Pour la première fois, une étude multicentrique à large échelle parue dans le NEJM montre qu’un agoniste du GLP- 1 pourrait ralentir la progression de la maladie de Parkinson. Retour sur ces résultats étonnants et leurs possibles applications cliniques.

Le traitement actuel de la maladie de Parkinson repose principalement sur la thérapie de substitution dopaminergique (agonistes dopaminergiques et/ou la lévodopa) pour traiter les symptômes, instaurée lorsqu’une gêne apparaît. Elle n’a pas démontré de manière convaincante un effet important sur la progression de la maladie et, après une période de « lune de miel » où elle a de bons résultats, des complications apparaissent chez plus de 50 % des parkinsoniens (fluctuations, dyskinésies) – stade auquel d’autres stratégies sont mises en place.

Les recherches concernant les traitements « disease-modifier  » ou neuroprotecteurs sont ainsi celles qui suscitent le plus d’espoir aujourd’hui. L’objectif serait de les prescrire précocement, dès le diagnostic voire avant l’apparition des symptômes moteurs, pour freiner l’évolution de la maladie. De nombreux candidats potentiels sont étudiés (anticorps alpha-synucléine, modulateur de l’insuline, régulateur des gènes impliqués dans la maladie, chélateurs du fer…). Les analogues du glucagon-like peptide- 1 (GLP- 1) – incrétines utilisées depuis de nombreuses années dans le traitement du diabète de type 2 – en font partie ; au moins six sont actuellement testés dans cette indication. L’un d’entre eux, le lixisénatide, vient de montrer des résultats encourageants dans un essai français.

Pourquoi tester un aGLP- 1 dans cette indication ?

Le diabète est un facteur de risque de la maladie de Parkinson, et certaines études ont montré que son traitement par des aGLP- 1 peut réduire de plus de 50 % le risque d’apparition en comparaison à d’autres médicaments contre le diabète.

Plusieurs effets physiologiques pourraient expliquer cela. Par exemple, un lien a été établi entre l’agrégation de l’α-synucléine et la résistance à l’insuline dans le cerveau. L’effet le plus couramment observé est toutefois la réduction de l’inflammation cérébrale, à laquelle contribuent ces molécules qui peuvent en effet atteindre des concentrations mesurables dans le cerveau ; or le processus inflammatoire est central dans la physiopathologie de la maladie. Des données précliniques suggèrent que l’activation des récepteurs du GLP- 1 protège contre l’apoptose induite par les cytokines et peut stimuler la neurogenèse (les aGLP- 1).

Enfin, l’action neuroprotectrice du lixisénatide a été montrée dans des modèles animaux, aussi bien de la maladie de Parkinson que de la maladie d’Alzheimer. Dans une étude sur modèle murin, cette molécule a atténué les troubles moteurs et empêché la perte de neurones dopaminergiques.

Ralentir la progression du handicap moteur

Des chercheurs de plusieurs hôpitaux français, réunis au sein du Réseau national de recherche clinique sur la maladie de parkinson, ont conduit un essai de phase II pour évaluer l’effet potentiel du lixisénatide dans la progression de la maladie de Parkinson.

Cet essai randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo a recruté 156 personnes âgées d’entre 40 et 75 ans et ayant une maladie de Parkinson à un stade précoce (diagnostiquée moins de 3 ans auparavant, avec une durée moyenne depuis le diagnostic de 1,4 an). Ces patients recevaient déjà une dose stable de traitement dopaminergique et n’avaient pas de complications motrices à l’inclusion. Ils ont été aléatoirement assignés selon un ratio 1 :1 à deux groupes, pour recevoir pendant 12 mois soit un placebo, soit du lixisénatide sous-cutané quotidien à une dose initiale de 10 μg/j pendant 14 jours puis 20 μg/j sur le reste de la période.

L’objectif était d’évaluer l’effet du lixisénatide sur la progression du handicap moteur chez les participants. Le critère de jugement principal était donc le changement, entre l’inclusion et la fin du traitement, des scores sur l’échelle MDS-UPDRS-partie III (Movement Disorder Society-Unified Parkinson’s Disease Rating Scale). Dans cette échelle, les scores vont de 0 à 132 et les plus élevés indiquent un handicap moteur plus important. Le score moyen à l’inclusion était de 14,8 ± 7,3 dans le groupe lixisénatide et 15,5 ± 7,8 dans le groupe contrôle. Les critères de jugement secondaires comprenaient d’autres sous-scores MDS-UPDRS évalués à 6, 12 et 14 mois, ainsi que l’évolution du traitement dopaminergique en équivalent de doses de lévodopa.

Résultats : à 12 mois, les scores MDS-UPDRS-partie III avaient diminué de − 0,04 point dans le groupe traité par lixisénatide (indiquant une amélioration), alors qu’ils avaient augmenté de 3,04 points dans le groupe contrôle (indiquant une dégradation du handicap moteur). La différence entre les deux groupes était ainsi de 3,08 (IC95 % : 0,86 à 5,30 ; p = 0,007).

