Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se définit par la présence d’obsessions (pensées envahissantes ou persistantes, ou besoin persistant, « urge » en anglais) et/ou de compulsions(comportements répétés destinés à apaiser une détresse reliée aux obsessions ou en réponse à un besoin ressenti).1 Ce trouble existe chez l’adulte comme chez l’enfant, et la majorité des patients souffrant de TOC débutent leur trouble pendant l’enfance ou l’adolescence.2 La prévalence du TOC chez l’enfant et l’adolescent serait comprise entre 0,1 et 11 % selon différentes estimations.3 Il semble en réalité que la prévalence la plus vraisemblable et la plus souvent retrouvée soit similaire à celle retrouvée chez l’adulte, soit environ 2 %.4 Cette valeur d’écart de prévalence pouvant aller jusqu’à 11 % peut provenir de la confusion liée aux symptômes obsessionnels compulsifs sans TOC associé, relativement fréquents chez l’enfant puisqu’ils toucheraient de 6 à 40 % des enfants,5, 6 et seraient ainsi plus fréquents que le trouble obsessionnel-compulsif constitué (v. infra).
Chez l’enfant, le TOC présente certaines particularités. Ainsi, bien souvent chez l’enfant, c’est un « besoin » ressenti qui est retrouvé plutôt qu’une obsession en bonne et due forme, c’est-à-dire sous forme de pensées envahissantes.

Différentes dimensions du TOC

Chez l’enfant et l’adolescent

Tout comme chez l’adulte, le TOC de l’enfant présente différentes dimensions. La définition des dimensions peut varier en fonction des auteurs et des études, mais sont classiquement retenues les suivantes : accumulation, symétrie, pensées interdites, contaminations.7 Chez l’enfant, il semble que la dimension la plus fréquente soit la symétrie, mais d’autres auteurs pointent plutôt la contamination et les pensées interdites.6 Même si cela n’est pas clairement établi, il semblerait que les jeunes enfants auraient plutôt des TOC de symétrie (portés par un besoin ou par des obsessions de type pensées magiques), et qu’à l’adolescence les dimensions rapportées se rapprochent de celles des adultes (contaminations, pensées interdites).

Cas particulier des pensées magiques

Compte tenu des différentes dimensions incluses selon les études et leur regroupement différent, il est difficile d’avoir une conclusion définitive concernant la dimension la plus fréquente chez l’enfant et l’adolescent. Les pensées magiques sont un bon exemple de la difficulté à distinguer clairement les différentes dimensions du TOC de l’enfant. Ainsi, les compulsions de symétrie peuvent être sous-tendues par des pensées magiques (« Si je n’aligne pas correctement mes livres, mes parents risquent de se faire renverser »). Elles peuvent également être classées dans les TOC d’« agressivité » (pensées interdites) si la crainte de faire du mal à autrui est retrouvée. Elles peuvent encore être classées dans une catégorie TOC « divers » parfois considérée, ou parfois dans une dimension propre « pensées magiques ».8 Finalement, il est difficile d’établir des clusters selon que l’on considère prioritairement l’obsession ou la compulsion.
Par ailleurs, en plus de la difficulté de classer correctement ces pensées magiques dans un cluster approprié et identique au travers des différentes études, il existe également une diffi­culté clinique. En effet, elles sont malheureusement encore régulièrement considérées comme des pensées délirantes du fait du manque de lien logique évident avec les compulsions, ce qui entraîne régulièrement une errance diagnostique. Il est important, dans le TOC comme dans d’autres pathologies, de considérer l’ensemble du tableau clinique du patient. Si des idées délirantes sans désorganisation ne sont pas suffisantes pour porter un diagnostic de schizophrénie, à l’inverse, des pensées magiques sans compulsion doivent conduire à une évaluation des diagnostics différentiels du TOC.

Particularités par apport au TOC de l’adulte

Concernant la comparaison avec l’adulte, il ressort assez clairement que la dimension de symétrie est plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte.9 Néanmoins, et encore une fois, cela se fonde principalement sur les compulsions présentées par l’enfant plus que par les obsessions qui peuvent les diriger.

