De nombreuses pathologies otologiques menacent la fonction auditive, c’est pourquoi l’otoscopie doit être rigoureuse. Sa maîtrise n’est pas intuitive et requiert un apprentissage.
L’otoscopie montre les différentes structures du conduit auditif externe (CAE) et du tympan, avec ou sans outil spécifique. Elle fait partie de l’exploration systématique de l’appareil auriculaire au même titre que l’inspection du pavillon de l’oreille. Trois instruments peuvent être utilisés.
L’otoscope, de petite taille, est très maniable. Il autorise quelques manipulations simples, comme l’élimination de cérumen à l’aide d’une petite curette. Néanmoins, le grossissement est faible et l’angle de vue limité : un balayage du conduit auditif externe et du tympan est nécessaire pour obtenir une image complète. Le microscope binoculaire, plus performant, est cher et très encombrant.
L’oto-endoscope est un petit tube de calibre variable, le plus souvent de 4 mm de diamètre, que l’on introduit facilement dans le CAE. Son principal avantage est sa vision panoramique, extrêmement utile lorsqu’on veut une vue d’ensemble. De plus, il peut être couplé à un écran. Toutefois, il est coûteux et fragile, son grossissement est limité ; on ne peut pas faire de gestes dans le CAE. Toutes les photos de ce dossier sont issues d’oto-endoscopies.
L’examen doit être méthodique. Première étape : observation du pavillon, à la lumière et sans instrument, pour rechercher une anomalie de configuration, de couleur et de texture (fig. 1). Elle permet aussi de choisir le bon calibre du spéculum à utiliser avec l’oto-scope. On analyse le CAE (direction, calibre, contenu, qualité des parois) et ensuite le tympan : couleur, position, intégrité (perforation éventuelle ?), aspect en surface (dépôts calcaires ?), mobilité (à la manœuvre de Valsalva, ou plus anciennement au spéculum de Siegle, relié à une poire pour augmenter la pression dans l’oreille externe).

Pathologies du pavillon

Lié à la reviviscence du virus varicelle-zona (VZV) depuis le ganglion géniculé du VII bis, le zona auriculaire se manifeste classiquement par une otalgie accompagnée d’une éruption vésiculeuse (rapidement remplacée par des croûtes) dans la zone de Ramsay-Hunt, notamment au niveau de la conque du pavillon de l’oreille (fig. 2). Dans certains cas, paralysie faciale et surdité sont associées. Le traitement repose sur les antiherpétiques (valaciclovir, 1 g 3 x/j 7 jours).
Un choc violent sur le pavillon de l’oreille (traumatisme sportif, accident de vélo) peut provoquer un hématome appelé othématome. Le pavillon gonfle, les reliefs de l’oreille disparaissent, effacés par une masse molasse parfois bleutée (fig. 3). Le drainage est impératif afin de prévenir l’infection et la fonte purulente du cartilage (incision sous anesthésie locale, derrière l’oreille, pour retirer une petite pastille de cartilage et évacuer la totalité de l’hématome + pansement gras appliqué fortement sur le pavillon par un fil passant au travers de l’oreille pendant 5 jours).

