Les complications du traitement orthopédique sont moins nombreuses que celles de la chirurgie, mais elles ne sont pas pour autant moins graves. Devant quels signes s’inquiéter ? Quels conseils donner aux patients ?
L’emploi de la contention plâtrée en Europe a débuté au XVIIIe siècle. De nos jours, le plâtre est toujours utilisé quotidiennement et a l’avantage d’être d’emploi et d’application faciles, de s’adapter à la forme du membre, d’être léger, solide et peu coûteux. Pour autant, les appareils plâtrés mal faits ou mal surveillés peuvent amener à des accidents redoutables.
Syndrome des loges
L’incidence est de 7,3/105 chez l’homme (âge moyen de 30 ans), et de 0,7/105 chez la femme (âge moyen de 44 ans). Les fractures sont la principale cause (69 % des cas), notamment au niveau du tibia et plus précisément au niveau de la loge antérieure (muscle jambier antérieur, long extenseur de l’hallux et des orteils). L’incidence est la même pour les fractures fermées ou ouvertes.
Ce syndrome correspond à l’augmentation de la pression dans une loge musculaire entraînant une diminution du débit de perfusion tissulaire, provoquant des troubles neuromusculaires et une nécrose tissulaire.
C’est une urgence médico-chirurgicale : aucun examen ne doit retarder le traitement. Les signes cliniques sont dus à l’ischémie tissulaire :
– augmentation de l’intensité de la douleur, avec sensation de tension sous le plâtre, associée à une augmentation de la consommation d’antalgiques (stade précoce) ;
– douleurs et œdèmes des extrémités associés à des douleurs secondaires à la contraction volontaire et à l’étirement des masses musculaires ;
– douleurs à la palpation des loges musculaires, impossible à réaliser avec une immobilisation plâtrée ;
– paresthésies et hypoesthésie dans un territoire cutané distal (stade plus tardif) ;
– les pouls distaux sont difficiles à palper et le plus souvent encore présents. Le temps de recoloration est augmenté.
Ces signes cliniques sont suffisants au diagnostic et doivent alerter. Le traitement est à réaliser dans les 6 heures, car les phénomènes deviennent ensuite irréversibles. Dès la suspicion clinique, le plâtre doit être fendu ou bivalvé, voire enlevé si les symptômes persistent. L’aponévrotomie n’est réalisée que si ce premier geste ne suffit pas à faire disparaître les symptômes.
Un délai diagnostique et/ou thérapeutique trop long engendre des séquelles :
– persistance de symptômes sensitifs (paresthésies, hypoesthésie, voire anesthésie) ;
– perte de la fonction du muscle selon le degré d’ischémie et de nécrose tissulaire ;
– rétraction tendineuse irréversible secondaire à la nécrose musculaire (syndrome de Volkmann au niveau du membre supérieur ; griffe irréversible des orteils au niveau du membre inférieur).
Déplacements secondaires du foyer de fracture
Fréquents, ils surviennent généralement dans les 15 jours suivant l’immobilisation plâtrée. Deux causes principales :
– une immobilisation inefficace dès sa conception (mauvaise indication, fracture trop instable, plâtre pas suffisamment solide, surdimensionné, n’immobilisant pas les articulations sus- et sous-jacentes) ou secondaire à la diminution physiologique de l’œdème post-traumatique et la résorption de l’hématome ;
– la non-observance du patient : l’appareil plâtré peut être dégradé par l’appui, la marche, l’humidité…
En cas de déplacement secondaire dans les 15 jours suivant la fracture, une réduction orthopédique est indiquée au bloc sous anesthésie, associée ou non à une prise en charge chirurgicale. Au-delà de ce délai, la consolidation sera déjà avancée, avec la constitution d’un cal fibreux, dont la prise en charge est spécialisée.
Maladie thromboembolique veineuse
C’est une complication fréquente et grave lors d’une immobilisation prolongée. Le risque thromboembolique augmente en cas de facteurs de risque associés : âge, antécédents personnels ou familiaux d’événements thromboemboliques, thrombophilie, néoplasie, obésité, tabac… Dès qu’il existe une suspicion clinique, le plâtre doit être enlevé ou bivalvé en urgence afin de permettre un examen clinique en fonction de la fracture et de l’avancée de la consolidation. Une forte suspicion clinique impose un échodoppler veineux du membre en urgence associé ou non à une anticoagulation curative précoce. Une douleur thoracique, une anxiété majorée, des signes respiratoires ou généraux doivent faire rechercher une embolie pulmonaire.
