La chirurgie bariatrique, de plus en plus pratiquée, s’accompagne d’un surrisque d’ostéoporose. Le Grio, en lien avec la SFR, vient de publier des recommandations pour prévenir et prendre en charge cette complication. L’essentiel pour le MG.

La chirurgie bariatrique a connu un essor majeur au cours des deux dernières décennies, avec 650 000 interventions réalisées en France depuis la fin des années 1990, soit près de 2 % de la population adulte (18-65 ans).

Indiquée en 2e intention (après échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant 6-12 mois) chez les patients dont l’IMC est ≥ à 40 kg/m2, ou ≥ à 35 kg/m2 associé à au moins une comorbidité, elle est aujourd’hui le traitement le plus efficace en termes de perte pondérale durable et de réduction de la mortalité et la morbidité associées à l’obésité (diabète de type 2, maladies CV, cancers). Au-delà de la perte pondérale, ses bénéfices métaboliques s’expliquent également par les modifications profondes de l’anatomie et de la physiologie digestives qu’elle entraîne. Néanmoins, ces modifications favorisent des carences en oligo-éléments et vitamines qui peuvent être précoces ou survenir longtemps après la chirurgie et conduire à des complications sévères et irréversibles.

Chirurgie bariatrique et surrisque fracturaire

Parmi ses complications, la chirurgie bariatrique entraîne un surrisque fracturaire provoqué par une perte osseuse et une altération de la micro-architecture de l’os multifactorielles : diminution de la charge pondérale, de l’absorption de vitamine D et de calcium, hyperparathyroïdie, malnutrition protéique. 

L’augmentation du risque dépend de la procédure chirurgicale : elle est plus importante après court-circuit gastrique en Y (Roux-en-Y gastric bypass [RYGB]), qui représente environ 25 % des procédures réalisées en France, et dérivation biliopancréatique (biliopancreatic diversion [BPD], moins de 100 procédures par an) qu’après gastrectomie longitudinale (sleeve gastrectomy [SG]), et semble être faible après anneau gastrique (gastric banding [GB]). 

En outre, les fractures les plus fréquentes sont celles de hanche et de poignet

Enfin, ce surrisque fracturaire est constaté 2 à 5 ans après la chirurgie ; le risque à long terme est encore mal connu.

Pour guider les professionnels de santé dans la prévention et le traitement de l’ostéoporose secondaire à la chirurgie bariatrique, le Groupe de rechercher et d’information sur les ostéoporoses (Grio) – en partenariat avec la Société française de rhumatologie et la Société française et francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques, entre autres – vient de publier des recommandations.

Evaluation du risque fracturaire

Pour tous les patients, et idéalement dans les 6 mois précédant l’intervention, le Grio recommande, outre la délivrance d’informations sur le risque de fragilité osseuse postopératoire :

  • la vérification des antécédents de fractures de fragilité survenues après l’âge de 40 ans ;
  • la mesure de la taille du patient ;
  • l’évaluation de l’apport alimentaire en calcium ;
  • le dosage des paramètres biologiques du métabolisme phosphocalcique (phosphatémie, calcémie, 25(OH) vitamine D et parathormone intacte [PTHi]), de la fonction rénale et l’albumine sérique.

 

Une évaluation initiale du risque de fracture est également recommandée (idéalement avant la chirurgie) chez les patients les plus à risque de fractures :

 

  • tous les patients en cas de chirurgies RYGB ou BPD, quel que soit leur âge ;
  • les hommes âgés de 50 ans et plus et femmes ménopausées (indépendamment du type de chirurgie)
  • les patients à haut risque de fracture, quel que soit leur âge : ayant des antécédents de fracture de fragilité après l'âge de 40 ans ; des comorbidités (maladies inflammatoires chroniques, BPCO, cirrhose hépatique, certaines endocrinopathies…) ou sous médicaments associés à l’ostéoporose (corticostéroïdes, antagonistes de la LH-RH, inhibiteurs de l'aromatase, chimiothérapie prolongée…).

 

L’évaluation du risque fracturaire repose sur la détermination des facteurs de risque d’ostéoporose et la mesure de la densité minérale osseuse (DMO), dont les résultats sont exprimés en T-scores pour les hommes de 50 ans et plus et les femmes ménopausées et en Z-scores pour les hommes de moins de 50 ans et les femmes préménopausées. À noter que cet examen n’est pas encore remboursé dans cette indication liée à la chirurgie bariatrique.

