Connaître les arguments en faveur du diagnostic d’oreillons et de ses différentes complications.
Éléments de physiopathologie (rang B)
Le virus ourlien est caractérisé par un fort tropisme glandulaire. À la phase initiale de l’infection, il se réplique au sein de l’épithélium des muqueuses nasales et du tractus respiratoire supérieur, ainsi que dans les ganglions lymphatiques régionaux. S’ensuit une période virémique responsable de la dissémination de l’infection aux organes cibles, expliquant la diversité des manifestations cliniques possibles. La réplication virale au sein de la glande parotide, et notamment au sein de son épithélium canalaire (ductal epithelium), est responsable d’un œdème interstitiel inflammatoire diffus associé à des infiltrats de macrophages et de lymphocytes. Des lésions similaires peuvent être observées au sein des tissus glandulaires des testis et du pancréas. L’atteinte du système nerveux central serait liée à la contamination du liquide cérébrospinal (LCS) secondairement à l’invasion des plexus choroïdiens et des cellules épendymaires des ventricules. L’atteinte virale directe du parenchyme cérébral suivant cette contamination du LCS est possible, mais elle est probablement exceptionnelle ; la plupart des cas décrits d’encéphalite seraient en effet vraisemblablement liés à un processus para- ou post-infectieux. La réplication du virus au sein des organes cibles se traduit également par une virémie secondaire, phase durant laquelle le virus est détectable dans le sang pendant quelques jours. L’atteinte rénale et des voies urinaires au cours de cette phase virémique est fréquente, et se traduit par une virurie qui peut durer de dix à vingt jours.
Éléments d’épidémiologie (rang B)
Avant l’ère de la vaccination, les oreillons survenaient sous forme d’épidémies tous les quatre à cinq ans, touchant principalement les enfants de 5 à 7 ans, avec un nombre de reproduction de base (R0) estimé à 4,4 (de 3,3 à 10,3 selon les modèles). Dans les pays tempérés, on décrivait une saisonnalité importante, avec des pics épidémiques en hiver et au printemps. Les études globales de séroprévalence montraient des taux de séropositivité de 50 % chez les enfants de 4 à 5 ans et jusqu’à 90 % chez les enfants de 14 à 15 ans, illustrant le caractère ubiquitaire de cette infection. Les formes compliquées étaient nettement plus fréquentes avant la vaccination : les oreillons représentaient jusqu’à 10 % des causes de méningite aseptique, et environ 1 enfant atteint sur 20 000 présentait des séquelles à type de surdité unilatérale.
L’incidence des oreillons a considérablement diminué dans les pays dans lesquels la vaccination généralisée a été mise en place. La vaccination contre les oreillons ne fait néanmoins pas partie des programmes de vaccination systématique dans certaines régions du monde, ce qui explique qu’environ 500 000 cas annuels en moyenne ont été rapportés à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) durant les dix dernières années. Selon les données de l’European Centre for Disease Control (ECDC), 11 300 cas ont été signalés en Europe en 2018, dont la moitié étaient survenus dans des contextes d’épidémies. Sur ces cas, seuls 4,5 % ont été diagnostiqués en contexte hospitalier, et aucun décès n’a été signalé. Selon les données de Santé publique France, l’incidence des oreillons en France est passée de 859 cas annuels pour 100 000 habitants en 1986 à 11 cas annuels pour 100 000 habitants en 2020, soit près de 80 fois moins. L’âge médian des cas rapportés a augmenté, passant de 5 ans en 1986 à 22,5 ans en 2020. La circulation du virus en France et dans les autres pays occidentaux est actuellement faible. On y décrit néanmoins régulièrement des foyers épidémiques, principalement dans des contextes de contacts rapprochés (écoles, universités, clubs de sport, casernes, lieux de culte…), touchant principalement la catégorie d’âge des 18-25 ans. D’importants foyers épidémiques ont notamment été décrits dans les années 2000 aux États-Unis (jusqu’à 3 500 cas dans une communauté religieuse du nord-est des États-Unis), au Canada, au Royaume-Uni, et des épidémies de petite taille sont également régulièrement décrites en Europe. Les cas épidémiques surviennent majoritairement chez des sujets ayant reçu deux doses de vaccin (de 70 % à plus de 90 % selon les situations et les pays). L’augmentation de la proportion de vaccinés parmi les cas témoigne principalement d’une couverture vaccinale importante, et non pas d’un échec de la stratégie vaccinale. En effet, l’efficacité du vaccin actuellement utilisé est importante (protection d’au moins 80 à 90 % contre les formes cliniques de l’infection), mais il existe vraisemblablement un phénomène de perte d’immunité au cours du temps, expliquant en partie la sur-représentation de jeunes adultes parmi les cas.