Pathologies du CAE

En cas de bouchon de cérumen, le patient consulte pour une hypoacousie, de survenue plutôt brutale, parfois accompagnée d’une otalgie. Le tympan est masqué par un obstacle ocre ou marron (fig. 4), volontiers tassé contre la membrane par l’usage intempestif et inapproprié de cotons-tiges.
On traite par des lavages (éventuellement à la poire) précédés de bains de Cérulyse pendant 3 à 5 jours. Le cas échéant, une micro-aspiration peut être envisagée en milieu spécialisé.
Ostéomes et exostoses sont des excroissances osseuses pouvant masquer le tympan, survenant surtout chez les nageurs et les plongeurs. La prise en charge est chirurgicale uniquement en cas d’infections à répétition ou de surdité. L’ostéome (fig. 5) possède un pied d’implantation alors que les exostoses (fig. 6) ont une base large.
Les otites externes se manifestent par une otalgie souvent violente parfois accompagnée d’une otorrhée, d’une douleur à la pression du tragus ou à la mobilisation du pavillon, d’une inflammation et d’un œdème diffus du CAE responsables d’une sténose. Ces infections du CAE (Pseudomonas aeruginosa et staphylocoque) sont fréquentes dans les climats chauds et humides, et pendant la période estivale, favorisée par les bains de mer ou en piscine. À l’examen, le tympan est normal. Les traumatismes engendrés par coton-tige, grattage (notamment en cas d’eczéma du conduit ; fig. 7), prothèses auditives ou bouchons protecteurs sont souvent déclenchants. Le traitement est local :
– nettoyage doux du CAE par aspiration des sécrétions et des débris ;
– solution auriculaire efficace sur les germes à Gram négatif (Pseudomonas) : antibiotique (néomycine ou framycétine) habituellement associé à un corticoïde : Antibio Synalar, Panotile, Polydexa, à appliquer matin et soir pendant 7 jours (en l’absence de perforation tympanique). Il faut proscrire la baignade durant 10 jours, éviter les traumatismes du conduit. Attention : chez le diabétique, toute otite externe (a fortiori si très suppurative et/ou résistante au traitement) doit être considérée comme une forme maligne nécrosante jusqu’à preuve du contraire, et doit faire pratiquer en urgence un scanner des rochers, à la recherche d’une lyse osseuse.
En cas de non-guérison et/ou d’aspect atypique, il faut adresser le patient en milieu spécialisé afin de ne pas méconnaître une pathologie plus grave, comme un carcinome du CAE (fig. 8).

Examen du tympan

Il doit être analysé dans sa totalité (fig. 9) : tout d’abord l’apophyse externe du marteau (structure la plus facile à reconnaître), puis son manche jusqu’à l’ombilic – ou umbo – (au centre du tympan), la pars tensa et la pars flaccida. Deux zones doivent retenir l’attention (fig. 10) : la partie supérieure dite atticale, au-dessus de l’apophyse externe du marteau, et celle sous-ligamentaire postérieure (ligament tympano-malléaire postérieur), sièges des poches de rétraction et des cholestéatomes.

Otite moyenne aiguë

Inflammation aiguë d’origine infectieuse de l’oreille moyenne (caisse du tympan et cellules mastoïdiennes), elle est très fréquente chez l’enfant, surtout entre 6 et 24 mois, en raison des particularités anatomo-physiologiques de la trompe d’Eustache ; elle est rare chez l’adulte, survenant volontiers dans un contexte grippal ou de rhinopharyngite.
Le tableau associe fièvre et otalgie, généralement modérée. À l’examen otoscopique, 3 stades :
– congestif : le tympan est rouge mais les reliefs sont conservés ;
– collecté : les reliefs ont disparu car le tympan bombe (fig. 11) ;
– suppuré : le pus s’écoule au travers d’une perforation (qui cicatrise le plus souvent) ; en général, fièvre et otalgie ont disparu.
Germes responsables : pneumocoque et Haemophilus influenzae chez l’enfant, pneumocoque chez l’adulte. Traitement : amoxicilline + acide clavulanique (80-90 mg/kg/j chez l’enfant et 2-3 g/j chez l’adulte en 2 ou 3 prises ; durée : 8-10 jours avant 2 ans et 5 jours chez les plus de 2 ans).
Parfois, l’aspect est atypique, avec des bulles sur le tympan (fig. 12). L’otite est dite phlycténulaire ou myringite phlycténulaire. Le traitement est identique.

Otites moyennes chroniques (OMC)