À 14 mois – soit après une période d’interruption de 2 mois – les scores moyens étaient respectivement de 17,7 (IC95 % : 15,7 à 19,7) et de 20,6 (IC95 % : 18,5 à 22,8), confirmant les bénéfices au-delà de l’arrêt du traitement. Les autres résultats relatifs aux critères d’évaluation secondaires ne différaient pas significativement entre les deux groupes.

Les effets indésirables étaient fréquents : la majorité des participants (86 % dans le groupe lixisénatide et 71 % dans le groupe contrôle) en ont rapporté au moins un. Les effets gastro-intestinaux étaient plus courants chez les patients traités par lixisénatide : 46 % ont rapporté des nausées (contre 12 % des contrôles), 13 % des vomissements (contre 3 %) et 8 % un reflux gastro-œsophagien (contre 1 %). Chez un peu plus d’un tiers des patients traités, la survenue d’EI mal tolérés pour la dose de 20 μg/j a conduit à réduire celle-ci à 10 μg/j. Enfin, l’incidence des EI graves était similaire dans les deux groupes (cinq participants dans chacun) ; seul un EI grave dans chaque groupe a été considéré comme lié au traitement (pancréatite dans le groupe lixisénatide et syncope dans le groupe placebo.

Des espoirs à confirmer

Ces résultats suggèrent que le traitement par lixisénatide pendant 12 mois peut ralentir la progression handicap moteur, comparé à un placebo, chez des patients atteints d’une maladie de Parkinson à un stade précoce. Cependant, la différence de scores sur le MDS-UPDRS, bien que statistiquement significative, était faible.

Comme le souligne le Dr David Standaert (neurologue à l’université de l’Alabama, États-Unis) dans un l’éditorial du NEJM accompagnant l’étude, « l’importance de ce résultat ne réside pas dans l’ampleur du changement, mais dans ce qu’il laisse espérer ». En effet, une amélioration de seulement 3 points du score moteur – si c’est bien là le maximum qu’on puisse atteindre avec cette molécule – limiterait l’intérêt d’un traitement par lixisénatide, notamment au regard de la fréquence des effets indésirables. En revanche, « si son bénéfice est cumulatif, permettant d’éviter une dégradation de 3 points supplémentaires chaque année sur une période de 5 à 10 ans voire plus, il pourrait s’agir d’un traitement véritablement transformateur  ».

Les résultats doivent ainsi être confirmés par des études de plus large ampleur (de phase III notamment) et un suivi plus long. 

Par ailleurs, l’utilisation de cette molécule n’est pas encore envisageable en pratique clinique : « Ce médicament n’est pas disponible sur le marché français et la politique actuelle de Sanofi est plutôt de le retirer du marché, ce qui complique évidemment le développement d’un projet visant à le commercialiser dans cette indication à moyen terme », précise le Pr Philippe Remy, neurologue à l’hôpital Henri-Mondor, Créteil. Le Dr Clémence Leung, neurologue à l’hôpital Pierre-Paul Riquet, précise que le lixisénatide ne sera disponible sur aucun marché d’ici à la fin de l’année 2024 (il n’est pas commercialisé en France et a été retiré de nombreux autres marchés en 2023) ; la forme qui restera disponible combine lixisénatide et insuline à visée anti-diabétique : « L’administration de cette formule combinée comporte le risque évident et inacceptable d’hypoglycémie chez des patients non diabétiques, interdisant son usage chez les parkinsoniens non diabétiques. » Elle déconseille ainsi toute utilisation hors-AMM en ce sens. « Nous travaillons actuellement avec le réseau français à la possibilité de mener une étude de phase III, mais cette initiative soulève des difficultés pratiques qu’il nous reste à résoudre, en particulier l’accès au médicament », indique-t-elle.

Pour en savoir plus
Meissner WG, Remy P, Giordana C, et al. Trial of Lixisenatide in Early Parkinson’s Disease  N Engl J Med 2024;390:1176-85.
Standaert DG. GLP-1, Parkinson’s Disease, and Neuroprotection. N Engl J Med 2024;390:1233-4.
À lire aussi :
Nobile C. Entretien avec le Pr Philippe Rémy. Maladie de Parkinson : des avancées !  Rev Prat (en ligne) 18 avril 2023.
Dossier Maladie de Parkinson, élaboré selon les conseils scientifiques du Pr Philippe Rémy.  Rev Prat 2018;68(5);501-22.
Leung C. Diagnostiquer une maladie de Parkinson.  Rev Prat Med Gen 2023;37(1078);285-9.
Martin Agudelo L. Parkinson : le tai-chi permet de ralentir sa progression.  Rev Prat (en ligne) 3 novembre 2023.
Nobile C. Tremblement : essentiel, parkinsonien, cérébelleux ? Rev Prat (en ligne) 13 janvier 2023.

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