Quelles sont les indications, contre-indications et les risques des manipulations ostéopathiques ?
Devant la multitude de pratiques différentes dont les champs se recoupent (ostéopathie, chiropraxie, médecine manuelle,…), et le manque de certitude scientifique lié à la difficulté d’évaluer les traitements non pharmacologiques, le clinicien peut se retrouver désemparé ! Il est important de bien distinguer les indications, les contre-indications et les risques fondés sur les données scientifiques, des modalités d’exercice établies par les décrets réglementaires.
Sur le plan scientifique, le symptôme le plus étudié est la rachialgie. La HAS en 2019 considère les manipulations vertébrales comme un traitement de seconde intention qui doit être intégré dans une combinaison multimodale de traitements incluant un programme d’exercices supervisés. L’étude des manipulations cranio-sacrées, viscérales, articulaires périphériques, myofasciales a donné des résultats hétérogènes ne permettant pas d’établir de conduite à tenir standardisée.
Quant aux risques liés aux manipulations vertébrales, plusieurs études ont rapporté des effets indésirables rares mais graves tels que l’accident vasculaire cérébral, l’occlusion de l’artère ophtalmique, la hernie discale ou un déficit neurologique grave comme le syndrome de la queue de cheval.
Qu’en est-il pour les manipulations cervicales et celles sur le nourrisson ?
Pour les manipulations cervicales, les repères manquent également. Sur le plan réglementaire, il n’y a aucune contre-indication à les réaliser. En revanche, des accidents graves par dissection de l’artère vertébrale sont décrits dans la littérature. Il faut donc éviter les manipulations en rotation cervicale chez les sujets à risque (patients de moins de 50 ans) et les remplacer par des manipulations du rachis thoracique supérieur. En effet, des auteurs ont montré que ces dernières seraient aussi efficaces que les manipulations cervicales pour les cervicalgies, et que le caractère aigu serait un facteur de meilleure réponse que les situations chroniques. Enfin, la Cochrane, en 2015, a conclu que les manipulations thoraciques pour les cervicalgies étaient plus efficaces que l’abstention thérapeutique mais que les résultats versus contrôle étaient trop hétérogènes.
Pour les manipulations du nourrisson, là aussi, les données scientifiques sont pauvres : les pathologies ostéo-articulaires pédiatriques ou viscérales comme la colique infantile ont été étudiées sans résultats suffisamment homogènes pour en déduire une conduite à tenir standardisée.
Devant la pauvreté bibliographique, comment s’y retrouver ? Y a-t-il une indication type ?
Le clinicien doit s’en remettre à son expérience. Avant toute manipulation, il faut s’assurer de l’absence de trouble neurologique devant nécessiter une prise en charge en urgence (trouble vésico-sphinctérien, déficit moteur, syndrome pyramidal).
Ensuite, il faut éliminer les signes d’alerte qui orientent vers une cause infectieuse, tumorale, inflammatoire ou fracturaire (« drapeaux rouges ») : antécédent tumoral ou ostéoporotique, âge < 20 ans ou > 55 ans, altération de l’état général, fièvre, douleur d’horaire inflammatoire, traumatisme à haute cinétique…
Enfin, il faut écarter les facteurs d’inefficacité prévisible : une lombalgie chronique, une radiculalgie, des polyalgies diffuses, des facteurs de risque de chronicité, le refus de réaliser une activité physique. L’indication « idéale » serait donc un patient d’âge moyen souffrant de rachialgies aiguës mécaniques sans irradiation aux membres, sans signe neurologique ni argument pour une cause identifiable, dont les traitements de première intention ont été inefficaces, et qui est volontaire pour associer les manipulations à des exercices de renforcement musculaire, d’étirement et de travail proprioceptif.
En somme, tout traitement manuel est possible, mais toujours préconisé avec bon sens et associé à une activité physique adaptée !
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
À lire sur ce sujet
Couzi E, Maigne JY, Rannou F. Ostéopathie : quels patients ? Rev Prat Med Gen 2020;34:708-9.