Dans les recommandations élaborées par la HAS, la prise en charge à domicile des patients atteints de Covid et requérant une oxygénothérapie était réservée à deux situations : les patients hospitalisés pour Covid-19, sortant sous oxygénothérapie, et les patients atteints de Covid-19 non hospitalisés, avec une Sp02 au repos comprise entre 90 % et 92 % et ayant des besoins en oxygène < 4 L/min (le but étant de rétablir la Sp02 au-dessus de 92 %). Certains patients particulièrement à risque devaient être exclus : personnes souffrant d’une pathologie chronique (diabète, insuffisance rénale, etc.) non stabilisée, d’obésité morbide, femmes enceintes, etc., ainsi que les patients cumulant au moins deux critères « mineurs » de fragilité (âge > 70 ans, pathologie CV, cirrhose, diabète équilibré, etc.). Une surveillance rapprochée était mise en place, en lien avec une équipe hospitalière de référence qu’il fallait contacter en cas d’aggravation (débit d’oxygène supérieur ou égal à 4 L/min, désaturation à SpO2 < 90 % à deux prises consécutives, autres complications).
Deux ans après la mise en place de cette mesure, Épi-Phare publie un rapport concernant l’utilisation de l’oxygénothérapie à domicile dans ce cadre sur tout le territoire national en 2021. L’étude, réalisée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), repose sur les données exhaustives de remboursements et d’hospitalisations de la quasi-totalité de la population française. Tous les sujets atteints de Covid-19 et ayant eu un remboursement pour au moins un forfait oxygénothérapie à court terme à domicile entre le 30 janvier 2021 et le 31 décembre 2021 ont ainsi été inclus. Les patients ayant eu une oxygénothérapie au retour à domicile après une hospitalisation pour Covid ont été exclus. Les participants ont été suivis durant 1 mois au maximum à partir de la date de début de l’oxygénothérapie.
L’objectif de l’étude était, d’une part, de dénombrer et caractériser les patients ayant bénéficié de cette thérapie, et d’autre part de quantifier la fréquence de survenue d’une hospitalisation pour Covid-19 ou d’un décès dans le mois suivant la mise sous oxygène à domicile.
Les données sur la durée réelle du traitement par oxygène à domicile, la nature de la source d’oxygène, le débit administré et la durée d’administration, ainsi que sur le type de dispositifs, n’étaient pas disponibles.
Qui étaient les patients bénéficiant de l’oxygénothérapie à domicile ?
Au total, 15 308 patients ayant reçu une oxygénothérapie à domicile en 2021 ont été identifiés (âge moyen : 67,8 ans ; 46,1 % d’hommes), dont la grande majorité (76 %) résidaient en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et les DROM-COM. Les prescripteurs étaient principalement des médecins généralistes (environ 66 %), le reste des prescriptions était faites surtout à l’hôpital.
Parmi ces patients, 13,8 % résidaient en Ehpad, 67,6 % en France métropolitaine hors Ehpad et 18,7 % dans les DROM-COM. Au moment du traitement, 35,9 % des patients n’étaient pas vaccinés (dont 19,2 % dans les Ehpad et 77,9 % dans les DROM-COM).
Près de la moitié des patients (46,5 %) ne répondaient pas aux critères d’éligibilité établis par la HAS, en raison de la présence d’un critère d’exclusion majeur, notamment pathologies chroniques déstabilisées (pathologie CV aiguë, pathologie respiratoire chronique décompensée, diabète déséquilibré, cancer sous chimiothérapie, etc.), retrouvé chez 14,4 % des patients, ou de deux critères d’exclusion mineurs (âge > 70 ans, pathologies CV sévères, diabète équilibré, pathologie respiratoire chronique, cancer contrôlé sous traitement, obésité modérée à sévère, etc.), retrouvés chez 43 % des participants.
Au total, les comorbidités les plus fréquentes chez ces patients étaient : HTA (54,9 %), dyslipidémie (27,5 %), maladies psychiatriques (29,9 %), troubles respiratoires (BPCO, asthme, etc. : 22,2 %), diabète (21,8 %), cancers actifs (13,5 %), maladie coronaire (10,8 %), obésité (10,0 %).
L’étude n’ayant pas recueilli les motifs explicites de la mise en place du traitement à domicile, il ne peut être exclu que l’absence de suivi de ces critères ait pu relever de situations comme le choix personnel du malade (ou de son entourage) de ne pas être hospitalisé et/ou le taux de saturation des établissements de santé, ou encore l’attente d’une place dans un établissement de santé.
Quelle a été l’évolution de ces malades ?
Les hospitalisations pour Covid-19 après l’initiation de l’oxygénothérapie à domicile ont concerné 13,7 % des patients à 3 jours et 19,7 % à 1 mois ; 3,1 % des patients sont décédés à 3 jours et 11,8 % à 1 mois de suivi. En EHPAD, nous avons observé à un mois de suivi, 12% d’hospitalisations pour COVID-19 et 32,5% de décès
Toutefois, les auteurs soulignent qu’en l’absence de comparateurs (personnes ayant un profil clinique similaire), ces taux d’hospitalisation et décès doivent être interprétés avec prudence.
En conclusion, cette étude montre une utilisation conséquente de l’oxygénothérapie à domicile pendant les deux vagues épidémiques survenues en 2021, reflétant sans doute la surcharge du système hospitalier. Elle révèle aussi une proportion importante de patients traités ne répondant pas aux critères d’éligibilité initialement proposés, ce qui pourrait expliquer ces données de morbi-mortalité assez décevantes
Dans le contexte actuel, les auteurs du rapport soulignent que, l’oxygénothérapie étant un traitement de première nécessité dans la prise en charge de certains patients Covid, « son recours à domicile pourrait, à l’avenir, être de plus en plus envisagé en raison des difficultés croissantes rencontrées par le système de soins hospitalier »…