Les palpitations sont la perception subjective d’un rythme cardiaque irrégulier ou rapide. Le panel de gravité est très large, allant de la simple manifestation d’une anxiété excessive à un véritable trouble du rythme, parfois malin. Comment s’orienter par la clinique ? Quels signes de gravité ? Quelles anomalies sur l’ECG ?

Les palpitations sont l’expression d’un large spectre de variations rythmiques tout à fait normales mais aussi de troubles malins parfois précurseurs de mort subite. Toute la difficulté est d’en apprécier les risques potentiels.

Le ressenti du patient ne reflète pas la gravité des troubles. L’interrogatoire et l’examen clinique tentent de démêler ce qui est cardiaque de ceux qui est psychosomatique, et d’identifier les patients à risque.

Les étiologies sont nombreuses, comme indiqué dans l’encadré. Les causes rythmiques représentent environ la moitié des cas. Il s’agit le plus souvent d’un trouble :

  • supraventriculaire (tableau 1) : fibrillation atriale, tachycardie atriale, flutter atrial, ou tachycardie jonctionnelle (par réentrée atrionodale ou voie accessoire) ;
  • ou ventriculaire : tachycardie ventriculaire, survenant soit sur cœur pathologique (80 %), soit sur cœur sain ; la torsade de pointes est un type de tachycardie ventriculaire polymorphe favorisée par un allongement du QT ;
  • ou d’extrasystoles atriales ou ventriculaires.
 

Les palpitations peuvent également être secondaires à diverses pathologies entraînant une tachycardie sinusale : hyperthyroïdie, anémie, hypoglycémie, voire fièvre. Enfin, l’origine psychologique est retrouvée dans environ un tiers de cas. Mais attention : il s’agit d’un diagnostic d’élimination chez un patient ayant généralement des symptômes de dépression et d’anxiété, avec un bilan étiologique complet négatif comprenant un tracé électrocardiographique per-palpitations normal. Enfin, la cause reste indéterminée dans 15 % des cas.

La clinique peut orienter

L’interrogatoire doit être minutieux et faire préciser ce que le patient entend sous le terme de palpitations. En effet, il peut s’agir de sensation de battements cardiaques perçus comme trop forts, ou trop rapides, irréguliers, ou encore une sensation de « ratés » (évocateurs d’extrasystoles, avec sensation de vide au moment de la période longue post-extrasystole). Il est parfois utile de faire mimer la perception en demandant au patient de tapoter avec son doigt sur le bord d’une table. Les palpitations sont bien sûr à distinguer de la simple sensation de sentir son cœur battre, régulièrement et avec une fréquence normale, souvent au repos, le soir, nommée éréthisme cardiaque.

Un rythme rapide régulier fait suspecter une tachycardie sinusale. Cette accélération survient dans un contexte causal : stress, effort, infection, anémie, hyperthyroïdie (qu’elle peut révéler) ou anxiété. Ce n’est pas un vrai trouble du rythme mais une adaptation physiologique. Parfois, elle peut être un signe de gravité d’une pathologie associée (embolie pulmonaire, insuffisance cardiaque).

Une sensation de rythme irrégulier avec des « ratés » (battements surnuméraires) évoque des extrasystoles, atriales ou ventriculaires (fig. 1). Les pauses correspondent à la latence post-extrasystole, de durée brève. Elles se répètent parfois pendant de courtes périodes.

Décrite comme rapide et anarchique et survenant par accès, la fibrillation atriale (fig. 2) est perçue durant quelques minutes à quelques heures pour les épisodes paroxystiques, plusieurs jours pour les persistants. Mais cette pathologie de la sénescence cardiaque est souvent asymptomatique.

Un rythme rapide et régulier avec un début et une fin brusques sont typiques d’une tachycardie de Bouveret (fig. 3). La fréquence de l’ordre de 170 à 200 batt/min. Elle touche surtout les personnes jeunes et est suivie d’une asthénie intense. Le patient connaît parfois une méthode d’arrêt qui donne un stimulus vagal : manœuvre de Valsalva, verre d’eau, compression carotidienne ou pression sur les globes oculaires.

Des palpitations de fréquence rapide mais régulière évoquent une tachycardie atriale ectopique ou de type flutter. Le terrain est identique à celui de la FA.

Des palpitations rapides et régulières à début brusque signalent plutôt une tachycardie ventriculaire. Elle est souvent mal tolérée par le patient et s’accompagne volontiers de syncope ou de lipothymie, qui doivent alerter.

Quels examens ?

L’examen clinique doit rechercher certains états pathologiques favorisant les arythmies tels que une hyperthermie, un goitre ou des nodules thyroïdiens. Les tests biologiques sont prescrits selon le contexte : NFS, CRP, ionogramme et TSHus, pour rechercher une éventuelle anémie, un syndrome inflammatoire, une dyskaliémie ou une hyperthyroïdie.

Quels signes de gravité ?

Les complications à redouter sont la mort subite et les événements thrombo-emboliques (plus fréquents avec la FA).