Évolution dans le temps

Les dimensions présentées par les patients se révèlent être stables dans le temps.10 Si des changements apparaissent, ils interviennent souvent au sein de la même dimension :10 par exemple, un besoin de symétrie qui évolue d’une crainte « de se faire du tort » vers une crainte « de faire du tort à autrui ».

Différencier des symptômes obsessionnels compulsifs et un TOC constitué

Comme chez l’adulte, il est important de noter que, pour porter le diagnostic de TOC, il faut constater que ce trouble entraîne une détresse réelle chez l’enfant. Dans le cas particulier de l’enfant, cette détresse peut ne pas être ressentie par l’enfant du fait d’un défaut d’insight (prise de conscience du trouble) mais par la famille devant le temps considérable passé par l’enfant à réaliser ses compulsions.
Néanmoins, dans un certain nombre de cas, ces symptômes ne sont pas suffisants pour porter le diagnostic de TOC. Ainsi, un enfant peut avoir une tendance au rituel avant le coucher sans que cela soit source de détresse ou de perte de temps considérable. Des comportements de répétitions (environ 25 % des enfants de 2 ans ont de tels comportements plusieurs fois par jour) ou encore d’alignements (aligner ses jouets une à quinze fois par jour est présent chez environ 50 % des enfants de 2 ans) à la recherche d’un sentiment de « bien comme il faut » (chez environ 30 % des enfants de 2 ans) sont présents chez les jeunes enfants11 sans pour autant être pathologiques.
Enfin, bien que ces symptômes obsessionnels compulsifs constituent un facteur de risque de TOC, environ 90 % de ces patients ne développeront jamais un tel trouble.5

Comorbidités spécifiques au TOC de l’enfant

Comme chez l’adulte, différentes comorbidités peuvent être notées : dépression, consommation de toxiques, troubles anxieux, etc. Néanmoins, deux situations sont particulières à l’enfant, les tics et le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui peuvent également être trouvés chez l’adulte mais à moindre fréquence. Ces deux comorbidités peuvent faire suspecter l’aspect neurodéveloppemental de certains TOC de l’enfant.

Tics

Un spécificateur existe dans la 5e version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), qui consiste en la présence ou non de tics. Si cette considération nous intéresse, c’est que ce spécificateur est plus présent chez les enfants ayant des TOC (plus exactement, chez les patients ayant débuté leur TOC durant leur enfance).1 Ces patients sont plus souvent des garçons et débutent leur TOC plus tôt que les patients n’ayant jamais eu de tics.12 Entre 10 à 50 % des enfants ayant un TOC ont eu une histoire de tics (contre 5 % dans la population générale), quel que soit le degré de complexité ou le nombre de tics considéré.12 Il n’est pas clairement établi si ces patients ont certains types particuliers de TOC, les études étant assez contradictoires. De la même manière, il n’est pas clairement établi si ces patients ont une réponse particulière aux traitements. Néanmoins, cette comorbidité est à considérer lors du diagnostic en ce qu’il n’est pas toujours aisé de différencier TOC et tics complexes.

Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyper­activité (TDAH) touche environ 20 % des enfants souffrant de TOC contre 5 % de la population générale.13 Là encore, cette comorbidité est importante à considérer dans la prise en charge des patients. En effet, les difficultés présentées par le patient peuvent aussi être dues au TDAH, en particulier dans le cas des symptômes obsessionnels compulsifs sans TOC constitué. A contrario, chez les patients ayant des difficultés attentionnelles, celles-ci peuvent être la conséquence uniquement du TOC sans forcément de TDAH associé. Il convient ainsi de reprendre avec attention l’histoire développementale de ces patients avec comorbidités.

