Cette pathologie est à la frontière de plusieurs spécialités. Le revêtement étant un épithélium malpighien de type cutané, ses possibles dermatoses – inflammatoires, tumeurs bénignes ou malignes – sont du ressort du dermatologue. Comme le reste de la peau, la vulve peut être le siège des premières manifestations d’une pathologie sous-jacente (digestive, hématologique…) et concerne donc d’autres spécialistes. Le gynécologue, en première ligne pour l’examen clinique, détecte de nombreuses infections génitales siégeant sur la vulve. Enfin, les affections vulvaires ont souvent un retentissement sexologique et une approche psychosexuelle complémentaire aux soins est souvent très utile.
Le médecin généraliste, lui, prend en charge les pathologies infectieuses et dermatologiques courantes (candidoses, vaginoses, condylomes, lichen scléreux [LS], psoriasis…). Principal motif de recours au dermatologue : la biopsie vulvaire à visée diagnostique et pour éliminer une néoplasie (tableau 1). Les dermatologues travaillent avec des laboratoires d’anatomopathologie spécialisés dans cette discipline, ce qui apporte une expertise supplémentaire face à des résultats histologiques difficiles à interpréter.

Lichen scléreux

Son diagnostic est clinique si la forme est typique. Affectant 1 jeune fille sur 900 et 1 femme âgée sur 30, il se manifeste le plus souvent après la ménopause (vers 55 ans). C’est la plus fréquente des dermatoses à localisation vulvaire (il touche aussi la petite fille). Classiquement prurigineux, il peut être asymptomatique dans 30 % des cas. Les aspects cliniques sont très variés : seule la blancheur est un élément constant.
Dans la forme typique, on observe sur les versants internes de la vulve (petites lèvres, espaces interlabiaux, capuchon clitoridien) une coloration blanche, brillante, nacrée, à bords bien limités, classiquement bilatérale et symétrique et une atrophie variable des reliefs vulvaires : effacement des petites lèvres, encapuchonnement du clitoris (respectant le vagin) [fig. 1]. Les fissures, douloureuses, sont un motif fréquent de consultation. Le périnée est très souvent atteint ainsi que la peau péri-anale.
Principaux diagnostics différentiels : la fréquente atrophie/dépigmentation postménopausique (seuls le traitement d’épreuve à base de crèmes hydratantes/estrogéniques et/ou la biopsie peuvent les différencier) ; le vitiligo – simple dépigmentation asymptomatique sans altération de la qualité de la muqueuse ni des reliefs vulvaires (aucun traitement n’est requis) – et le lichen plan, beaucoup plus rare.
On traite alors d’emblée : application de dermocorticoïdes de classe très forte (propionate de clobétasol), forte (dipropionate de bétaméthasone) en crème ou en pommade, 1 fois par jour pendant 1 à 3 mois puis 2 à 3 fois par semaine en continu (en moyenne un tube de 10 g par mois).1
Une biopsie est nécessaire d’emblée si :
– forme atypique cliniquement (unilatérale, minime, épaisse…) ;
– aspect tumoral (fig. 2) ;
– suspicion de lésion précancéreuse, appelée VIN (Vulva Intraepithelial Neoplasia) -différenciée (dVIN) : plaque blanche/rouge épaisse ou ulcération chronique. Ces précurseurs directs de cancer ont un temps moyen de progression de 2 ans (5 mois-10 ans). On les retrouve dans 80 % des carcinomes épidermoïdes sur lichen scléreux. Traitement : exérèse chirurgicale préventive.
Une biopsie est nécessaire en cours de thérapeutique ou de surveillance si de telles lésions apparaissent.
Le dermatologue peut être consulté si : résistance à la thérapeutique, érythème développé sur le LS (candidose, dermite aux corticoïdes, hémorragie sous-épithéliale… [tableau 2]).

