D’après : De Belilovsky C. Pathologie vulvaire : quand adresser au dermatologue ? Rev Prat Med Gen 2020;43(1052);887-9.
La pathologie vulvaire se situe à l’interface de plusieurs spécialités (dermatologie, gynécologie…).
Le médecin généraliste prend en charge les pathologies infectieuses et dermatologiques courantes (candidoses, vaginoses, condylomes, lichen scléreux, psoriasis…). L’examen vulvaire repose sur une check-list à visée diagnostique (tableau 1). Le principal motif de recours au dermatologue est la nécessité de réaliser une biopsie vulvaire pour éliminer une néoplasie.
Lichen scléreux : un suivi à vie
C’est la plus fréquente des dermatoses à localisation vulvaire. Affectant 1 jeune fille sur 900 et 1 femme âgée sur 30, il se manifeste le plus souvent après la ménopause (vers 55 ans). Classiquement prurigineux, il peut être asymptomatique dans 30 % des cas. Les aspects cliniques sont très variés : seule la blancheur est un élément constant.
Dans la forme typique, son diagnostic est clinique : on observe sur les versants internes de la vulve (petites lèvres, espaces interlabiaux, capuchon clitoridien) une coloration blanche, brillante, nacrée, à bords bien limités, classiquement bilatérale et symétrique et une atrophie variable des reliefs vulvaires : effacement des petites lèvres, encapuchonnement du clitoris respectant le vagin (fig. 1). Les fissures, douloureuses, sont fréquentes. Le périnée est très souvent atteint, ainsi que la peau périanale.
Trois principaux diagnostics différentiels : l’atrophie/dépigmentation postménopausique (seuls le traitement d’épreuve à base de crèmes hydratantes/estrogéniques et/ou la biopsie peuvent les différencier) ; le vitiligo, simple dépigmentation asymptomatique sans altération de la qualité de la muqueuse ni des reliefs vulvaires (aucun traitement n’est requis) ; le lichen plan, beaucoup plus rare.
La prise en charge repose sur l’application de dermocorticoïdes de classe très forte (propionate de clobétasol) ou forte (dipropionate de bétaméthasone) en crème ou en pommade, 1 fois par jour pendant 1 à 3 mois ; les récidives étant très fréquentes (50 % à 16 mois et 84 % à 4 ans), un traitement d’entretien est souvent recommandé, à raison de 2 à 3 fois par semaine, en continu à vie (en moyenne un tube de 10 g par mois).1 Une surveillance annuelle est recommandée.
Une biopsie est nécessaire si :
– forme atypique cliniquement (unilatérale, minime, épaisse…) ;
– aspect tumoral (fig. 2) ;
– suspicion de lésion précancéreuse, appelée VIN (Vulva Intraepithelial Neoplasia) de type différencié (dVIN) : plaque blanche/rouge épaisse ou ulcération chronique. Ces précurseurs directs de cancer ont un temps moyen de progression de 2 ans (5 mois-10 ans). Une exérèse chirurgicale préventive est indiquée. En effet, deux tiers des carcinomes épidermoïdes invasifs se développent sur un lichen scléreux, et en particulier sur ceux qui ont cet aspect de lésion à risque (cependant, moins de 5 % des lichens scléreux se « cancérisent »).
Le dermatologue peut être consulté en cas de doute diagnostique, résistance au traitement, évolution inattendue (rougeur, irritation récidive rapide), érythème développé sur le lichen scléreux comme une candidose, dermite aux corticoïdes, hémorragie sous-épithéliale… (tableau 2).
Lésions de haut grade HPV-induites ou HSIL*
Le risque de progression de ces lésions vers un carcinome épidermoïde invasif est de 9 % (entre 1 et 8 ans) en l’absence de thérapie, mais reste de 3 % sous traitement (surveillance à vie indispensable).2 Par ailleurs, le carcinome est occulte dans environ 12 % des cas.
C’est pourquoi toute suspicion d’une HSIL impose une biopsie en milieu gynécologique ou dermatologique (et faire frottis cervico-vaginal puis colposcopie si nécessaire) avant traitement médical par imiquimod ou exérèse chirurgicale selon l’avis du spécialiste.
Aspect clinique évocateur :
- lésion blanche (fig. 3), rouge ou pigmentée ;
- la lésion n’est pas plane (papules) ;
- bien limitée ;
- asymétrique (unifocale ou multifocale ; fig. 4) ;
- lésion surélevée + bords à pic + surface irrégulière.
Lésions pigmentées : toujours biopsier
Les pigmentations vulvaires sont asymptomatiques dans 84 % des cas. En raison de l’absence de corrélation anatomoclinique, toute pigmentation vulvaire doit donc être biopsiée (encadré).
Une lésion unique petite ou moyenne peut bénéficier d’une biopsie-exérèse d’emblée si possible afin d’éliminer un mélanome (rare mais de diagnostic clinique difficile) ou une lésion HPV-induite.
En cas de multiples localisations : chercher une dermatose sous-jacente (si lichen scléreux, les pigmentations sont essentiellement post-inflammatoires donc bénignes) ; en l’absence de cette dermatose, une biopsie systématique est nécessaire.
Elle retrouve des pigmentations totalement bénignes (lentigos, mélanose) dans 47-56 %, des nævus dans 18-24 % des cas, d’autres diagnostics et très rarement un mélanome.
Le mélanome (fig. 5) représente 5-10 % des cancers vulvaires et 3-5 % des mélanomes de la femme.
Qu’en retenir ?
Une biopsie est systématique devant une plaque épaisse persistante (blanche ou rouge ou pigmentée), une ulcération durable et/ou indurée, une pigmentation isolée unique, un aspect tumoral.
Les cancers vulvaires, rares, sont surtout des carcinomes épidermoïdes (85-90 % des cas) : deux tiers se développent sur lichen scléreux, un tiers sur les lésions de haut grade HPV-induites.
Pigmentation unique
– Naevus
– Lentigo
– Lésion HPV (condylome, haut grade)
– Kératose séborrhéique
– Angiome
– Kyste mucoïde
– Mélanome
Pigmentations multiples
– Mélanose
– Lentigos
– Nævus
– Lésion HPV (condylome, haut grade)
– Dermatoses pigmentogènes (lichen scléreux, lichen plan, vitiligo) post-inflammatoires
2. Lebreton M, I Carton I, Brousse S, et al. Vulvar intraepithelial neoplasia: Classification, epidemiology, diagnosis, and management. J Gynecol Obstet Hum Reprod 2020;49(9):101801.
Pour en savoir plus :
Frances P, Dardennes G, Ah-Tech C, et al. Lichen scléreux vulvaire. Rev Prat Med Gen 2019;33(1019);290.
De Belilovsky C. Pathologies vulvaires. Rev Prat Med Gen 2016;30(970):771-6.