Une prise en charge la plus rapide possible

La prise en charge des TOC de l’enfant ne diffère pas de celle de l’adulte. La thérapie cognitive et comportementale ainsi que la pharmacothérapie sérotoninergique y ont toute leur place. Il est indispensable ici de noter que plus tôt le TOC est pris en charge de façon correcte, meilleur sera le pronostic.14 Il faut rappeler que le TOC est considéré comme la 10e maladie la plus handicapante au monde, comptant pour 2,2 % des années vécues avec un handicap dans l’ensemble de la population mondiale.15 Ainsi, il est important d’orienter rapidement de tels patients vers des consultations spécialisées.

Déculpabiliser les parents

Le TOC de l’enfant est ainsi une pathologie relativement fréquente et peut se révéler difficile à prendre en charge. Elle entraîne un handicap certain chez les patients pédiatriques, avec bien souvent une déscolarisation, un isolement et des conflits familiaux. Une prise en charge rapide, adaptée auprès de spécialistes à même de considérer l’ensemble des comorbidités et à l’aise avec la pharmacothérapie est essentielle pour éviter ces complications. Il est enfin essentiel de pouvoir déculpabiliser aussi bien le patient que les parents trop souvent culpabilisés dans ce trouble (comme d’ailleurs dans d’autres troubles en psychiatrie de l’enfant).
Références
1. American Psychiatric Association, et American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-V. 5th ed. Washington (DC): American Psychiatric Association, 2013.
2. Anholt GE, Aderka IM, van Balkom AJLM, et al. Age of onset in obsessive-compulsive disorder: admixture analysis with a large sample. Psychol Med 2014;44:185‑94.
3. Jaisoorya TS, Janardhan Reddy YC, Thennarasu K, et al. 2015. An epidemological study of obsessive compulsive disorder in adolescents from India. Compr Psychiatry 2015;61:106‑14.
4. Stein DJ, Costa DLC, Lochner C, et al. 2019. Obsessive-compulsive disorder. Nat Rev Dis Primers 2019;5:52.
5. Barzilay R, Patrick A, Calkins ME, et al. Obsessive-compulsive symptomatology in community youth: typical development or a red flag for psychopathology? J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2019;58:277-86.
6. de Souza VA, Rodrigues L, Wendt G, et al. Obsessive-compulsive symptoms and obsessive-compulsive disorder in adolescents: a population-based study. Braz J Psiquiatry 2014;36:111‑8.
7. Bloch MH, Landeros-Weisenberger A, Rosario MC, et al. Meta-analysis of the symptom structure of obsessive-compulsive disorder. Am J Psychiatry 2008;165:1532‑42.
8. Bejerot S, Edman G, Anckarsäter H, et al. The brief obsessive-compulsive scale (BOCS): a self-report scale for OCD and obsessive-compulsive related disorders. Nordic J Psychiatry 2014;68:549‑59.
9. Grover S, Sarkar S, Gupta G, et al. 2018. Factor analysis of symptom profile in early onset and late onset OCD. Psychiatry Res 2018;262:631‑5.
10. Fernández de la Cruz L, Micali N, Roberts S, et al. Are the symptoms of obsessive-compulsive disorder temporally stable in children/adolescents? A prospective naturalistic study. Psychiatry Res 2013;209:196‑201.
11. Leekam S, Tandos J, McConachie H, et al. Repetitive behaviours in typically developing 2-year-olds. J Child Psychol Psychiatry 2007;48:1131‑38.
12. Conelea CA, Walther MR, Freeman JB, et al. Tic-related obsessive-compulsive disorder (ocd): phenomenology and treatment outcome in the pediatric OCD treatment study II ». J Amn Acad Child Adolesc Psychiatry 2014;53:1308‑16.
13. Ivarsson T, Melin K, Wallin L. Categorical and dimensional aspects of co-morbidity in obsessive-compulsive disorder (OCD). Eur Child Adolesc Psychiatry 2008;17:20‑31.
14. Albert U, Barbaro F, Bramante S, et al. Duration of untreated illness and response to SRI treatment in obsessive-compulsive disorder. Eur Psychiatry 2019;58:19‑26.
15. World Health Organisation and OCD. OCD, who, where? https://www.ocduk.org/ocd/world-health-organisation/ ou https://bit.ly/2YXcZIe

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