Que la pratique régulière d’activités physiques soit favorable à la santé est connu depuis toujours. En revanche, la notion de prescription de l’activité physique est plus récente puisque mentionnée parmi d’autres actions dans le rapport ­Développement de la prescription non médicamenteuse de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2011 et précisée l’année suivante par l’Académie nationale de médecine dans l’article Activités physiques et sportives : des preuves scientifiques à la prise en compte par les pouvoirs publics en prévention.1
Dans ces deux textes ont été abordées les notions de prévention primaire et tertiaire. Pour faire simple, la prévention primaire va utiliser les activités physiques et sportives (APS) pour maintenir en bonne santé ceux qui le sont, et pour maintenir l’autonomie chez les personnes dites fragiles, en particulier les personnes avançant en âge. Cette prévention est plus de l’éducation à la santé que de la prise en charge thérapeutique et n’est pas l’apanage des seuls médecins. En revanche, pour le grand nombre de personnes ayant une pathologie chronique, la prescription des APS est un acte de prévention tertiaire qui participe au traitement de l’affection et vise à une prévention des complications. C’est dans ce cadre que la notion « d’ordonnance » prend toute sa signification.

Bien définir le concept de prescription, d’ordonnance et d’APS !

Si l’on se réfère à la définition d’une autre académie, le Dictionnaire Larousse dit : « Prescription, nom féminin (latin praescriptio, -onis) : ordre formel et détaillé énumérant ce qu’il faut faire : les prescriptions de la loi ; recommandation thérapeutique, éventuellement consignée sur ordonnance, faite par le médecin ; document écrit dans lequel est consigné ce qui est prescrit par le médecin ; action d’un prescripteur ; écoulement d’un délai à l’expiration duquel une action judiciaire ne peut plus être exercée, ou bien une situation de droit ou de fait est acquise. »
On constate que les 2e et 3e propositions parlent bien de thérapeutique, d’ordonnance et de médecin ! Et tous les médecins sont aujourd’hui concernés car la notion de prescription et donc d’ordonnance a été gravée dans le « marbre de la loi » !
Dans la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, l’article 144 précise qu’apparaît dans le code de la santé publique la modification suivante : « Art. L. 1172-1. Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée (ALD), le médecin traitant peut prescrire une acti­vité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient ».* Il va de soi que ce principe érigé pour les ALD peut être étendu à l’ensemble des pathologies chroniques.
Tout docteur en médecine sait rédiger une ordonnance médicamenteuse. Il précise le nom du médicament, la posologie, le nombre de prises et leur moment dans la journée, en particulier par rapport aux repas, la durée du traitement.
Cette ordonnance est bien sûr personnalisée en fonction de la pathologie et des caractéristiques du patient telles que l’âge ou le poids, par exemple !
La même façon de faire peut s’appliquer à l’ordonnance d’APS. En effet, celles-ci sont caractérisées aujourd’hui par quatre paramètres qui seront donc la base de leur prescription :
– le type d’activité physique (endurance cardiorespiratoire, renforcement musculaire, exercices de souplesse, d’équilibre, de « santé osseuse ») ;
– l’intensité de la pratique, modérée ou élevée ;
– la fréquence hebdomadaire des séances ;
– la durée des séances.
Et, là encore, la prescription est personnalisée en fonction des caractéristiques du patient, de sa pathologie et du degré d’évolution de cette dernière.
La comparaison avec la prescription médicamenteuse s’arrête là car la durée du traitement est ici à vie, et cette prescription doit toujours s’accompagner de conseils, au mieux rédigés eux aussi, de lutte quotidienne contre la sédentarité.
Enfin, contrairement à l’ordonnance médicamenteuse qui est destinée dans un premier temps au pharmacien, puis à permettre ensuite au patient de prendre son traitement, seul ou avec l’aide d’un aidant, l’ordonnance d’APS doit s’intéresser à un dernier paramètre, à savoir le contexte même de la pratique. Elle peut en effet se faire de manière individuelle ou de façon collective, en toute autonomie ou en milieu associatif, fédératif ou en structures de soins, et dans ces derniers cadres sous la responsabilité de professionnels paramédicaux ou du monde du sport, préalablement formés à la prise en charge de ces pathologies chroniques.

Comment prescrire en pratique ?

Aborder cet aspect pratique, c’est essayer de répondre à trois questions :
– qui rédige l’ordonnance ?
– que doit mentionner l’ordonnance ?
– à qui confie-t-on le patient car cela peut (doit ?) figurer sur l’ordonnance (v. infra) ?

