Pour certains salariés, le retour au travail présentiel peut être source d’angoisse, après plus d’un an de télétravail – total d’abord, intermittent ensuite. Pour les patients qui appréhendent le retour permanent « à la normale », quelles démarches possibles ? Qui peut bénéficier d’un certificat d’isolement ? Les réponses du Dr Audrey Fontenoy, médecin du travail.

 

Est-ce un phénomène fréquent encore aujourd’hui ? Qui est concerné ?

La crainte du travail présentiel s’est particulièrement manifestée en juin 2021, lorsque l’assouplissement des mesures gouvernementales a permis aux entreprises d’organiser définitivement le retour sur site. Celui-ci a pu s’accompagner d’angoisses, anxiété et appréhension chez certains salariés qui, confrontés au début de façon brutale au télétravail, avaient dû rapidement s’adapter et avaient défini un nouveau cadre de travail qu’il a donc été tout aussi difficile de devoir quitter ensuite, près d’un an après.

Outre la recherche d’un nouvel équilibre entre vie privée et professionnelle qu’imposait ce retour (remettre en place une organisation, se réhabituer aux temps de trajets souvent longs, etc.), la peur du risque de contamination – au bureau, dans les transports en commun – contribuait à cette crainte parfois très importante vis-à-vis du présentiel.

Les situations étaient certes très diverses, selon les postes de travail et la possibilité de réaliser tout ou partie de ses activités à distance, mais cette crainte pouvait facilement prendre le dessus, même si l’envie de retrouver un collectif de travail était souvent forte.

Aujourd’hui, elle n’est plus aussi grande ; la vaccination, qui a bien avancé depuis le mois de juin, a largement contribué à rassurer certains salariés…

Quelles réponses apporter à un patient en détresse face à l’idée du retour au présentiel ?

Sur ce point, et de façon générale lorsqu’il y a des difficultés liées au travail, le lien entre médecin traitant et médecin du travail est capital. Rappeler donc, tout d’abord, que chaque salarié peut à tout moment demander à rencontrer ce dernier : c’est très important, car il connaît les particularités des conditions de travail dans chaque entreprise.

Soulignons ensuite l’importance de l’accompagnement, individuel et collectif au sein de l’entreprise : la communication sur les mesures de prévention mises en place, l’écoute et la vigilance envers les salariés exprimant une difficulté et les aménagements des postes de travail sont autant de facteurs qui permettent une reprise plus facile d’activité sur site.

Les entreprises peuvent enfin mettre en place des comités de suivi pluridisciplinaire, qui permettent également d’ajuster les modalités du retour au travail présentiel. Dans certaines d’entre elles, des permanences avec des psychologues du travail sont aussi assurées.

Et si le patient demande un certificat pour rester en télétravail ?

Cela dépend bien sûr des motifs et de la situation de chaque patient, mais avant de se précipiter à établir un certificat quelconque, le médecin traitant peut échanger avec le médecin du travail par l’intermédiaire du patient pour connaître les aménagements possibles en fonction de l’état de santé et des besoins de celui-ci.

Après, pour quelqu’un qui serait déjà en arrêt, il existe ce qu’on appelle une visite de préreprise. Elle peut se faire à la demande du salarié, du médecin traitant ou du médecin-conseil de la Sécurité sociale (c’est-à-dire qu’elle ne peut pas être imposée), si le salarié pressent une difficulté à reprendre son emploi en raison de son état de santé. Elle est d’ailleurs mal nommée – ce qui peut effrayer le patient – car cela ne veut pas dire que la reprise est imminente ! En réalité, il peut en bénéficier même si sa date de reprise n’est pas encore fixée, son objectif étant simplement de l’organiser au mieux.

Dans tous les cas, on le voit bien, le lien avec le médecin du travail est crucial…

Quels patients peuvent bénéficier d’un certificat d’isolement ?

Les certificats d’isolement (et la mise en place de l’activité partielle) ne concernent qu’une petite partie des salariés. Un nouveau décret, paru le 8 septembre 2021 (applicable dès le 27 septembre), fixe une nouvelle liste de critères définissant les personnes vulnérables susceptibles de bénéficier de ces mesures. Trois catégories de salariés sont identifiées dans ce décret :

1. Les salariés vulnérables répondant aux 3 critères cumulatifs suivants :

– avoir un facteur de risque de forme grave de Covid (v. liste ci-dessous*) ;

– être affectés à un poste de travail susceptible de les exposer à de fortes densités virales ;

– ne pas pouvoir ni recourir totalement au télétravail ni bénéficier de mesures de protection renforcées (isolement du poste de travail, adaptation des horaires, respect de gestes barrières renforcés, désinfection systématique du poste, mise à disposition de masques chirurgicaux en nombre suffisant…).

2. Salariés sévèrement immunodéprimés répondant aux 2 critères cumulatifs suivants :

– être dans l’une des situations suivantes : transplantés d’organes solides ou de cellules souches hématopoïétiques ; patients sous chimiothérapie lymphopéniante ; traités par des médicaments immunosuppresseurs forts, comme les antimétabolites (mycophénolate mofétil [Cellcept, Myfortic], azathioprine [Imurel]) et les anti-CD20 (rituximab [Mabthera, Rixathon, Truxima]) ; dialysés chroniques ; et, au cas par cas, les personnes sous immunosuppresseurs ne relevant pas des catégories susmentionnées ou porteuses d’un déficit immunitaire primitif ;

– ne pas pouvoir recourir totalement au télétravail.

3. Au cas par cas, les salariés répondant aux 3 critères cumulatifs suivants :

– avoir un facteur de risque de forme grave de Covid (v. liste ci-dessous*) ;

– justifier, par la présentation d’un certificat médical, d’une contre-indication à la vaccination (v. liste sur ce lien) ;

– ne pas pouvoir recourir totalement au télétravail.

Ces critères doivent être appréciés par un médecin qui établit un certificat. Le placement en activité partielle est donc effectué à la demande du salarié sur présentation de ce certificat.

En revanche, l’employeur peut très bien estimer que le poste de travail occupé par le salarié demandeur n’expose pas celui-ci à un danger particulier vis-à-vis du Covid ; il peut alors saisir le médecin du travail. Dans l’attente de cet avis, le salarié est tout de même placé en activité partielle.

Propos recueillis par Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus

Covid-19 : les personnes vulnérables doivent demander un nouveau certificat d’isolement. Ameli.fr, 15 septembre 2021.

*Facteurs de risque de forme grave de Covid : 
o âge ≥ 65 ans ;
o pathologies cardiovasculaires : HTA compliquée (complications cardiaques, rénales et vasculocérébrales…) ; antécédent d’AVC, de chirurgie cardiaque ou de coronaropathie ; insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
o diabète de types 1 et 2, non équilibré ou avec complications ;
o pathologies respiratoires chroniques : BPCO, insuffisance respiratoire, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose ;
o insuffisance rénale chronique sévère ; 
o cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
o obésité avec IMC ≥ 30 ;
o immunodépression congénitale ou acquise : médicamenteuse (traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive, chimiothérapie anticancéreuse) ; infection par le VIH non contrôlée ou avec CD4 < 200/mm; consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ; liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;
o cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ; 
o syndrome drépanocytaire majeur ou antécédent de splénectomie ;
o grossesse (3e trimestre) ;
o maladies du motoneurone, myasthénie grave, SEP, Parkinson, paralysie cérébrale, quadriplégie ou hémiplégie, tumeur maligne primitive cérébrale, maladie cérébelleuse progressive ou maladie rare ;
o trisomie 21.