Après une période de « lune de miel » où les agonistes dopaminergiques et/ou la lévodopa ont de bons résultats, des complications apparaissent chez plus de 50 % des parkinsoniens (fluctuations, dyskinésies), justifiant le recours à des traitements de seconde ligne : stimulation cérébrale profonde, pompe à apomorphine, pompe à gel de lévodopa/carbidopa. Synthèse des indications de chaque technique, contre-indications, avantages et inconvénients.
Selon les centres, le premier traitement de deuxième ligne à proposer en première intention est soit la stimulation cérébrale profonde, soit la pompe à apomorphine (v. tableau ci-dessous). La pompe à gel de lévodopa/carbidopa reste, pour la majorité des experts, un recours en cas de contre-indication, d’échec ou d’intolérance aux traitements précédents. Une pompe peut aussi être envisagée en cas de persistance de fluctuations et/ou de dyskinésies gênantes malgré une stimulation cérébrale profonde.
Stimulation cérébrale profonde
C’est l’implantation de deux électrodes profondes, une par hémisphère, reliées à un stimulateur placé sous la peau du thorax (comme d’autres pacemakers) ou parfois du ventre. La stimulation qui module l’activité des circuits moteurs exige un réglage très fin chez chaque patient. Une dizaine de jours d’hospitalisation sont nécessaires pour programmer le matériel et ajuster les doses de L-dopa. La période d’adaptation et de suivi rapprochés dure de 3 à 6 mois.
Le succès de la neuromodulation tient essentiellement à une sélection rigoureuse des patients par une équipe pluridisciplinaire. Pour espérer un bénéfice significatif sur les fluctuations motrices et les dyskinésies induites par la L-dopa, le malade doit garder une très grande sensibilité à ce médicament, c’est-à-dire obtenir un résultat clinique supérieur à 50 % d’amélioration au test pharmacologique. Il faut aussi que ses fonctions cognitives soient encore préservées (v. encadré ci-dessous). La stimulation cérébrale est un traitement chronique, son efficacité peut se maintenir au moins 5-10 ans.
Avec les restrictions instituées par la HAS, environ 10 % des parkinsoniens y sont éligibles.
Si les critères de sélection sont bien respectés, les résultats sont spectaculaires avec une amélioration de 40 à 65 % du score moteur de l’échelle UPRDS (Unified Parkinson Disease Rating Scale), et une réduction concomitante d’environ 50 % du traitement dopaminergique.
Cependant, les troubles axiaux (langage, marche, équilibre) ne sont pas ou peu améliorés par la neuromodulation. En revanche, celle-ci permet de mieux équilibrer le traitement, en réglant indépendamment les paramètres électriques des électrodes droite et gauche, pour rectifier l’asymétrie spontanée de la maladie. L’implantation a aussi l’avantage d’adapter la modulation thérapeutique à la progression inéluctable de la maladie.
Les effets indésirables sévères existent mais ils sont aujourd’hui plus rares, surtout au décours de l’implantation : hématome symptomatique (estimé à moins de 0,5 %), infection du matériel (entre 1 et 2 % selon les centres).
Du fait des fluctuations cliniques et de la finesse de la méthode, il est indispensable qu’une équipe experte accompagne au long cours les médecins et neurologues traitants pour assurer le meilleur suivi.
Pompe à apomorphine
L’apomorphine est un agoniste dopaminergique à brève durée d’action, inactivé lorsqu’il est donné per os, et disponible sous deux présentations : le chlorhydrate (Apokinon) ou le chlorhydrate hémihydraté (Dopaceptin). La pompe à apomorphine est utilisée soit comme premier traitement de deuxième ligne, soit en cas de contre-indication à la stimulation cérébrale profonde, de refus de la chirurgie, ou comme traitement d’attente si la chirurgie est retardée. Elle est mise en place lors d’une hospitalisation de semaine ou en ambulatoire si les conditions le permettent. Cette technique permet une perfusion sous-cutanée continue d’apomorphine dans la journée (12 à 16 heures) ou sur 24 heures. Elle s’instaure à doses progressives, en commençant par 0,5 ou 1 mg/h, et en augmentant le débit de 0,5 à 1 mg/h en fonction de l’efficacité et la tolérance. Les pompes, programmables, permettent jusqu’à trois changements de débit sur 24 heures. Il est possible de réaliser un bolus, en cas de période « off ». La dompéridone (30 mg/j) est prescrite afin de prévenir les nausées. Une infirmière libérale formée à la technique passe quotidiennement recharger la pompe, changer le site d’injection et surveiller la tolérance. Interviennent aussi un prestataire, l’infirmière coordinatrice d’un centre expert Parkinson (si possible) et le neurologue prescripteur.
