Ce sont les radiologues qui en parlent le mieux. L’origine de cette entité est en effet liée à l’histoire de la radiologie et à la diffusion de l’imagerie en coupe.
Le terme « misty mesentery » (mésentère brumeux) qualifie une augmentation régionale de la densité de graisse mésentérique au scanner abdomino­pelvien.1
Cet aspect étant fréquent, le radiologue le décrit comme une « panniculite mésentérique » sans donner de détails ni proposer de prise en charge. Se posent alors 3 questions au clinicien :
– tous les mésentères brumeux correspondent-ils à une véritable panniculite mésentérique ?
– qu’est-ce que cette entité ?
– que faire en cas de découverte d’un tel aspect au scanner ?

Physiopathologie

La panniculite mésentérique est une maladie rare qui fait partie d’un continuum de troubles du mésentère et du péritoine connu sous le terme de « mésentérite sclérosante ». Celle-ci a 3 étapes évolutives :
– la première est la lipodystrophie : des macrophages spumeux infiltrent la graisse mésentérique ;
– la deuxième est la panniculite à proprement parler, caractérisée par un infiltrat de plasmocytes, de polynucléaires et de macrophages spumeux ;
– la dernière étape est la mésentérite rétractile : dépôt de collagène, nécrose graisseuse et fibrose conduisant à une rétraction tissulaire.
L’étiologie est inconnue. Sont classiquement incriminés : antécédent de chirurgie abdominale, traumatisme abdominal, auto-immunité, vascularite, infection.
D’après certains auteurs, la mésentérite sclérosante serait associée à de nombreuses maladies malignes intra- ou extra-abdominales (lymphome, cancers colorectaux, gastriques, rénaux, mélanomes, leucémies myéloïdes, tumeurs neuro-endocrines) : 30 % des patients atteints auraient un cancer, voire 69 % selon les études.2, 3 Cette affection serait donc une réaction paranéoplasique non spécifique. Les données disponibles sont toutefois limitées, et cette hypothèse n’a pas été formellement prouvée. De plus, d’autres équipes n’ont pas confirmé ce lien. Ainsi, sauf en cas de cancer connu, la découverte fortuite d’une mésentérite sclérosante ou d’une panniculite mésentérique n’implique pas un suivi particulier.
En revanche, l’association à d’autres troubles inflammatoires idiopathiques est bien établie : pseudotumeurs orbitaires, fibrose rétropéritonéale, cholangite sclérosante, thyroïdite de Riedel (forme rare de thyroïdite chronique).

Signes cliniques : rares

La mésentérite sclérosante touche les adultes de la troisième à la neuvième décennie, le plus souvent autour de 70 ans, avec une prépondérance masculine. Des rares cas sont documentés à l’âge pédiatrique. La plupart des patients étant asymptomatiques, l’atteinte est découverte de façon fortuite à l’imagerie (90 %). Cette « anomalie » radiologique serait retrouvée chez 0,6 % des sujets ayant une exploration scanographique de routine (étude sur un échantillon de 6 620 sujets).3
Très rarement, des symptômes aigus – douleurs abdominales, ballonnements, nausées ou perte de poids – sont décrits. Une masse abdominale peut être palpée chez 50 % (au plus) des patients de ce sous-groupe symptomatique. L’imputabilité de la mésentérite sclérosante est toutefois difficile à affirmer.

Aspects radiologiques

La panniculite mésentérique est une pseudomasse hétérogène de densité augmentée au sein de la graisse mésentérique (figure).4, 5 Elle peut refouler les anses grêles, qui conservent un aspect normal, mais n’exerce pas d’effet de masse sur les structures vasculaires environnantes.
Des ganglions lymphatiques sont souvent localisés au sein de la région dense, certains pouvant dépasser 1 cm de diamètre (rarement). Environ 90 % des cas concernent le mésentère de l’intestin grêle, et les anomalies sont le plus communément situées à gauche de la ligne médiane, correspondant à la zone du mésentère jéjunal.
Pour affirmer la panniculite, on recherche :
– le signe de la « pseudocapsule » : bande d’atténuation curviligne périphérique séparant la masse mésentérique hétérogène de la graisse normale environnante.4, 5 En général, elle ne dépasse pas 3 mm d’épaisseur (figure) ;
le « halo graisseux », qui correspond à la préservation d’une densité graisseuse normale autour des vaisseaux mésentériques traversant la zone atteinte (figure).4, 5
Leur sensibilité est de 50 % et 75 % respectivement. Leur spécificité n’a pas encore été bien établie, mais un halo graisseux peut être également retrouvé en cas de lymphome mésentérique. De même, la pseudocapsule est parfois observée chez des patients ayant des tumeurs lipomateuses bénignes ou malignes.
À l’imagerie, la mésentérite rétractile a un aspect différent : elle se caractérise par une ou plusieurs masses mésentériques fibreuses irrégulières. Au sein de celles-ci, des calcifications sont parfois visibles, très probablement en rapport avec des séquelles de nécrose graisseuse. Enfin, les lésions peuvent entourer les anses intestinales et les structures vasculaires adjacentes, entraînant (très rarement) des signes d’obstruction intestinale ou de souffrance ischémique viscérale.