Diagnostic
Diagnostic clinique (rang A)
L’impact du statut vaccinal sur la probabilité de présenter des symptômes n’est pas bien connu. Si l’infection reste possible chez des sujets vaccinés, la vaccination réduit significativement le risque de manifestations glandulaires extrasalivaires et extraglandulaires (
Parotidite ourlienne
C’est la localisation la plus fréquente de l’infection. Elle est présente dans environ 70 % des cas, et dans jusqu’à 95 % des infections symptomatiques. Succédant à la phase prodromique, elle est caractérisée par l’apparition progressive sur deux à trois jours d’une tuméfaction douloureuse de la glande parotidienne, refoulant le lobule de l’oreille et comblant le sillon rétromandibulaire. Initialement unilatérale, la parotidite se bilatéralise après quelques jours dans environ 70 à 90 % des cas, pouvant donner au visage un aspect piriforme caractéristique. À la palpation, les parotides sont fermes et douloureuses. L’orifice du canal de Sténon est habituellement œdématié et érythémateux. Une tuméfaction des glandes sous-mandibulaires et sublinguales est également possible, ainsi que des adénomégalies prétragiennes ou sous-angulomaxillaires. L’évolution est, dans la grande majorité des cas, favorable sans séquelles, en sept à dix jours.Atteintes glandulaires extrasalivaires
Une orchi-épididymite est observée chez environ 15 à 30 % des patients de sexe masculin, et elle est exceptionnelle avant la puberté. Elle survient habituellement quatre à huit jours après la parotidite. L’altération de l’état général est fréquemment prononcée, et s’accompagne volontiers de douleurs abdominales, de vomissements et de céphalées. L’orchite se manifeste par une augmentation douloureuse du volume testiculaire, associée à une réaction inflammatoire du scrotum. Une épididymite est présente dans la majorité des cas. Généralement unilatérale, elle peut être bilatérale dans environ 15 à 30 % des cas. L’évolution est favorable en une à deux semaines, mais une sensibilité testiculaire peut persister plusieurs semaines. Il est décrit un certain degré d’atrophie testiculaire dans près de la moitié des cas, ainsi que des anomalies quantitatives et/ou qualitatives du spermogramme en période post-infectieuse, mais les conséquences sur la fertilité semblent limitées, même en cas d’atteinte bilatérale.Chez la femme en période post-pubertaire, une atteinte des ovaires (oophorite) ou une mastite est possible, mais rare (environ 5 % des cas).
Enfin, une pancréatite peut être observée dans environ 4 % des cas. Elle succède à la parotidite ou peut apparaître de façon isolée. Elle est habituellement paucisymptomatique et d’évolution rapidement favorable sans séquelles.
Atteintes neuroméningées
Les atteintes neuroméningées sont fréquentes au cours des oreillons, et jusqu’à 50 % des infections s’accompagnent d’une pléiocytose du liquide cérébrospinal, le plus souvent sans symptômes méningés. Une méningite clinique est observée, parfois jusque dans 10 % des cas, et est habituellement bénigne. Elle serait plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. Elle peut précéder la survenue d’une parotidite ou lui succéder d’une à deux semaines. Dans 50 % des cas, elle survient de façon isolée. L’analyse du liquide cérébrospinal montre typiquement une pléiocytose à prédominance lymphocytaire (la formule peut être initialement panachée ou à prédominance de polynucléaires), une glycorachie normale, et une protéinorachie légèrement élevée (inférieure à 1 g/L).La présence de convulsions, de troubles de la vigilance, de signe neurologique focal, ou de trouble du comportement doit faire évoquer le diagnostic d’encéphalite ourlienne.
Les oreillons s’accompagnent parfois d’une surdité de perception transitoire (jusqu’à 4 % des cas chez l’adulte), qui serait plus fréquente en cas d’atteinte neuroméningée. La surdité permanente est beaucoup plus rare (1 cas sur 20 000). D’autres manifestations neurologiques ont été décrites lors des oreillons mais sont exceptionnelles : paralysie faciale, ataxie cérébelleuse, syndrome de Guillain-Barré, myélite transverse.