C’est le médecin qui prescrit

À la première question, la réponse est évidente et univoque, c’est un médecin. Mais est-il formé pour le faire ? La majorité des médecins ne l’est pas en 2019, essentiellement du fait d’un manque dans la formation initiale, que cela soit dans le cursus commun ou dans le parcours des diplômes d’études spécialisées (DES), même si certaines facultés l’incorporent maintenant, en particulier dans le DES de médecine générale. Il reste donc aux médecins la solution de formations volontaristes, telles que capacité, diplômes d’université ou interuniversitaires dédiés ou développement professionnel continu.

Comment prescrit-il ?

L’ordonnance est rédigée au décours d’une consultation de prescription qui doit « adapter l’activité physique à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient ». Cette consultation fait l’objet d’une publication très récente de la HAS, le Guide de promotion, consultation et prescription médicale d’activité physique et sportive pour la santé chez les adultes.2
En fonction des résultats de cette consultation, la prescription s’appuie sur les dernières recomman­dations d’experts, actualisées en 2016-2017 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de ­l’environnement et du travail (ANSES).3
La démarche est guidée par les règles de bonne pratique médicale chez un patient atteint d’une pathologie chronique et vise à apprécier le degré de limitation fonctionnelle du patient et à rechercher une éventuelle contre-indication à certaines pratiques. Elle s’appuie sur le rapport du Groupe de travail de la Direction générale de la santé (DGS).4 Ce rapport, destiné à l’ensemble des pathologies chroniques, définit quatre groupes de limitations fonctionnelles (tableau 1). Ce tableau peut paraître complexe ; il n’a pour but que de permettre au praticien d’optimiser sa prescription, afin de confier éventuel­lement le patient à l’accompagnant approprié.

Que prescrit-il ?

Comme précisé dans le document de l’ANSES,3 le prérequis est la lutte contre la sédentarité, qui vise une modification durable du comportement. C’est une prise de conscience quotidienne que de diminuer les périodes de temps passées en position assise et les temps d’écran, de favoriser la marche à pied pour les trajets professionnels et scolaires, les petites courses, etc., de préférer les escaliers à l’ascenseur et même, quand cela est possible, de travailler… debout !
Sur ce socle, on va ajouter des APS structurées en termes de type, d’intensité, de durée et de fréquence des séances. Deux grands types d’activité sont à privilégier :
– les activités de type cardiorespiratoire ou aérobie (endurance), soit d’intensité modérée, soit d’intensité élevée pendant des durées et des fréquences précédemment précisées ; à noter que les activités de la vie quotidienne inférieures à 10 minutes ne doivent pas être comptabilisées car elles sont incluses dans la lutte contre la sédentarité ;
– les activités de renforcement musculaire (musculation douce).
Il faut également y associer des exercices de souplesse, d’équilibre et santé osseuse (pour cette dernière, la montée-descente d’escaliers est de loin la plus simple).
Il faut bien garder en tête que ces recommandations sont très générales et que le maître mot est de person­naliser l’ordonnance.
Reste à préciser le choix de l’activité ! Ne rien imposer ! Le choix se fait en fonction des possibilités du patient en temps dédié, en proximité de structures mais surtout en fonction de ses goûts. La pérennisation des APS passe par la notion de plaisir, souvent sous-tendue par une ­approche ludique. Le Médicosport-Santé du Comité ­national olympique et sportif, créé par Alain Calmat, apporte un panel d’activités où chacun doit pouvoir ­trouver son bonheur.**
Il faut cependant privilégier des activités qui mobilisent le corps entier, proposer deux ou trois activités pour ne pas lasser et choisir des activités à faible risque traumatique. Il va de soi que le programme doit avoir une montée en puissance progressive, en fonction des résultats et des difficultés rencontrées, ce qui implique un suivi régulier.
La question rémanente est celle du contrôle de l’intensité de l’exercice. Un repère simple et directement applicable au terrain est celui de l’essoufflement : le sujet doit pouvoir faire l’exercice en parlant sans difficulté (intensité modérée) mais aussi à une intensité telle qu’il lui soit impossible de chanter (intensité élevée). Plus scientifiques sont les utilisations d’échelle visuelle ­analogique de perception de l’exercice, de la notion de metabolic equivalent of task (MET) ou, mieux encore, d’un cardiofréquencemètre (v. p. 273).
Pour faciliter la prescription, une instruction ministérielle (mars 2017, http://circulaires.legifrance.gouv.fr) propose une feuille type d’ordonnance (fig. 1), utilisable par le médecin, qui reste libre en fonction de ses compétences de détailler sa prescription.

À qui confier le patient ?

