Diverses zoonoses peuvent être transmises par les morsures ou griffures d’animaux domestiques. Si la rage est bien connue, son risque est quasi nul en France, alors que d’autres infections sont bien plus fréquentes et à connaître en MG. Quand évoquer une pasteurellose d’inoculation ? Comment la distinguer d’une maladie des griffes du chat ? Quelle prise en charge de ces zoonoses fréquentes et quelles mesures de prévention ?

On estime à 500 000 le nombre de morsures et griffures survenant chaque année en France : indépendamment de leur gravité « mécanique », elles sont associées à un risque de transmission d’une infection zoonotique. La grande majorité est le fait d’animaux familiers (présents dans près d’un foyer sur deux), en particulier un chien ou un chat, parfois de nouveaux animaux de compagnie comme le furet et les rongeurs. Outre l’animal mordeur ou griffeur, le risque infectieux découle aussi de la sensibilité spécifique des victimes (immunodépression notamment).

Rage : risque quasi nul en France

Transmise par morsure, griffure ou parfois léchage, la rage est la zoonose la plus connue et la plus grave : elle provoque, chez l’homme comme chez l’animal, une encéphalite irrémédiablement mortelle. La salive est le principal émonctoire du virus, qui y est excrété dans les 12 jours qui précèdent l’apparition des premiers signes cliniques. De nombreuses espèces animales peuvent transmettre la maladie, soit en tant que réservoir (certains carnivores, comme le chien ou le renard en Europe, et des chauves-souris), soit en tant qu’hôte accidentel (singes, par exemple).

La France, comme les autres pays de l’Union européenne, est aujourd’hui indemne de rage canine. Le risque d’exposition est limité à quelques animaux illégalement introduits (non vaccinés et sans garantie sanitaire) depuis des territoires infectés. La rage vulpine, en voie d’éradication, ne persiste aujourd’hui qu’en Bulgarie, Croatie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie. Cette situation sanitaire favorable ne doit pas faire oublier que de nombreux cas humains mortels sont dénombrés quotidiennement dans le monde, notamment en Afrique et en Asie, où le virus de la rage se maintient, en particulier dans les populations de chiens errants.

Pasteurellose : potentiellement grave

Bien plus fréquentes sont les zoonoses résultant de l’inoculation de bactéries commensales faisant partie de la flore buccale des animaux, qui sont en général des porteurs sains.

Transmise par des carnivores (ou parfois des petits rongeurs) domestiques, la pasteurellose est l’une des zoonoses les plus communes.

Elle est due principalement à Pasteurella multocida  : plus de 85 % des chats hébergent cette bactérie dans leur cavité buccale (ou se contaminent les griffes lors de la toilette) ; elle constitue plus de la moitié des cas de pasteurellose d’inoculation transmise par cet animal. D’autres espèces, comme P. dagmatis, P. canis ou P. stomatis, isolées notamment chez le chien, sont aussi incriminées.

Inflammation d’apparition rapide

La morsure (ou la griffure) provoque en quelques heures (3 - 6 h) une plaie inflammatoire, avec un œdème (fig. 1 et fig. 2) et des douleurs locales pouvant irradier le long du membre. En l’absence de traitement, une lymphangite et des adénopathies satellites peuvent apparaître, avec une évolution possible vers une arthrite aiguë ou une ostéite responsables de séquelles fonctionnelles.

Prise en charge

En règle générale, l’affection régresse facilement chez un sujet immunocompétent, sous antibiothérapie précoce. Les pasteurelles sont sensibles à la pénicilline G, l’amoxicilline, les fluoroquinolones et aux céphalosporines de troisième génération.

Le respect des consignes d’hygiène générale est le socle de la prévention (ci-dessous).

La pasteurellose n’est pas une maladie à déclaration obligatoire mais fait partie des maladies professionnelles indemnisables.

Diagnostics différentiels

Présentes en particulier dans la cavité buccale du chien, d’autres bactéries commensales, telles que Neisseria animaloris et N. zoodegmatis, N. weaveri, Weeksella zoohelcum, Capnocytophaga cynodegmi et C. canimorsus, peuvent causer des infections localisées (cellulite) évoquant une pasteurellose.

La bactérie C. canimorsus se distingue néanmoins des autres en exposant parfois les sujets, infectés à la suite d’une morsure (ou léchage de plaie) par un chien, à des complications générales graves (septicémie avec choc septique, détresse respiratoire, insuffisance rénale, coagulation intravasculaire disséminée avec purpura…). Ces tableaux, très rares, surviennent en majorité chez des immunodéprimés, en particulier des patients splénectomisés (la moitié des cas décrits), leucémiques, éthyliques ou sous corticothérapie.