 

L’outil FRAX doit uniquement être utilisé en cas de doute sur la nécessité d’instaurer un traitement chez les patients âgés de 40 ans et plus ou pesant moins de 125 kg.

Quelle prise en charge ?

Recommandations générales 

Pour tous les patients, avant et après une chirurgie bariatrique, il est recommandé d’agir sur les facteurs de risque modifiables de fracture de fragilité et de prévenir le risque de chute, notamment par :

  • un apport suffisant en protéines : au moins 60 g/j (ou 1,2 g/kg/j pour un poids de référence correspondant à un IMC de 25 kg/m2)
  • un apport suffisant en calcium (1 000 mg/j après SG, et 1 500 mg/j après RYGB, 1 800-2 400 mg/j après BPD) : si l’apport alimentaire est à privilégier (produits laitiers, éventuellement allégés, eaux minérales riches en calcium), il est souvent insuffisant pour atteindre ces besoins, et une supplémentation peut être nécessaire (per os, citrate de préférence)
  • une concentration en vitamine D comprise entre 75 nmol/L (30 ng/ml) et 150 nmol/L (60 ng/mL) ; en pratique, supplémentation par cholécalciférol per os : 100 000 UI/mois après RYGB, 50 000 UI/mois après SG et 50 000 UI/semaine après BPD  (une  évaluation régulière des taux de 25(OH) vitamine D et de PTHi est nécessaire, v. ci-dessous) ;
  • la mise en place un programme d’activité physique (exercices avec mise en charge) avant et après la chirurgie

 

Quand instaurer un traitement anti-ostéoporotique ?

Un traitement par acide zolédronique injectable en première intention (une perfusion par an pendant 3 ans) est recommandé chez les hommes de 50 ans et plus et les femmes ménopausées ayant :

  • un antécédent de fracture grave (traumatisme à faible énergie) survenue après 40 ans, indépendamment du T-score ;
  • un antécédent de fracture non grave (traumatisme à faible énergie), par exemple une fracture du poignet ou de la cheville, si le T-score est ≤-1 ;
  • en l’absence de fracture, si le T-score est ≤ -2 et si des facteurs de risque de fracture ou de chute sont présents.

 

Le Grio recommande de mettre en œuvre le traitement idéalement dans les 6 mois précédant l’intervention. Chez les patients ayant déjà subi une chirurgie bariatrique, elles peuvent être mises en œuvre à tout moment du suivi. 

 

Quant aux hommes de moins de 50 ans et les femmes préménopausées, en cas de Z-score ≤ –2 et/ou d’antécédents de fracture, il est recommandé de les adresser à un spécialiste des maladies osseuses afin de déterminer si un traitement anti-ostéoporotique est indiqué.

 Quel suivi ?

Chez tous les patients, dans la première année suivant la chirurgie bariatrique, un bilan biologique permettant d’évaluer le calcium, le phosphate, la 25(OH) vitamine D et la PTHi sériques est recommandé tous les 3 mois afin de maintenir un niveau optimal de supplémentation en vitamine D et en calcium et d’exclure une hyperparathyroïdie secondaire.

Chez les patients recevant un traitement anti-ostéoporotique, un suivi clinique annuel est recommandé.

La mesure de la DMO est recommandée après 3 ans de traitement par acide zolédronique, c'est-à-dire 1 an après la dernière perfusion.

Chez les patients ayant eu un RYGB ou une BPDet ne recevant pas de traitement contre l’ostéoporose, une réévaluation du risque de fracture, avec une détermination de la DMO, est recommandée tous les 2 ans. Pour les autres, la fréquence de la réévaluation dépend du niveau de risque initial et de la présence de nouveaux facteurs de risque.

Pour en savoir plus

Paccou J, Genser L, Lespessailles É, et al. French recommendations on the prevention and treatment of osteoporosis secondary to bariatric surgery. Joint Bone Spine 2022;89(6):105443.
Nobile C. Chirurgie bariatrique : attention aux complications à long terme. Rev Prat (en ligne), mars 2022. D’après : Dossier – Chirurgie bariatrique, élaboré selon les conseils du Pr Sébastien Czernichow et du Dr Tigran Pohosyan. Rev Prat 2022;72(2);149-88.

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