Un diagnostic d’élimination

La panniculite n’est qu’une des causes possibles de mésentère brumeux, car de nombreuses entités pathologiques s’accompagnent d’une infiltration de la graisse mésentérique (par des fluides, du tissu fibreux, des cellules inflammatoires ou néoplasiques). Il incombe donc au radiologue d’évoquer et, si possible, d’exclure les autres étiologies.
Un œdème mésentérique peut être la conséquence d’une hypoprotéinémie, d’une insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale, ou de maladies vasculaires locales telles que l’hypertension portale, les thromboses des veines hépatiques ou portes. En cas de panniculite, il n’y a ni ascite ni œdème sous-cutané.
Inflammation locale. La pancréatite aiguë (le plus souvent) mais aussi toutes les maladies inflammatoires du tractus gastro-intestinal peuvent provoquer des modifications du mésentère (cholé- cystite ou appendicite aiguë, diverticulites, MICI). Leur diagnostic s’appuie au premier plan sur la clinique.
La tuberculose péritonéale, rare, associe des adénomégalies à centre hypodense (nécrose caséeuse), une nodularité de la graisse mésentérique, un épaississement du péritoine. Ici encore, l’ascite (qui est riche en protides) plaide pour une origine infectieuse.
Une hémorragie est à évoquer si notion de traumatisme, en cas de traitement anti- coagulant ou de trouble de l’hémostase.
Dans le lymphœdème, l’ascite est classique, avec un épaississement des parois de l’intestin grêle dû à l’œdème de la muqueuse ou de la sous-muqueuse.
Une néoplasie est le diagnostic différentiel le plus difficile. La principale atteinte à exclure est le lymphome, car les stades précoces sont caractérisés par des ganglions de petite taille et un halo graisseux ; des adénomégalies dans d’autres territoires sont souvent évocatrices.
Des cancers primitifs du péritoine, tels que les neurofibromes, les lipomes ou les liposarcomes peuvent mimer une panniculite. Toutefois, ces derniers exercent généralement un effet de masse sur les organes et les vaisseaux de voisinage. En cas de doute, une biopsie doit être réalisée.

Conduite à tenir

Lorsqu’on découvre une panniculite chez un patient asymptomatique sans anomalie biologique, biopsie et suivi ne sont pas recommandés. L’évolution est généralement bénigne.
En cas de mésentérite rétractile, l’aspect radiologique est souvent plus inquiétant et peut mimer une néoplasie entérique ou péritonéale (tumeur neuro-endocrine, ou desmoïde ou rarement une carcinose péritonéale). Dans ce cas, une biopsie percutanée est nécessaire. En l’absence de cause identifiée, le traitement peut être symptomatique.
La panniculite mésentérique n’est qu’une des causes possibles de mésentère brumeux au scanner.
Signes radiologiques associés : ganglions mésentériques, halo graisseux et pseudocapsule périphérique.
C’est un diagnostic d’exclusion (éliminer œdème, lymphœdème, hémorragie, maladies inflammatoires…).
Mésentérite rétractile : des anomalies plus marquées, peuvent simuler un cancer du mésentère ou du péritoine.
Références
1. Mindelzun RE, Jeffrey RB Jr, Lane MJ, Silverman PM. The misty mesentery on CT: differential diagnosis. AJR 1996;167:61-5.
2. Kipfer RE, Moertel CG, Dahlin DC. Mesenteric lipodystrophy. Ann Intern Med 1974;80:582-8.
3. Daskalogiannaki M, Voloudaki A, Prassopoulos P, et al. CT evaluation of mesenteric panniculitis: prevalence and associated diseases. AJR 2000;174:427-31.
4. van Breda Vriesman AC, Schuttevaer HM, et al. Mesenteric panniculitis: US and CT features. Eur Radiol 2004;14:2242-8.
5. Horton KM, Lawler LP, Fishman EK. CT findings in sclerosing mesenteritis (panniculitis): spectrum of disease. Radiographics 2003;23:1561-7.

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La panniculite mésentérique n’est qu’une des causes possibles de mésentère brumeux au scanner.

Signes radiologiques associés : ganglions mésentériques, halo graisseux et pseudocapsule périphérique.

C’est un diagnostic d’exclusion (éliminer œdème, lymphœdème, hémorragie, maladies inflammatoires…).

Mésentérite rétractile : des anomalies plus marquées, peuvent simuler un cancer du mésentère ou du péritoine.