Par ailleurs, il faut différencier la pasteurellose de la maladie des griffes du chat, qui se manifeste par une réaction érythémateuse, une fièvre modérée et une adénopathie habituellement unique 2 à 3 semaines après griffure (ci-dessous).

Maladie des griffes du chat

Due à une bactérie intracellulaire facultative, Bartonella henselae (parfois à B. clarridgeiae), la maladie des griffes du chat, ou lymphoréticulose bénigne d’inoculation, touche habituellement les enfants et les adultes jeunes. 

Les chats, surtout les chatons, sont le principal réservoir : jusqu’à 53 % peuvent être porteurs. En plus d’une transmission possible par morsure ou griffure, la puce (Ctenocephalides felis) joue un rôle majeur dans la contamination du chat : elle élimine l’agent dans ses déjections, contaminant le pelage de l’animal ; le chat contamine ses griffes pendant sa toilette.

Sept cas sur 10 de maladie des griffes du chat surviennent après une griffade et 1 cas sur 10 après une morsure de chat. Un simple contact (caresse, embrassade) peut également permettre la contamination d’une plaie cutanée ou muqueuse.

Une adénopathie unilatérale

Elle s’exprime généralement, au bout de 2 à 3 semaines, par une adénite superficielle et unilatérale (fig. 3) localisée dans le territoire de drainage du point d’inoculation (souvent axillaire, ou cervicale chez les enfants). Dans 50 % des cas, une rougeur apparaît au niveau de la plaie 3 à 10 jours après l’inoculation Des signes généraux discrets sont possibles : fébricule, asthénie, céphalées, douleurs abdominales.

Une forme oculo-ganglionnaire est observée dans 10 % des cas, chez des sujets s’étant frottés l’œil après avoir caressé un chat.

L’évolution est toujours lente : les adénopathies peuvent persister 2 à 4 mois avant résolution spontanée ou évoluer dans 10 % des cas vers la suppuration, voire la fistulisation, avec écoulement purulent.

La maladie est généralement bénigne chez les immunocompétents. Chez les immunodéprimés, elle peut entraîner une angiomatose bacillaire cutanée (lésions granuleuses pourpres surélevées) ou hépatique. Attention : chez les patients atteints de valvulopathie, il y a un risque d’endocardite infectieuse à hémocultures négatives.

Pour confirmer le diagnostic, la sérologie est recommandée en première intention, mais sa négativité n’élimine pas le diagnostic (test peu sensible). En cas de doute, adresser en chirurgie pour une cytoponction avec PCR.

Les bêtalactamines étant inefficaces, l’échec d’une première antibiothérapie est un élément évocateur supplémentaire.

Traitement : peu codifié

En raison du caractère intracellulaire et de la culture difficile de B. henselae, on dispose de peu de données sur sa sensibilité aux antibiotiques. Les données efficacité ne sont pas concluantes et, pour certains, les symptômes seraient dus principalement à la réponse immunitaire de l’hôte.

Ainsi, en raison de son caractère bénin, un traitement symptomatique avec surveillance clinique se justifie en l’absence de complication. En cas d’adénopathies sévères ou d’immunosuppression, une antibiothérapie est envisageable : azithromycine per os 500 mg un jour puis 250 mg/j pendant 4 jours chez l’adulte (10 mg/kg puis 5 mg/kg/j durant 4 jours chez l’enfant < 45 kg). Les formes suppurées nécessitent parfois une ou plusieurs ponctions-aspirations de pus à l’aiguille.

Prévenir avant tout !

Pour prévenir ces zoonoses, voici les règles à rappeler aux patients :

  • Se laver les mains (eau + savon) systématiquement après contact avec l’animal ou ses déjections.
  • Ne pas se frotter les yeux après contact avec des animaux.
  • En cas de griffure ou morsure :
    • Bien laver la peu à l’eau et au savon, même s’il s’agit d’une petite griffure.
    • Surveiller la zone.
  • Si une rougeur, une inflammation ou une adénopathie apparaît dans les heures ou les semaines qui suivent, consulter rapidement un médecin.

Pour en savoir plus
Ganière JP. Risque de zoonoses par morsures et griffures animales.  Rev Prat 2019;69(3):320-3.
Bourée P, Slama D, Salmon D. Pasteurellose.  Rev Prat Med Gen 2021;35(1056):185-6.
Garnier C, Debard A, Delobel P, et al. Maladie des griffes du chat : du nouveau ?  Rev Prat Med Gen 2018;32(1008):699.
CMIT. Item 173. Zoonoses. ECN Pilly 2023.
CMIT, SFMTSI, SPILF, et al. Bartonelloses. ePILLY Trop. 2022.
Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Clinical Guidance for Bartonella henselae. 15 mai 2024.

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