L’inflammation se prolonge au-delà de 3 mois et s’accompagne soit d’une effusion derrière une membrane tympanique intacte mais sans symptômes aigus, soit d’une otorrhée s’écoulant à travers une perforation. L’OMC prend ainsi de multiples formes.
L’otite séromuqueuse se caractérise par une inflammation avec métaplasie de l’épithélium de l’oreille moyenne associée à une collection liquidienne dans les cavités (caisse du tympan et mastoïde), sans signe ni symptôme d’infection aiguë. C’est une affection avant tout pédiatrique (≈ 20 % des enfants). Il semble admis aujourd’hui que l’inflammation est le facteur causal essentiel déclenchant une pathologie exsudative prolongée avec pour substratum anatomopathologique la métaplasie mucipare (sécrétant du mucus). Elle se manifeste habituellement par une sensation de plénitude d’oreille avec autophonie (impression de s’entendre parler dans 1 des 2 oreilles) et hypoacousie. Le diagnostic est otoscopique : tympan opaque (fig. 13) ambré, parfois bleuté, plus ou moins rétracté avec saillie de l’apophyse externe du marteau, et perte du triangle lumineux. Des bulles rétrotympaniques sont parfois visibles. L’examen audiométrique confirme la surdité de transmission et apprécie après 3 mois de suivi l’importance de la perte auditive (généralement comprise entre 15 et 30 dB). Cette pathologie évolue le plus souvent vers une résolution spontanée. En cas de surinfection, le traitement est le même que celui de l’otite moyenne aiguë. Chez l’adulte, toute otite séromuqueuse doit faire pratiquer une fibroscopie ORL, afin d’éliminer une tumeur du nasopharynx.
Dans l’otite muqueuse ouverte, l’inflammation chronique de l’oreille moyenne s’accompagne d’un écoulement au travers d’une perforation tympanique.
L’otorrhée est habituellement minime, filante, inodore, mais permanente, mouillant parfois le CAE et agaçant le patient. Une surdité est associée, d’importance variable, souvent négligée. Lors d’épisodes de réchauffement secondaires à une inflammation aiguë de la sphère rhinosinusienne ou à une baignade, elle devient purulente, abondante, et parfois fétide et blanchâtre, motivant la consultation.
À l’otoscopie, le tympan est perforé (fig. 14). Le fond de la caisse est sain ou inflammatoire, parfois épaissi ou granuleux, voire avec des polypes muqueux. Non traitée, cette otite peut se compliquer d’ostéite, de métaplasie épidermoïde, d’épidermose malléaire (invasion épidermique de la partie tympanique du marteau), de surdité de transmission. Traitée, elle peut guérir sans ou avec séquelles (évolution vers une oreille ouverte sèche). Antibiotiques par voie générale ou locale, corticoïdes en cures discontinues, micro- aspirations répétées et soins locaux sont essentiels. Si nécessaire, une chirurgie fonctionnelle peut être envisagée dans un second temps, sur une oreille asséchée depuis plusieurs mois.
L’otite fibro-adhésive se caractérise par une prolifération anarchique du tissu conjonctif du méso- tympanum, aboutissant à son comblement (fig. 15). C’est une forme rare mais redoutable d’otite chronique qui, une fois installée, résiste à toute thérapeutique et peut évoluer vers la labyrinthisation (altération du fonctionnement de la cochlée). D’où l’importance du dépistage des formes débutantes. Il faut évoquer le diagnostic devant certaines otites séromuqueuses atypiques se prolongeant au-delà de 5-7 ans, l’audition n’étant pas améliorée par d’éventuelles tentatives d’aération transtympanique.
On redoute une otite atélectasique devant un collapsus des cavités méso- et/ou épitympaniques, c’est-à-dire la rétraction d’une partie plus ou moins étendue d’une membrane tympanique fragilisée dans sa pars flaccida et/ou tensa. Elle peut concerner la totalité du tympan (fig. 16) ou plus volontiers une seule portion : on parle alors de poche de rétraction (fig. 17). Le risque majeur est l’évolution vers le cholestéatome, complication grave (cf. infra). Ainsi, une chirurgie préventive est préconisée, visant à réduire la poche d’invagination, éradiquer les lésions inflammatoires postérieures et renforcer le tympan par une greffe cartilagineuse (fig. 17 E).
L’otite chronique cholestéatomateuse est définie par la présence au sein de l’oreille moyenne d’une matrice épidermique dotée d’un double potentiel de lyse osseuse et de desquamation. C’est une lésion destructrice, plus ou moins surinfectée, dont le comportement pseudotumoral peut conduire à de rares mais graves complications. Post-otitique, elle représente l’évolution ultime d’une poche de rétraction ayant acquis une capacité d’expansion, de desquamation et d’érosion. Des formes d’origine post-traumatique ou iatrogène (p. ex. après une tympanoplastie), ou plus rarement congénitales sont décrites. Si leur pathogénie est différente, les enjeux thérapeutiques sont les mêmes.
Principal motif de consultation : l’otorrhée fétide, souvent minime, plus ou moins associée à une hypo- acousie ancienne d’importance variable. Plus rarement, les complications sont révélatrices : vertiges, paralysie faciale périphérique, méningite ou abcès cérébral, thrombophlébite... Dans la majorité des cas, l’examen otoscopique affirme, à lui seul, le diagnostic en montrant les squames épidermiques dans l’oreille moyenne qui émergent d’une perforation (généralement marginale) ou d’une poche de rétraction tympanique (située typiquement au niveau de la pars flaccida ou de la région sous- ligamentaire postérieure ; fig. 18). Parfois, la vision est gênée par un polype (d’irritation à cause de l’otorrhée) ou par une croûtelle (liée à l’écoulement qui a séché ; fig. 19). Ces aspects imposent un scanner des rochers et un avis spécialisé.
La tympanosclérose est un processus de cicatrisation caractérisé par une infiltration hyaline avec dépôts calcaires intra- et extracellulaires dans le tissu conjonctif, affectant préférentiellement soit le tympan dans sa pars tensa, soit la muqueuse de la caisse au contact de la chaîne ossiculaire. Elle est très souvent associée à la forme séquellaire d’une otite muqueuse ouverte (sèche). L’otoscopie est caractéristique : les lésions peuvent intéresser le tympan et/ou la chaîne ossiculaire. Dans la forme myringienne (fig. 20), le tympan est incrusté de plaques calcaires, blanc jaunâtre, dures sous le stylet, antérieures ou postérieures, tantôt minimes, punctiformes ou en plaques, respectant l’annulus fibreux (pourtour du tympan), tantôt majeures, exubérantes, affectant parfois la totalité du tympan qu’elles transforment alors en un disque rigide. Seules les formes ossiculaires ont un retentissement fonctionnel auditif. Les tympaniques pures sont asymptomatiques.