En cas d’immobilisation plâtrée du membre inférieur, la prévention par les anticoagulants type héparine de bas poids moléculaire, sauf contre-indications, est systématique et recommandée dès la puberté. Pour le membre supérieur, cette prescription peut se discuter.
La surveillance plaquettaire hebdomadaire est systématique pendant toute la durée du traitement.
Escarres
Une compression permanente prolongée secondaire à des plis en regard des zones d’appui sous le plâtre ou une friction répétée due à un plâtre trop lâche peuvent entraîner une nécrose cutanée sous le plâtre. Celle-ci peut s’infecter si elle n’est pas prise en charge rapidement. Une douleur anormale, une fébricule, des ganglions anormaux, une odeur nauséabonde et un plâtre taché notamment au coude ou au talon doivent alerter. Chez les enfants, il peut être utile de chercher un objet qui a pu se glisser sous le plâtre. Il faudra alors réaliser soit un fenêtrage du plâtre afin de décomprimer la zone d’appui et réaliser des soins locaux, soit un changement complet du plâtre.
Compressions artérielles ou neurologiques
Une compression artérielle ou neurologique par le plâtre peut provoquer une ischémie ou un déficit neurologique. La compression est favorisée par un conflit au niveau des plis de flexion par le plâtre, ou un point d’appui en regard d’un relief osseux. Il faut rechercher par exemple une compression du nerf fibulaire commun autour du col de la fibula ou une compression du nerf ulnaire au niveau de la gouttière épitrochléo-olécranienne. Un examen clinique bilatéral et comparatif est systématique, à la recherche de paresthésies, d’hypoesthésie, voire anesthésie, paralysie isolée, douleur localisée en fonction du territoire neurologique touché. Un changement de plâtre est nécessaire en urgence en renforçant la protection des zones à risque.
L’ischémie du membre secondaire à une compression sous plâtre est rare. Il faut rechercher une pathologie vasculaire sous-jacente (artériopathie oblitérante des membres inférieurs, embolie artérielle cardiaque…) aggravée par le plâtre. Le tableau clinique sera aigu, avec une douleur brutale, une abolition des pouls périphériques, une pâleur des extrémités. C’est une urgence médico-chirurgicale.
Quels conseils donner au patient ?
L’œdème secondaire à la fracture peut entraîner une impression d’être serré dans le plâtre pendant les 48 à 72 premières heures. Il faut surélever le membre immobilisé surtout au début au-dessus du niveau du cœur afin de favoriser le retour veineux. Localement, l’apposition de glace peut aider l’œdème à se résorber.
Prendre soin de l’appareil plâtré afin de garantir une bonne consolidation. Il ne faut ni le mouiller ni le souiller. Deux épaisseurs de sac en plastique peuvent être utilisées avec prudence lors de la douche. Un plâtre mouillé sera inefficace et devra être changé. Il faut respecter les consignes de non-appui. En cas de démangeaison sous le plâtre, ne pas se gratter et ne pas mettre d’objet à l’intérieur de l’immobilisation.
Faire des exercices de contraction isométrique sous le plâtre (membre inférieur) afin de lutter contre l’amyotrophie et une mobilisation des articulations sus- et sous-jacentes laissées libres par l’immobilisation (métacarpo-phalangienne) pour lutter contre la raideur articulaire et la maladie thromboembolique veineuse.
Ne pas abîmer le plâtre. En cas de choc, il est possible de le réparer avec des bandes ou de le remplacer.
4 signes d’alarme : calor, color, dolor, odor.
– La chaleur et les fourmillements témoignent d’une compression sous le plâtre. Ils peuvent s’accompagner d’une chaleur importante ou d’un refroidissement et d’une perte de sensibilité.
– Un changement de couleur avec œdème des extrémités résulte également d’une compression.
Dans ces deux cas, la mise en position déclive du membre, associée à une fente du plâtre en urgence, est indiquée après avis médical.
– L’apparition de douleurs sous plâtre nécessite un avis médical en urgence. Un plâtre défectueux peut faire mal. Une douleur pulsatile équivaut à une gêne circulatoire sous le plâtre. Un appui anormal donne des douleurs de compression.
– Une odeur fétide peut cacher une escarre sous le plâtre, parfois non douloureuse. Une fenêtre en regard de l’escarre est alors indiquée.
D’après : Fabre-Aubrespy M, Lami D, Argenson JN. Surveillance d’un malade sous plâtre/résine, diagnostiquer une complication.Rev Prat 2021;71(7);793-803
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien