L’ostéoporose est une maladie diffuse du ­squelette caractérisée par la diminution de la résistance osseuse entraînant une augmentation du risque de fracture pour des traumatismes minimes. Les fractures ostéoporotiques ont des conséquences individuelles et un coût sociétal important, et leur prévention passe d’abord par la sélection puis le traitement des patients les plus à risque. Il existe des traitements anti-ostéoporotiques efficaces. Le médecin traitant a un rôle clé dans l’indication du traitement de l’ostéoporose : identification des sujets à risque, initiation du traitement et suivi du patient.

Choix de la population à traiter

Les patients ayant des fractures sévères

Certaines fractures dites sévères sont associées à un ­excès de mortalité ; ce sont les fractures de l’extrémité supérieure du fémur et de l’extrémité supérieure de ­l’humérus, des vertèbres, du pelvis, du bassin ou sacrum, de la diaphyse fémorale et du fémur distal.1 La refracture joue un rôle clé dans la surmortalité post-fracture. Les recommandations de prise en charge de l’ostéoporose sont fondées sur la sévérité de l’ostéoporose.2 La présence d’une fracture sévère est une indication à un traitement anti-ostéoporotique. Le médecin traitant a un rôle clé dans la prise en charge de la fragilité osseuse de ces ­patients.

Risque de fracture à court terme

Plus que l’antécédent personnel de fracture, c’est la date de survenue qui est un élément à prendre en compte dans l’évaluation du risque de fracture. Le risque de fracture est 2 fois plus important chez les sujets ayant déjà fait une fracture, mais ce risque n’est pas constant dans le temps. Il est beaucoup plus important dans les 2 à 3 années suivant l’événement fracturaire.3 Cela est parti­culièrement vrai pour les fractures sévères. Plusieurs éléments expliquent ce sur-risque transitoire : l’intervention chirurgicale qui peut aggraver les troubles ­cognitifs, l’immobilisation postopératoire et la réédu­cation, incluant les aides à la marche qui peuvent augmenter le risque de chute. De plus, les facteurs de risque associés à la fracture initiale (risque de chute, parti­culièrement lié à des médicaments [hypnotiques, antihypertenseurs…] ne sont pas toujours supprimés dans la période post-fracturaire. Cette période est donc une opportunité pour la prise en charge de l’ostéoporose et l’initiation d’un traitement anti-ostéoporotique. Cette période de « fragilité » post-fracture amène le patient à consulter son médecin traitant qui peut discuter de l’indication d’un traitement anti-ostéoporotique.

Définition des sujets à risque de fracture

L’évaluation du risque de fracture est simple et repose sur quelques éléments : l’antécédent personnel de ­fracture, les antécédents du patient, en particulier les facteurs de risque de chute et le résultat de la mesure de la densité minérale osseuse (DMO). Ces éléments ­suffisent la plupart du temps à identifier les sujets à risque qui doivent être traités. L’antécédent personnel de fracture reste le facteur de risque le plus important de nouvelle fracture4.
La réalisation d’une ostéodensitométrie est recommandée en cas de fracture de faible traumatisme quel que soit l’âge, en cas de maladies et/ou de médicaments augmentant le risque d’ostéoporose, et en présence de certains facteurs de risque. Cet examen est remboursé par l’Assurance maladie, sous conditions, depuis le 1er juillet 2006 (v. infra). Plus la valeur du T-score diminue, plus le risque de fracture ostéoporotique et de la hanche augmente. L’ostéodensitométrie joue donc un rôle clé dans l’indentification de la fragilité osseuse après fracture et dans les situations à risque avant fracture. Le médecin traitant a un rôle important dans la prescription de cet examen. Cet examen est également utile au suivi des patients ostéoporotiques qu’ils soient traités ou non.
Il existe des situations plus difficiles où l’indication à un traitement n’est pas évidente. Le médecin peut ­utiliser l’outil FRAX (v. page 1027 dans le numéro précédent) mais qui, compte tenu de ces nombreuses limites, n’est pas utile chez les sujets pour lesquels l’indication de ­traiter est évidente : antécédent de fracture sévère et/ou T-score très bas (< -3 au site vertébral et fémoral). Dans ces situations difficiles, le patient peut être adressé à un spécialiste des pathologies osseuses.

Indications thérapeutiques

La prescription d’un traitement anti-ostéoporotique nécessite d’avoir éliminé les autres causes d’ostéopathies fragilisantes (métabolique, maligne et génotypique). Cette démarche diagnostique est nécessaire avant tout traitement. Dans tous les cas, le (ou la) patient(e) est informé(e) sur sa maladie et les traitements. L’importance d’une bonne adhésion au traitement est expliquée dans une démarche de décision partagée avec le patient, et cet élément est surveillé tout au long du suivi.

Prescription du traitement anti-ostéoporotique

Tous les traitements pharmacologiques disponibles ont démontré leur capacité à réduire le risque de fractures, essentiellement vertébrales, mais aussi non vertébrales, incluant les fractures de l’extrémité supérieure du femur.2 En fonction des molécules (v. page 1089), et des essais thérapeutiques (v. page 1083), la réduction du risque est de 50 à 70 % pour les fractures vertébrales, de 20 à 50 % pour les fractures non vertébrales. Le médecin traitant joue un rôle important dans l’initiation d’un traitement anti-ostéoporotique, en particulier chez les sujets ayant une fracture sévère.

En cas de fracture sévère : indication et choix du médicament

Après réalisation d’une ostéodensitométrie, un traitement est recommandé quel que soit l’âge à la suite d’une fracture sévère de faible traumatisme si le T-score est inférieur à -1 (tableau).2
En cas de fracture sévère (en dehors de la fracture vertébrale), les traitements remboursés sont (par ordre alphabétique) : acide zolédronique 5 mg,1 perfusion une fois par an ; alendronate 70 mg hebdomadaire (ou 10 mg/j) ; dénosumab 60 mg, 1 injection sous-cutanée tous les 6 mois, après échec ou intolérance aux bisphosphonates ; risédronate 35 mg hebdomadaire ; 75 mg, 1 comprimé 2 jours de suite 1 fois par mois (ou 5 mg/j). L’acide zolédronique 5 mg est le seul traitement ayant montré spécifiquement son intérêt chez les patients ayant eu une fracture de l’extrémité supérieure du fémur.
En cas de fractures vertébrales, les traitements ­remboursés sont (par ordre alphabétique) : acide zolédronique 5 mg une perfusion une fois par an ; alendronate 70 mg hebdomadaire (ou 10 mg/j) ; dénosumab 60 mg une injection sous-cutanée tous les 6 mois, après échec ou intolérance aux bisphosphonates ; raloxifène 60 mg/j ; risédronate 35 mg hebdomadaire ; 75 mg un comprimé 2 jours de suite une fois par mois (ou 5 mg/j) ; tériparatide 20 µg/j remboursé s’il y a moins deux fractures vertébrales ; traitement hormonal de la ménopause entre 50 et 60 ans en cas de troubles du climatère.
L’utilisation des médicaments par voie parentérale (acide zolédronique, dénosumab [remboursé en 2e intention après les bisphosphonates] peut être privilégiée dans les situations suivantes : fractures de l’extrémité supérieure du fémur, densité minérale osseuse très basse, présence de comorbidités et notamment troubles mnésiques, défaut d’observance et polymédication.

En cas de fracture non sévère et en l’absence de fracture : indication et choix du médicament

L’ostéodensitométrie est nécessaire avant toute décision thérapeutique. Un traitement est recommandé en cas de T-score inférieur ou égal à -3 à au moins un des sites (rachis, fémur). En cas de T-score supérieur à -3, l’avis d’un spécialiste et l’usage d’outils de prédiction (FRAX) peut être recommandé.
En l’absence de fracture, un traitement est recommandé en cas de T-score inférieur ou égal à -3 à au moins un des sites (rachis, fémur) [tableau].2
Les possibilités thérapeutiques sont (par ordre ­alphabétique) : acide zolédronique 5 mg une perfusion une fois par an ; alendronate 70 mg hebdomadaire (ou 10 mg/j) ; dénosumab 60 mg une injection sous-cutanée tous les 6 mois, après échec ou intolérance aux bisphosphonates ; raloxifène 60 mg/j ; risédronate 35 mg hebdomadaire ; 75 mg, un comprimé 2 jours de suite une fois par mois (ou 5 mg/j) ; traitement hormonal de la ménopause entre 50 et 60 ans en cas de troubles du climatère.