Cette question a été « réglée » par l’instruction interministérielle qui a, d’une part, fixé les compétences à posséder pour prendre en charge les patients en fonction des limitations fonctionnelles définies dans le tableau 1 et, d'autre part, précisé pour chacun de ces phénotypes quel type d’intervenant était « autorisé » et le « mieux placé » pour intervenir (tableau 2).
Mais, là encore, il est nécessaire de former certains intervenants, non préparés par certains diplômes à la prise en charge de patients.

Deux exemples

Pour illustrer l’ensemble de ces propos, nous prendrons deux exemples pratiques, tirés d’un récent ouvrage pour la préparation des Épreuves classantes nationales,5 adapté en fonction du Guide de la HAS : 2 un homme ­sédentaire de 40 ans ayant une hypertension artérielle modérée, bien contrôlée, et considéré comme à limitation minime (patient 1) ; une femme de 60 ans diabétique de type 2, obèse, ayant une limitation sévère de la fonction locomotrice associée à un début d’atteinte oculaire ­(patiente 2). Ces deux exemples « extrêmes » sont bien sûr à adapter au contexte psychosocial de la personne. Les ordonnances sont « bâties » sur le modèle précédemment cité (fig. 2 et 3).
Pour le patient 1, il faut noter les conseils de lutte contre la sédentarité, la notion de progressivité pour l’ensemble des exercices, la différence d’intensité pour le renforcement musculaire entre membres supérieurs et inférieurs (la fréquence cardiaque et donc la pression artérielle augmentent plus lors d’exercices des membres supérieurs). Sauf si le médecin en a les compétences, les moyens, et le temps, il est souvent nécessaire de passer par un enseignant en activité physique adaptée (APA) ou un professionnel du monde sportif formé pour déterminer les intensités et pour montrer comment réaliser le renforcement musculaire et les exercices de souplesse.
Enfin, il ne faut pas oublier de toujours mentionner les précautions, même si ici le patient semble peu exposé.
Pour la patiente 2, la prescription est plus simple. Dans un premier temps, c’est une prise en charge par un masseur-kinésithérapeute, 3 fois par semaine, avec une surveillance médicale rapprochée, afin de permettre à la patiente de récupérer de la motricité, une sangle abdominale et de la souplesse. Dans ce cadre, des bilans ­complémentaires en milieu spécialisé pour connaître « l’aptitude en endurance » doivent être envisagés. Là aussi, même si elle est plus difficile, la lutte contre la sédentarité s’impose !

Un long chemin à parcourir encore…

Le médecin dispose aujourd’hui d’outils et de recommandations récentes qui devraient lui permettre de faire face à toutes les situations et d’adapter ainsi son ordonnance de prescription d’activités physiques et sportives.
Il reste cependant du travail à faire, en formation pour l’acquisition des compétences, en acceptation par tous de la complémentarité et du partage de ces compétences, et en acceptation par la population quel que soit son état de santé de modifier son comportement immédiatement et définitivement ! 
Références
1. Bazex J, Pène P, Rivière D. Activités physiques et sportives ; implications pour la santé et la société. Bull Acad Natle Med 2012;196:1429-42. http://bit.ly/2PFgxKj
2. Haute Autorité de santé. Guide de promotion, consultation et prescription médicale d’activité physique et sportive pour la santé chez les adultes. HAS, septembre 2018. http://bit.ly/3ck0k78
3. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Actualisation des repères du PNNS. Révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité. Anses, février 2016. http://bit.ly/3aj6NgL
4. Bigard X, et le groupe de travail de la Direction générale de la santé. Activité physique et prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques. Quelles compétences pour quels patients ? Quelles formations ? DGS, juin 2016. http://social-sante.gouv.fr
5. Collège français des enseignants en médecine et traumatologie du sport et de l’exercice physique. Activité physique et sportive : facteur de santé. Réussir les ECNi. Paris : Elsevier Masson, 2019.

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Résumé

La prescription est « une recommandation thérapeutique, éventuellement consignée sur ordonnance, faite par un médecin ». Des recommandations actualisées existent, relayées par les pouvoirs publics, qui ont officialisé cet acte de prescription par une loi pour les affections de longue durée. L’ordonnance de prescription d’activité physique et sportive (APS) s’adresse à des patients atteints de pathologies chroniques avec un but de prise en charge thérapeutique et un but de prévention des complications. Elle inclut, au mieux, outre la précision des quatre paramètres caractérisant cette activité (type, intensité, durée et fréquence des séances), des conseils de lutte quotidienne contre la sédentarité. Elle doit être personnalisée pour tenir compte de l’état du patient et d’un éventuel risque encouru. Il reste cependant à fournir les compétences aux prescripteurs, informés mais pas toujours formés, et à s’assurer des possibilités de réalisation pratique des exercices figurant sur l’ordonnance.