Les hamsters et souris infectés par omicron ont moins de lésions pulmonaires. Dans des échantillons de poumons humains, ce variant se multiplie plus lentement que delta et les autres variants mais il se réplique rapidement dans les bronches. Omicron pourrait dont être devenu hyperspécialisé dans l’infection des voies respiratoires supérieures. Ce tropisme pour les muqueuses est avantageux pour le virus, surtout dans une population immunisée : il lui permet d’échapper à l’immunité, qui est faible au niveau des muqueuses (les anticorps neutralisants étant surtout dans le sérum), tout en maintenant une grande contagiosité (gouttelette de salive, nez qui coule…).
Rappelons que quatre souches de coronavirus humains circulent aujourd’hui en un équilibre endémique stable, en raison de l’immunité établie dans la population par l’infection survenant pendant l’enfance. L’immunité acquise contre ces virus limite les maladies graves, mais n’empêche ni leur transmission ni les réinfections bénignes (rhumes). Dans les pandémies historiques dues à un variant émergent, il a fallu en général 2 ans pour atteindre un équilibre endémique.
Ce variant hyperspécialisé dans les muqueuses signerait-il donc le passage à la phase endémique du SARS-CoV-2, prélude à la fin de la crise sanitaire ? On l’espère tous, mais nous sommes loin d’avoir tout compris sur ce virus qui n’arrête pas de nous surprendre…
Pour le moment, même si omicron apparaît moins dangereux que les variants précédents, du moins pour la majorité des personnes infectées ou vaccinés, l’explosion des cas en France ces derniers jours fait craindre, du fait d’une augmentation inévitable des hospitalisations, une saturation des hôpitaux. Prudence donc : l’impact de la vague d’omicron dépendra des taux de vaccination bien sûr (les vaccins protégeant contre les formes graves), mais aussi des comportements de Français dans les prochaines semaines (limitation des contacts)…
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Maslo C, Messina A, Laubscher A, et al. COVID-19 : A comparative study of severity of patients hospitalized during the first and the second wave in South Africa. medRxiv 11 mai 2021.
Jassat W, Karim SA, Mudara C, et al. Clinical Severity of COVID-19 Patients Admitted to Hospitals in Gauteng, South Africa During the Omicron-Dominant Fourth Wave. Lancet 29 décembre 2021.
Maslo C, Friedland R, Toubkin M, et al. Characteristics and Outcomes of Hospitalized Patients in South Africa During the COVID-19 Omicron Wave Compared With Previous Waves. JAMA 30 décembre 2021.
UK Health Security Agency. SARS-CoV-2 variants of concern and variants under investigation in England. 31 décembre 2021.
Wang L, Berger NA, Kaelber DC, et al. Comparison of outcomes from COVID infection in pediatric and adult patients before and after the émergence of Omicron.medRxiv 30 décembre 2021.
LKS Faculty of Medicine of The University of Hong Kong. HKUMed finds Omicron SARS-CoV-2 can infect faster and better than Delta in human bronchus but with less severe infection in lung. 15 décembre 2021.
Nobile C. Omicron : efficacité des vaccins contre les formes graves.Rev Prat (en ligne) 4 janvier 2022.