Ainsi, le terrain est à prendre en compte : on recherche systématiquement un antécédent de cardiopathie connue, personnel ou familial (cardiopathies héréditaires).

Certains symptômes associés aux palpitations – lipothymie/syncope, angor, dyspnée – sont des signes de gravité et doivent orienter d’emblée vers une prise en charge cardiologique spécialisée (même s’ils peuvent parfois être associés à une crise d’angoisse, cela doit rester un diagnostic d’élimination).

La survenue de palpitations avant une syncope est une indication à une hospitalisation d’emblée pour surveillance scopée. En effet, cela fait suspecter une syncope d’origine cardiaque, soit par une tachycardie rapide (tachycardie ventriculaire, ou supraventriculaire avec dysfonction ventriculaire ou préexcitation), soit par une pause sinusale postréductionnelle d’une tachycardie/fibrillation atriale (dysfonction sinusale).

ECG : examen clé

Si les anomalies rythmiques sont de type persistant, l’ECG fournit rapidement le diagnostic (cf. ci-dessus). Si elles sont paroxystiques, leur mise en évidence est plus difficile (l’ECG intercritique sera normal).

Cependant, certaines anomalies sont évocatrices d’une cardiopathie sous-jacente structurelle ou électrique :

  • syndrome de Wolff-Parkinson-White avec espace PR court et onde delta de préexcitation, qui oriente vers une tachycardie jonctionnelle (fig. 4) ;
  • allongement de l’intervalle QT, qui oriente vers des torsades de pointes (fig. 5) ;
  • d’autres anomalies peuvent être le reflet d’une cardiopathie ou d’un substrat arythmogène sous-jacent, comme une cicatrice d’infarctus (pouvant être le siège de tachycardie ventriculaire), un bloc de branche (tableau 2), une dysfonction sinusale (pouvant faire suspecter une maladie rythmique de l’oreillette).
 

En cas de suspicion de cause cardiaque (tableau 3), le recours au cardiologue est nécessaire : il pourra obtenir le tracé électrique concomitant aux symptômes en s’appuyant sur différents outils (selon la fréquence des palpitations) : holter ECG de 24 ou 48 h, dispositifs connectés, exploration électrophysiologique endocavitaire.

Qu’en retenir ?

Les caractéristiques ainsi que le terrain de survenue orientent vers une cause cardiaque (rythmique) ou non.

Le diagnostic de certitude repose sur l’ECG percritique. Les autres explorations, peu rentables, n’aboutissent qu’à une suspicion.

Signes de gravité : cardiopathie sous-jacente, antécédent familial de mort subite, mauvaise tolérance percritique (syncope).

Le recours au cardiologue est nécessaire dès qu’une cause cardiaque est suspectée.

L’impact des palpitations sur le risque de mortalité, notamment subite, est faible, et dépend essentiellement du mécanisme et avant tout de la cardiopathie sous-jacente.

Encadre

Palpitations : causes et diagnostics différentiels

Arythmies

  • Tachycardie supraventriculaire :
    • fibrillation atriale (FA), flutter atrial, tachycardie atriale ;
    • tachycardie jonctionnelle (réentrée atrionodale dite maladie de Bouveret, tachycardie réciproque sur voie accessoire).
  • Tachycardie ventriculaire (le plus souvent sur cardiopathie sous-jacente, parfois sur cœur sain).
  • Extrasystolie atriale ou ventriculaire.
  • Beaucoup plus rares : bradycardie sur bloc atrio-ventriculaire ou dysfonction sinusale, anomalies de fonctionnement ou de programmation d’un stimulateur ou défibrillateur cardiaque.

Causes psychiatriques

  • Troubles anxieux, attaque de panique.
  • Syndrome dépressif, affections psychosomatiques.

Toxiques et médicaments

  • Alcool, caféine, tabac, drogues.
  • Certains médicaments (digitaline, phénothiazine, théophylline, b-agonistes…).
  • Arrêt récent d’un traitement b-bloquant.

Causes extracardiaques

  • Désordres métaboliques : hyperthyroïdie, phéochromocytome, hypoglycémie, mastocytose, syndrome post-ménopause.
  • Fièvre (> 38 °C), anémie (Hb < 10 mg/dL), grossesse (> 20e semaine), maladie de Paget, fistule artério-veineuse, hypovolémie.
  • Intolérance à l’orthostatisme et syndromes fonctionnels : hypotension orthostatique, syndrome de tachycardie orthostatique posturale, tachycardie sinusale inappropriée, syndrome vaso-vagal.
Pour en savoir plus
Moubarak G, Lacotte J, Leenhardt A. Item 229. Électrocardiogramme : indications et interprétations.  Rev Prat 2018;68(7);e289-99.
Thuillot M, Marijon É. Palpitations : quelle conduite diagnostique ?  Rev Prat Med Gen 2019;33(1026);601-3.
Sharifzadehgan A, Bialobroda J, Marijon É. Item 235. Palpitations. Rev Prat 2020;70(6);e187-90.
Badenco N. Palpitations : quand s’inquiéter ?  Rev Prat Med Gen 2018;32(996);152-3.

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