Perforations traumatiques

Elles peuvent survenir dans de multiples circonstances : traumatismes directs (gifle ou coton-tige ; fig. 21), phénomène pressionnel (obstruction complète du conduit avec poussée pressionnelle violente, lors de la plongée sous-marine par exemple), explosion (blast tympanique). Le patient ressent une douleur intense accompagnée d’une altération de l’audition (assourdissement, impression d’être « dans du coton »). L’otoscopie révèle la perforation tympanique souvent bordée de sang car elle est récente.
Le traitement initial est purement antalgique (sauf s’il existe une otorrhée liée à une surinfection, requérant un traitement antibiotique). La cicatrisation se fait ad integrum dans la majorité des cas. Il faut interdire l’introduction d’eau et de gouttes auriculaires dans l’oreille. La consultation ORL est indispensable pour vérifier l’audition et contrôler la fermeture du tympan. Après un délai d’observation de 6 mois en moyenne, et en l’absence de cicatrisation spontanée, on envisage généralement un geste chirurgical : la tympanoplastie.
Réferences
1. Tran Ba Huy P. Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques. EMC (Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie 2005:1-25 [Article 20-095-A-10].
2. Triglia JM, Roman S, Nicollas R. Otites séromuqueuses. EMC (Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie 2003: 12 p [Article 20-085-A-30].
3. Dubreuil C, Tringali S. Otites chroniques non cholestéatomateuses. In: Brasnu D. Traité d’ORL. Paris: Flammarion Médecine-Sciences; 2008:66-72.
4. Bordure P, Bailleul S, Malard O, et al. Otite chronique cholestéatomateuse. Aspects cliniques et thérapeutiques. EMC (Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie 2009:1-16 [Article 20-095-A-20].
5. Ayache D, Schmerber S, Lavieille JP, et al. Cholestéatome de l’oreille moyenne. Ann Otolaryngol Chir Cervifac 2006;123:120-37.

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essentiel

Toute otalgie doit conduire à un examen otoscopique.

Chez le diabétique, une otite externe fait redouter une forme maligne nécrosante.

L’otite séromuqueuse doit être traitée pour éviter la chronicisation.