Le vécu clinique ne préjuge pas de la gravité potentielle.
Signes fonctionnels à rechercher en cardiologie, les palpitations sont un motif de consultation fréquent en médecine générale. Elles se caractérisent par la perception d’un rythme cardiaque anormal, irrégulier ou rapide, le plus souvent sans conséquences. Toute la difficulté est d’en apprécier les risques potentiels. Car elles sont l’expression d’un large spectre de variations rythmiques tout à fait normales mais aussi de troubles malins parfois précurseurs de mort subite.
Deux questions sont essentielles. La description faite par le patient permet-elle d’identifier le trouble du rythme responsable ? Est-ce la manifestation d’une cardiopathie sous-jacente à risque létal ? Ensuite, le bilan vise à documenter électro- cardiographiquement (ECG) l’anomalie suspectée et à rechercher une cardiopathie.

Clinique

Les palpitations sont à distinguer de la simple sensation de sentir son cœur battre (on ne le perçoit pas habituel-lement), régulierement et avec une fréquence normale, souvent au repos, le soir, nommée éréthisme cardiaque.
Un rythme rapide régulier fait suspecter une tachycardie sinusale. Cette accélération survient dans un contexte causal : stress, effort, infection, anémie, hyper- thyroïdie (qu’elle peut révéler) ou anxiété. Ce n’est pas un vrai trouble du rythme mais une adaptation physiologique.
Parfois, elle peut être un signe de gravité d’une pathologie associée (embolie pulmonaire, insuffisance cardiaque).
Une sensation de rythme irrégulier avec des « ratés » (battements surnuméraires) évoque des extrasystoles, atriales ou ventriculaires (fig. 1). Les pauses correspondent à la latence post-extrasystole, de durée brève. Elles se répètent parfois pendant de courtes périodes.
Décrite comme rapide et anarchique et survenant par accès, la fibrillation atriale (FA, fig. 2) est perçue durant quelques minutes à quelques heures pour les épisodes paroxystiques, plusieurs jours pour les persistants. Pathologie de la sénescence cardiaque, elle concerne majoritairement les plus de 60 ans.
Un rythme rapide et régulier avec un début et une fin brusques sont typiques d’une tachycardie de Bouveret (jonctionnelle, fig. 3). Fréquence de l’ordre de 170 à 200 batt/min. Elle touche surtout les personnes jeunes qui la vivent plus ou moins bien. Elle est suivie d’une asthénie intense. Le patient connaît parfois une méthode d’arrêt qui donne un stimulus vagal : manœuvre de Valsalva, verre d’eau, compression carotidienne ou pression sur les globes oculaires.
Des palpitations de fréquence rapide mais régulière évoquent une tachycardie atriale ectopique ou de type flutter. Le terrain est identique à celui de la FA.
Des palpitations rapides et régulières à début brusque signalent plutôt une tachycardie ventriculaire. Elle est souvent mal tolérée par le patient et s’accompagne significativement de syncope ou de lipothymie, qui doivent alerter.
Un bilan biologique comprenant NFS, CRP, ionogramme et TSHus, étaye le diagnostic en montrant une participation extracardiaque aux palpitations : anémie, syndrome inflammatoire, dyskaliémie ou hyperthyroïdie.

Apprécier la gravité

Complications à redouter : la mort subite, et les événements thrombo-emboliques (plus fréquents avec la FA).
L’interrogatoire peut orienter. Une cardiopathie sous-jacente doit être dépistée, car elle est susceptible de se transformer en rythme malin ventriculaire, voire en arrêt cardiorespiratoire. Il faut également évaluer la tolérance, en recherchant d’autres signes comme des syncopes.
Ainsi on recherche systématiquement : un antécédent de cardiopathie connue, personnel ou familial (cardiopathies héréditaires) ; une lipothymie, un malaise ou une syncope associés.
La fibrillation atriale est le trouble du rythme le plus fréquent en France. Elle ne s’accompagne pas toujours de palpitations. Complications à redouter : événements thrombo-emboliques, notamment vasculaires cérébraux.
Il est donc important de la diagnostiquer pour instaurer un traitement anticoagulant préventif. De ce fait, son dépistage est recommandé chez les plus de 65 ans par la prise de pouls systématique ou un ECG au cabinet du médecin traitant, lors de tout examen de contrôle, même en l’absence de symptôme cardiaque.1

Explorations : connectées

ECG : examen clé

Il est à réaliser systématiquement. Si les anomalies rythmiques sont de type persistant, il fournit rapidement le diagnostic. Si elles sont paroxystiques, leur mise en évidence peut être plus délicate.
En cas de forte suspicion, selon le terrain et/ou la description clinique (cf. supra), il est capital d’obtenir le tracé électrique concomitant aux symptômes. Les outils à disposition sont nombreux ; ils sont adaptés à la fréquence des palpitations.