Autres localisations
Les oreillons peuvent s’accompagner de modifications électrocardiographiques dans 15 % des cas (aplatissement des ondes T, allongement de l’intervalle PR, sous-décalage de ST). De très rares cas de myocardite ont également été décrits. Enfin, des polyarthralgies, monoarthrites ou polyarthrites migratrices des petites et moyennes articulations sont possibles, notamment chez l’adulte.Cas de la femme enceinte
L’association entre les oreillons et d’éventuelles complications obstétricales reste débattue. Durant le premier trimestre de la grossesse, l’infection ourlienne a été associée à un risque accru d’avortement, mais cette association n’a pas été retrouvée dans les études les plus récentes. Il n’existe pas d’arguments pour un effet tératogène de l’infection. Dans de très rares cas, le virus peut être à l’origine d’infections néonatales.Diagnostic paraclinique (rang B)
La confirmation diagnostique des oreillons n’est généralement pas nécessaire devant la présence de signes évocateurs en contexte épidémique, du fait de l’absence de traitement antiviral spécifique. Les oreillons ne sont cependant pas l’unique cause infectieuse de parotidite (virus d’Epstein-Barr, virus para-influenza 1 et 3, adénovirus, virus Coxsackie, virus de l’immunodéficience humaine, Staphylococcus aureus, mycobactérie non tuberculeuse…). En contexte de cas groupés dans une collectivité, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) recommande que deux ou trois cas soient documentés sur le plan virologique. Une confirmation diagnostique peut également être souhaitable chez un sujet immunodéprimé, en cas de doute devant des manifestations extraparotidiennes, chez le patient au préalable vacciné, ou en l’absence de contexte épidémique.
Le diagnostic paraclinique des oreillons repose sur les méthodes directes (isolement du virus, PCR) et les méthodes indirectes (sérologie).
Le diagnostic peut être posé aisément, chez un sujet non vacciné, par la recherche d’immunoglobulines M (IgM) par technique ELISA, qui signe l’infection récente. Cette recherche doit préférentiellement se faire sept à dix jours après l’apparition des symptômes.
La sérologie est en revanche peu contributive chez les sujets vaccinés : le diagnostic repose alors généralement sur les méthodes directes. L’isolement du virus est une méthode peu utilisée en pratique courante, en raison du caractère transitoire de la réplication virale. Cette technique a largement été remplacée par la détection du virus par PCR (RT-PCR ou PCR quantitative). Cet examen peut être effectué à partir de prélèvements oropharyngé, de salive, ou de LCS, au mieux dans la première semaine d’apparition des symptômes.
Prise en charge
Modalités thérapeutiques (rang B)
Mesures préventives (rang A)
Isolement
En cas d’infection dans une collectivité, l’éviction scolaire et l’isolement ne sont pas recommandés par le HCSP. Celui-ci précise cependant que la fréquentation de la collectivité à la phase aiguë de l’infection (durant les 5 jours suivant l’apparition de la parotidite) n’est pas souhaitable. En cas d’hospitalisation, il est recommandé d’utiliser des précautions d’isolement complémentaires de type « gouttelettes ».Vaccination
Le moyen de prévention le plus efficace reste la vaccination. La vaccination généralisée contre les oreillons, combinée à celle contre la rougeole et la rubéole (ROR), est recommandée en France depuis 1986 (initialement une seule injection, la deuxième dose étant recommandée depuis 1996). Elle est obligatoire chez les enfants nés depuis le 1er janvier 2018. La première dose est administrée à l’âge de 12 mois, et la seconde entre 16 et 18 mois. En 2019, la couverture vaccinale en France pour deux doses de vaccin ROR à 24 mois était estimée à 86 %. En général, les réactions indésirables au vaccin sont rares et bénignes (réaction locale au point d’injection, fébricule, parotidite unilatérale, méningite aseptique).Pour les sujets ayant été en contact avec un sujet infecté par les oreillons en phase de contagiosité, l’efficacité des mesures prophylactiques (vaccination post-exposition, perfusion d’immunoglobulines) n’a pas été démontrée ; elles ne sont donc pas recommandées.
En contexte de cas groupés survenant dans une collectivité, il est néanmoins recommandé, outre une mise à jour du statut vaccinal, de proposer une troisième dose de vaccin ROR à toute personne vaccinée depuis plus de dix ans.
POINTS FORTS À RETENIR
Les oreillons sont liés à une infection virale généralement bénigne.
Le virus ourlien est un virus à fort tropisme glandulaire et neurologique, dont la manifestation la plus typique est la parotidite ourlienne. Des formes glandulaires extrasalivaires (orchite, pancréatite) mais aussi extraglandulaires (méningites, encéphalites) sont possibles.
Le diagnostic est essentiellement clinique, mais une confirmation diagnostique peut être souhaitable en contexte épidémique.
Les oreillons font partie des infections virales à prévention vaccinale, et la vaccination est obligatoire en France pour tous les enfants à partir de l’âge de 12 mois. Il n’existe aucun traitement antiviral spécifique.
Si l’incidence des oreillons a nettement diminué dans les pays développés grâce à la vaccination, des épidémies sont régulièrement décrites dans certains environnements (communautés peu vaccinées, écoles, universités).
Haut Conseil de santé publique. Guide des conduites à tenir en cas de maladies infectieuses dans une collectivité d’enfants ou d’adulte [en ligne]. 2012. https://vu.fr/BpBD