L’efficacité a été prouvée dans différentes études. L’une d’elles, réalisée en double insu contre placebo, a montré une réduction du temps passé en « off », une augmentation du temps passé en « on » sans dyskinésies et une amélioration de la qualité de vie. Ces effets permettent de diminuer les traitements antiparkinsoniens pris par voie orale, et en priorité l’agoniste dopaminergique.
Les effets indésirables les plus fréquents sont communs à la classe des agonistes dopaminergiques : nausées, vomissements, hypotension orthostatique, somnolence diurne, hallucinations, confusion et troubles du contrôle des impulsions. Le développement de nodules sous-cutanés au site d’injection est une complication spécifique. Très rarement survient une anémie hémolytique ou une hyperéosinophilie (un hémogramme doit être réalisé avant traitement et quelques semaines après son instauration).
Les troubles cognitivo-comportementaux sévères avec troubles « psychotiques » sont la principale contre-indication de ce dispositif. En cas de troubles cognitifs légers, elle peut être en revanche proposée, mais en informant le patient et son entourage du risque de majoration de ces troubles et d’apparition d’hallucinations.
Pompe à gel de lévodopa/carbidopa : plus contraignante
Cette technique est réservée aux patients non éligibles à la stimulation cérébrale profonde et en cas de contre-indication, d’intolérance ou d’échec à l’apomorphine en perfusion sous-cutanée continue. Ce traitement nécessite la pose d’une gastrostomie sous anesthésie générale, reliée ensuite à une jéjunostomie. Le gel de lévodopa et de carbidopa (inhibiteur de la décarboxylase périphérique) est ainsi directement administré dans la partie haute du jéjunum (site d’absorption de la lévodopa). Le shunt de l’estomac permet d’éviter les effets de la vidange gastrique ralentie et imprévisible et de maintenir un niveau relativement stable des concentrations plasmatiques de lévodopa. Une hospitalisation est nécessaire pour la mise en place du dispositif et l’instauration du traitement. Le produit, contenu dans des cassettes, est délivré sur 12 heures (le jour) par une pompe à un seul débit, permettant de réaliser des bolus. La pompe est plus encombrante et plus lourde que celle utilisée pour l’apomorphine. À domicile, la technique nécessite l’intervention quotidienne d’une infirmière, en lien avec le prestataire et l’équipe du centre expert.
L’efficacité de cette méthode a été confirmée par une étude randomisée contrôlée en double insu, contre un traitement par lévodopa par voie orale : réduction du temps « off », augmentation du temps « on » sans dyskinésies et amélioration de la qualité de vie. Ce traitement permet de réduire et parfois d’arrêter les traitements antiparkinsoniens per os.
Les effets indésirables sont surtout liés au matériel : déplacement, désadaptation et infection de sonde. Il faut aussi noter la survenue possible de neuropathies subaiguës ou chroniques (environ 10 % des patients) par interaction de la dopa avec les vitamines du groupe B. Il est donc nécessaire de réaliser un bilan préthérapeutique comportant des dosages des vitamines B9 et B12 et un électroneuromyogramme de référence.
Les contre-indications principales sont les pathologies cardiovasculaires et les arythmies sévères.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
D’après :
Palfi S. Neurostimulation dans la maladie de Parkinson.Rev Prat Med Gen 2018;32(993);20-1.
Salhi H, Fénelon G. Maladie de Parkinson : traitements pharmacologiques de seconde ligne.Rev Prat Med Gen 2021;35(1059);350-2.