Holter ECG des 24 heures

Examen de seconde intention, facile d’accès, il est réalisé par le cardiologue lors du bilan initial. Attention : si le patient ressent des palpitations peu fréquentes, par intervalles supérieurs à la journée, par exemple 1 à 2 fois par mois, il est peu probable que cet examen enregistre l’anomalie rythmique. Des moniteurs plus adaptés sont alors disponibles en ambulatoire.

Enregistreurs continus externes

Appelés « holters de longue durée », ils conviennent surtout aux symptômes assez brefs, de durée insuffisante pour activer un enregistrement (car le patient ne les ressent pas). Ils sont mis en place pour 1 à 3 semaines, mais leur disponibilité est plus limitée et leur accès plus difficile.
Selon le modèle utilisé, leur avantage de rapporter des tracés ECG réguliers et systématiques, de détecter automatiquement certaines anomalies (programmation), ou de fournir si nécessaire des tracés déclenchés par le patient lorsqu’il perçoit une anomalie rythmique (corrélation électroclinique)
Plus modernes, les tee-shirts connectés (système CardioNexion, @-health) intégrant des électrodes sont simple d’utilisation et reliés à une plateforme spécialisée dans l’analyse des enregistrements.

Enregistreurs externes

discontinus

Appelés aussi enregistreurs d’événements et déclenchés manuellement par les patients au moment des épisodes symptomatiques, ils ont été largement développés ces dernières années. Les électrodes intégrées à l’appareil recueillent les potentiels cardiaques aux mains et à la poitrine ; la mise en route est choisie par le malade, pour une durée programmée de 40 ou 20 secondes (répétable 4 ou 8 fois).
Ils sont particulièrement adaptés à l’exploration des palpitations. Leur efficacité est assez hétérogène selon les modèles : bon algorithme de détection de la fibrillation atriale pour le KardiaMobile (sensibilité rapportée 98 %, spécificité 97 %), artéfacts possibles avec d’autres dispositifs.
Ils ne sont pas remboursés donc à la charge du patient en location ou à l’achat. Ils sont très rentables quand les signes surviennent mensuellement ou moins souvent, chez un patient compliant, dont les palpitations durent assez longtemps pour être captées via des électrodes ou une carte réceptrice posée sur le thorax.
Ils sont généralement assez faciles à manier. Les tracés sont transmis par téléphone à une plateforme spécialisée dans l’analyse des enregistrements. Cet envoi peut se faire grâce à une application pour smartphone.
La technique d’enregistrement évolue également : il est maintenant possible de le déclencher en apposant simplement ses doigts (qui servent d’électrodes) sur un minidisposif récepteur, associé à une application pour smartphone (système KardiaMobile, AliveCor). Le grand avantage est leur disponibilité au moment exact des symptômes lors d’événements occasionnels.

Enregistreurs implantables

Dans le cas de syncopes associées, on privilégie ces dispositifs plus agressifs.2 Ils sont également intéressants en terme de suivi des patients pour évaluer l’efficacité des traitements et la qualité du contrôle rythmique.
Ces holters, posés en sous-cutané, ont une longévité de 3 ans en enregistrement continu. Ils n’ont pas fait preuve d’un grand bénéfice dans le bilan des palpitations et ne sont pas pris en charge en France dans cette indication. Utilisés et remboursés pour le diagnostic des syncopes récidivantes et d’une éventuelle fibrillation atriale (bilan d’infarctus cérébral), ils ont l’inconvénient d’être plus invasifs.
références
1. Kirchhof P, Benussi S, Kotecha D, et al. 2016 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation developed in collaboration with EACTS. Eur Heart J 2016;37:2893-962.

2. Task Force Members, Brignole M, Vardas P, Hoffman E, et al. Indications for the use of diagnostic implantable and external ECG loop recorders. Europace 2009;11:671-87.

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essentiel

pour établir un diagnostic rythmique.

antécédent de cardiopathie, syncope associée.

Bilan biologique : anémie, syndrome inflammatoire, trouble métabolique (dyskaliémie, hyperthyroïdie).

(connecté, continu ou non) selon la fréquence des palpitations paroxystiques.