Lésions de haut grade HPV induite

Ex-VIN classique (et ex maladie de Bowen), leur risque de progression vers un carcinome épidermoïde invasif est de 9 % (entre 1 et 8 ans) en l’absence de thérapie, mais reste de 3 % sous traitement (surveillance à vie indispensable).2 D’autre part, le carcinome est occulte dans environ 12 % des cas.
C’est pourquoi toute suspicion d’une telle affection impose une biopsie en milieu gynécologique ou dermatologique (et faire frottis cervico-vaginal puis colposcopie si nécessaire) avant traitement médical par imiquimod ou exérèse chirurgicale selon l’avis du spécialiste
La biopsie d’une plaque blanc/rosé épaisse (appelée leucoplasie) peut également révéler un lichen scléreux, un lichen plan ou un psoriasis.
Une lésion pigmentée peut finalement témoigner d’un nævus ou d’un mélanome. Elles sont moins à risque que les lésions uniques et leur traitement sera initialement médical (imiquimod).

Lésions pigmentées : biopsier

Les pigmentations vulvaires sont asymptomatiques dans 84 % des cas. Le problème est l’absence de corrélation anatomoclinique : toute pigmentation vulvaire doit être biopsiée. Une lésion unique petite ou moyenne peut bénéficier d’une biopsie-exérèse d’emblée si possible afin d’éliminer un mélanome (rare mais de diagnostic clinique difficile) ou une lésion HPV induite. En cas de multiples localisations : chercher une dermatose sous-jacente (si LS, les pigmentations sont essentiellement post-inflammatoires donc bénignes). En l’absence de cette dermatose, une biopsie systématique est nécessaire.
Elle retrouve des pigmentations totalement bénignes (lentigos, mélanose) dans 47-56 %, des nævus dans 18-24 % des cas, d’autres diagnostics et très rarement un mélanome.
Le mélanome (fig. 5) représente 5-10 % des cancers vulvaires et 3-5 % des mélanomes de la femme. Son diagnostic est souvent tardif, et la survie à 5 ans de seulement 20-54 %

Encadre

1. Lésion vulvaire de haut grade HPV-induite ou HSIL*

blanc (fig. 8), rouge, pigmenté

la lésion n’est pas plane (papules)

bien limités

asymétrique (unifocale ou multifocale ; fig. 9)

lésion surélevée + bords à pic + surface irrégulière

* High grade Squamous Intraepithelial Lesion

Encadre

2. Taches pigmentées de la vulve : que redouter ?

 

– Naevus

– Lentigo

– Lésion HPV (condylome, haut grade)

– Kératose séborrhéique

– Angiome

– Kyste mucoïde

– Mélanome

– Mélanose

– Lentigos

– Nævus

– Lésion HPV (condylome, haut grade)

– Dermatoses pigmentogènes (LS, LP, vitiligo) post-inflammatoires

– Ethnique

Références

1. Lee A, Fischer G. Diagnosis and Treatment of Vulvar Lichen Sclerosus: An Update for Dermatologists. Am J Clin Dermatol 2018;19:695-706.
2. Lebreton M, I Carton I, Brousse S, et al. Vulvar intraepithelial neoplasia: Classification, epidemiology, diagnosis, and management. J Gynecol Obstet Hum Reprod 2020;49:101801.
3. Murzaku EC, Penn LA, Hale CS, Pomeranz MK, Polsky D. Vulvar nevi, melanosis, and melanoma: an epidemiologic, clinical, and histopathologic review. J Am Acad Dermatol 2014;71:1241-9.
4. Clancy AA, Spaans JN, Weberpals JJ. The forgotten woman’s cancer: vulvar squamous cell carcinoma (VSCC) and a targeted approach to therapy. Ann Oncol 2016;27:1696-705.

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essentiel

Le médecin généraliste prend en charge : candidoses, vaginoses, condylomes, lichen scléreux, psoriasis.

Biopsie systématique si plaque épaisse persistante (blanche ou rouge ou pigmentée), ulcération durable et/ou indurée, pigmentation isolée unique, aspect tumoral.

Les cancers vulvaires, rares, sont surtout des carcinomes épidermoïdes.