Mesures thérapeutiques associées au traitement médicamenteux de l’ostéoporose

Les apports calciques quotidiens recommandés doivent être d’au moins 1 g chez les femmes ménopausées âgées de plus de 50 ans, en privilégiant les apports alimentaires (produits laitiers et eaux minérales riches en calcium). L’efficacité de la supplémentation calcique administrée seule, dans le but de prévenir les fractures ostéoporotiques n’est pas démontrée. La concentration recommandée actuellement de 25 (OH) vitamine D est d’au moins 30 ng/mL (75 nmol/L). Un dosage de vitamine D doit être réalisé afin d’éliminer une autre cause d’ostéopathie fragilisante (ostéomalacie) chez les sujets chuteurs devant recevoir un traitement anti-ostéoporotique (donc dans les conditions de remboursement). L’existence d’un taux cible nécessite parfois de vérifier le dosage sérique de vitamine D au cours du suivi en particulier dans les populations à risque, en particulier quand les patients nécessitent un traitement anti-ostéoporotique. La supplémentation en calcium et en vitamine D n’est pas un traitement anti-ostéoporotique et ne suffit pas chez les patients ayant une fracture sévère pour prévenir le risque de deuxième fracture.
La mise en place de moyens destinés à prévenir les chutes comme l’activité physique destinée à renforcer l’équilibre et la force musculaire, la supplémentation en vitamine D en cas d’insuffisance, la réduction des médicaments favorisant le risque de chute, la réduction des dangers environnementaux, l’amélioration de la vision permettent de réduire le risque de chute chez les patients âgés vivant à leur domicile. Cette évaluation du risque de chute et la prise en charge de ces patients nécessitent une coordination de la prise en charge avec le médecin traitant.

Suivi de l’ostéoporose : rôle du médecin traitant

Le suivi clinique est indispensable. Le recueil de l’adhésion aux traitements est un élément indispensable dans le suivi clinique.2 La réduction de la taille (à mesurer une fois par an chez les sujets ostéoporotiques) est un signe d’alerte non spécifique de pathologie rachidienne. La mesure de la densité minérale osseuse peut être proposée dans les 2 à 3 ans après le début du traitement et en fin de séquence de traitement : le but est de vérifier l’absence de perte osseuse (définie par une diminution de plus de 0,03 g/cm2 de DMO).

Situations difficiles nécessitant l’avis du spécialiste

L’avis d’un spécialiste de la pathologie osseuse peut être nécessaire en cas de décision thérapeutique difficile : fracture non sévère et densité osseuse peu abaissée, T-score supérieur à -3 en l’absence de fracture. Au cours du suivi, le patient est réévalué tous les 2 à 3 ans (séquence thérapeutique). La poursuite ou non du traitement anti-­ostéoporotique dépend du risque initial et des résultats de la réévaluation et peut justifier de l’avis du spécialiste. L’arrêt de certains traitements nécessite un relais ­systématique du fait de l’absence d’effet rémanent. C’est le cas du dénosumab, où l’arrêt est associé à un effet ­rebond, conduisant à la perte du gain de DMO lors de son arrêt.

Rôle important du médecin traitant

Le médecin traitant a un rôle important à jouer dans la discussion d’un traitement anti-ostéoporotique en identifiant les sujets à risque (fractures sévères), dans l’initiation des traitement médicamenteux et non médicamenteux (prévention des chutes), dans les explications sur la maladie et les traitements pour favoriser une meilleure adhésion. Il faut s’assurer que les apports calciques alimentaires sont corrects et que la supplémentation en vitamine D est suffisante mais cela ne suffit pas à traiter les patients à risque, en particulier avec fractures sévères. Du fait de son rôle, le médecin traitant a une place importante dans le parcours de soins d’un patient à risque de fracture. 
Références
1. Bliuc D, Nguyen ND, Milch VE, et al. Mortality risk associated with low-trauma osteoporotic fracture and subsequent fracture in men and women. JAMA 2009;301:513-21.
2. Briot K, Roux C, Thomas T, et al. 2018 update of French recommendations on the management of postmenopausal osteoporosis. Joint Bone Spine 2018;85:519-30.
3. Roux C, Briot K. Imminent fracture risk. Osteoporos Int 2017;28:1765-9.
4. Van Geel TA, van Helden S, Geusens PP, et al. Clinical subsequent fractures cluster in time after first fractures. Ann Rheum Dis 2009;68:99-102.
5. Tsourdi E, Langdahl B, Cohen-Solal M, et al. Discontinuation of denosumab therapy for osteoporosis: a systematic review and position statement by ECTS. Bone 2017;105:11-7.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé

Les fractures ostéoporotiques ont des conséquences individuelles, et un coût sociétal important, et leur prévention passe d’abord par la sélection puis le traitement des patients les plus à risque. Il existe des traitements anti-ostéoporotiques efficaces. Le médecin traitant a un rôle clé dans l’indication d’un traitement antiostéoporotique et dans le parcours de soins de ces patients.