Le traitement des otites moyennes aiguës purulentes, fréquentes chez l’enfant, repose sur l’amoxicilline en première ligne. Toutefois, les évolutions microbiennes, avec l’émergence de souches résistantes, pourraient rendre cet antibiotique moins efficace. Faut-il réviser les recos ?

L’otite moyenne aiguë est une infection très fréquente chez l’enfant, surtout entre 6 et 24 mois, étant donné les particularités anatomo-physiologiques des tout-petits, en particulier au niveau de la trompe d’Eustache.

Le traitement de l’otite moyenne aiguë purulente repose, en première intention, sur une antibiothérapie à base d’amoxicilline, prescrite d’emblée ou après un délai de 48 h-72 h (si persistance des symptômes), selon l’âge de l’enfant et la sévérité (algorithme). La durée est de 10 jours pour les moins de 2 ans, 5 jours après cet âge, réduite à 5 jours quel que soit l’âge dans le contexte de pénurie actuelle.

Quelles bactéries en cause ?

Les otites moyennes aiguës sont généralement monomicrobiennes (seulement 10 % de prélèvements plurimicrobiens). En France, deux germes prédominent :

– Hæmophilus influenzae, responsable de 30 à 40 % des cas, qui touche surtout les enfants de 6 mois à 3 ans ; actuellement, environ 20 % des souches sont productrices de β-lactamases ; 

– Streptococcus pneumoniae qui représente 25-40 % des germes de l’otite moyenne aiguë. Depuis les années 1980, sont apparues des souches de moindre sensibilité aux bêtalactamines, qui représentaient en 2012 jusqu’à 50 % des pneumocoques.

Grâce à la mise en place des vaccinations anti-Haemophilus B et antipneumococcique – avec le vaccin heptavalent dans un premier temps, et plus récemment à 13 valences –, on constate une diminution significative du portage rhinopharyngé et du nombre d’épisodes d’otites avec ces germes. En contrepartie, la proportion d’autres agents infectieux augmente : Staphylococcus aureus, S. epidermidis et Moraxella catarrhalis, souches qui sont presque toujours sécrétrices des β-lactamases les rendant résistantes à l’amoxicilline. Ainsi, la question de l’adaptation des recommandations se pose, tout en tenant compte de la balance bénéfices/risques des autres antibiotiques à large spectre.

L’amoxicilline fait toujours mieux

Pour répondre à cette question, des chercheurs américains ont comparé les échecs du traitement antibiotique et le taux de rechutes entre l’amoxicilline et d’autres antibiotiques à large spectre couramment prescrits chez les enfants de 6 mois à 12 ans souffrant d’otite moyenne aiguë non compliquée. Ils se sont appuyés sur les données d’une compagnie d’assurance (MarketScan Commercial Database) couvrant plus de 7 millions d’enfants consultant entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018. Pour être inclus, les enfants devaient avoir reçu un diagnostic d’otite et la prescription d’un des 4 antibiotiques les plus courants (amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, cefdinir et azithromycine). Les critères d’exclusion étaient : une antibiothérapie dans les 30 jours précédents, une co-infection bactérienne, des drains trans-tympaniques dans les 2 ans précédents ou les 30 jours suivants, une mastoïdite et des otites récurrentes (> 3 épisodes) dans l’année précédente.

L’analyse a inclus au total 1 051 007 enfants. Dans la majorité des cas, l’otite a été diagnostiquée par un pédiatre (53 %), chez des enfants de 6 mois à 5 ans (61,5 %). Les antibiotiques prescrits étaient l’amoxicilline (56,6 %), le cefdinir (20,6 %), l’amoxicilline-acide clavulanique (13,5 %) et l’azithromycine (9,3 % ; 46 % chez les 6-12 ans) ; 93 % des prescriptions étaient pour une durée de 10 jours ; 98 % étaient exécutées dans la journée.

Parmi les enfants inclus, l’analyse montre 2,2 % d’échecs du traitement (IC95 % : 2,1-2,2) et 3,3 % de rechute (IC95 % : 3,2-3,3). Les taux combinés d’échecs et de rechutes étaient : 11,3 % pour l’association amoxicilline-acide clavulanique, 10 % pour le cefdinir, 9,8 % pour l’azithromycine et 1,7 % pour l’amoxicilline.

En conclusion, malgré les évolutions microbiologiques, l’amoxicilline est associée à un plus faible taux d’échecs et de rechutes par rapport aux autres antibiotiques. Elle reste donc la référence dans le traitement des otites moyennes aiguës de l’enfant.

Pour en savoir plus
Polonovski JM. Item 150 (ancien 147). Otites infectieuses de l’adulte et de l’enfant.  Rev Prat 2018;68(1);e15-24.
Frost HM, Bizune D, Gerber JS, et al. Amoxicillin versus other antibiotic agents for the treatment of acute otitis media in children.  J Pediatr 2022;251:98-104.e5.

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