La Société française de pharmacologie et thérapeutique (SFPT) alerte sur les risques liés à l’augmentation récente de l’utilisation de l’oxycodone pour traiter la douleur chronique.

Ces dernières années, la prescription d’oxycodone augmente de façon inquiétante en France. En 2017, si la morphine était toujours le premier antalgique opioïde de palier 3 utilisé, elle était suivie de près par l’oxycodone en forte augmentation (+ 738 % depuis 2006), en ville et à l’hôpital. De plus, son implication dans les décès toxiques par antalgiques a quadruplé entre 2013 et 2017, en particulier dans des contextes accidentels dus à la méconnaissance du produit (« échanges de médicaments pour dormir » chez des patients naïfs, par exemple) ou dans un contexte festif.

Or, rappelle la SFPT, il n’existe aucun argument pour la préférer en primoprescription par rapport à la morphine : pas d’avantage pharmacologique ; risque médicamenteux supérieur en raison des différences du point de vue pharmacocinétique et pharmacodynamique.

En effet, contrairement à des idées reçues, l’action antalgique de l’oxycodone n’est pas plus puissante que celle de la morphine. Par voie intraveineuse, leur action est équivalente ; per os, le rapport d’analgésie différent est uniquement lié à une meilleure biodisponibilité orale de l’oxycodone par rapport à la morphine (30 %) mais elle est fluctuante (entre 60 % et 80 %), ce qui peut exposer à une variabilité de la réponse clinique, plus ou moins importante, en particulier chez la personne âgée, chez qui la biodisponibilité des médicaments est augmentée.

De plus, l’oxycodone aurait un profil plus addictogène, car elle possède une action dopaminergique plus importante et durable que la morphine. Pour rappel, cette molécule est le premier médicament impliqué dans la crise des opioïdes aux États-Unis. D’après les données actuelles d’addictovigilance en France, les signalements de troubles de l’usage impliquant l’oxycodone concernent en grande majorité les sujets exposés initialement dans le cadre d’une prise en charge antalgique (73 %).

Par ailleurs, cette molécule peut être responsable d’interactions médicamenteuses, et aurait un risque plus élevé de troubles du rythme cardiaque que la morphine (augmentation de l’intervalle QT). Elle se fixe aussi davantage aux protéines plasmatiques (45 %, versus 30 % pour la morphine), ce qui peut conduire à un risque de surdosage chez les personnes âgées et dénutries ; étant lipophile à l’inverse de la morphine, elle peut aussi voir sa demi-vie d’élimination allongée chez la personne âgée.

Enfin, l’oxycodone n’a aucun avantage en ce qui concerne les effets indésirables fréquents, notamment le risque de constipation strictement comparable à celui de la morphine.

Ainsi, la SFPT souligne que la morphine reste à ce jour l’antalgique de palier 3 à privilégier, tout en rappelant que les opiacés ne sont pas indiqués dans les douleurs neuropathiques.

Les recommandations récentes de la HAS (2022) concernant le traitement antalgique opioïde de la douleur chronique non cancéreuse peuvent être consultées pour plus de détails.

Pour en savoir plus
Société française de pharmacologie et thérapeutique.  #F012. L’augmentation de l’utilisation de l’oxycodone dans la prise en charge de la douleur.  Pharmacofact 22 mai 2023.
Nobile C. Opioïdes : nouvelles recos pour sécuriser la prescription.  Rev Prat (en ligne) 25 mars 2022.