En général, et indépendamment du contexte viral actuel, l’incidence des infections sévères et compliquées est plus élevée chez les patients suivis pour un rhumatisme inflammatoire chronique que dans la population générale. Cette fragilité s’expliquerait par un dérèglement de leur système immunitaire, s’ajoutant aux effets des traitements immunomodulateurs prescrits à la plupart d’entre eux.
Au cours de la pandémie, la peur d’une infection grave a incité médecins et patients à retarder les vaccinations autres que celles contre le SARS-CoV-2. Il est important de maintenir la vaccination de routine et combler les lacunes des premières vagues.
Quels patients considérer comme immunodéprimés ?
Les patients suivis pour une pathologie articulaire chronique, auto-immune ou auto-inflammatoire, et traités par immunomodulateurs sont considérés comme immunodéprimés et devraient bénéficier d’un calendrier vaccinal adapté (tableau 1).
Sont considérés comme immunomodulateurs :
- le méthotrexate (MTX) si la dose dépasse 0,4 mg/kg/semaine ;
- les biothérapies (toutes les classes thérapeutiques) ;
- la corticothérapie per os à une dose > à 10 mg/j d’équivalent prednisone depuis plus de 2 semaines, ou > à 60 mg/j d’équivalent prednisone depuis plus de 1 semaine ;
- les bolus de solumédrol ;
- le léflunomide.
En revanche, les traitements suivants ne sont pas considérés comme immunomodulateurs :
- MTX prescrit à dose habituelle, soit 0,3 mg/kg/semaine ;
- hydroxychloroquine ;
- sulfasalazine ;
- injections intra-articulaires de corticoïdes.
Ainsi, les patients traités par méthotrexate aux doses habituelles, par hydroxychloroquine, sulfasalazine, corticoïdes oraux à faible dose ou corticoïdes locaux ne sont pas considérés comme immunodéprimés.
Modalités des vaccinations en fonction des traitements (tableau 1).
Grippe saisonnière
Elle utilise un vaccin inactivé. Les modalités de vaccination dépendent des traitements.
Sous méthotrexate : il n’est pas recommandé d’arrêter le méthotrexate avant de vacciner, mais une interruption de 2 semaines en moyenne après la vaccination est souhaitable. Cela est corrélé à une meilleure réponse vaccinale selon une étude menée sur 316 patients sous MTX. L’arrêt momentané du traitement de fond ne semble pas retentir sur l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique.
Sous inhibiteurs du TNF-alpha : il n’est pas recommandé d’arrêter le traitement.
Sous rituximab : avant la mise en place du traitement, différer la perfusion de rituximab (RTX) de 2 à 4 semaines après le vaccin, surtout si l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique le permet. Si le patient a déjà reçu une perfusion de RTX, le vaccin est différé 6 mois afin d’obtenir une réponse vaccinale adéquate. Toutefois, considérant la fragilité des patients traités par cet anti-CD20, il serait préférable de les vacciner dès que le vaccin contre la grippe saisonnière est disponible (au mois d’octobre de chaque année), indépendamment de la date de la dernière perfusion de RTX.
Vaccination antipneumococcique
Le schéma vaccinal recommandé suit la stratégie « prime-boost » : vaccin conjugué 13-valent (Prevenar 13) puis, au moins 8 semaines après, vaccin polysaccharidique non conjugué (Pneumo 23).
Sous méthotrexate : s’il est préférable d’effectuer la 1re injection de vaccin conjugué 13-valent avant de débuter le MTX, la dose de vaccin polysaccharidique non conjugué peut être administrée en cours de traitement. Si le patient est déjà sous MTX : pas de précaution particulière.
Sous inhibiteurs du TNF-alpha : ne pas arrêter l’anti-TNF car cela modifie peu la réponse vaccinale.
Sous rituximab. Avant la mise en place du traitement : différer la perfusion de rituximab de 2 à 4 semaines après le vaccin, surtout si l’activité du rhumatisme inflammatoire chronique le permet. Toutefois, la littérature ne précise pas si le RTX peut être débuté après Prevenar 13 ou s’il faut attendre l’injection du Pneumo 23, prolongeant ainsi le délai d’administration du traitement à au moins 12 semaines. Si le patient a déjà reçu une perfusion de RTX, le vaccin est différé de 6 mois.
Hépatites virales
Pas de précaution spécifique.
Hépatite B : schéma de vaccination habituel (M0, M1, M6) ou accéléré (J0, J7, J21) avec un rappel à 1 an.
Hépatite A : recommandée à tous les voyageurs devant séjourner dans un pays avec hygiène précaire (une injection au moins 15 jours avant le départ puis un rappel 6 à 12 mois plus tard). Pas de précaution particulière à prendre sous traitement immunosuppresseur.
Zona et varicelle
Avant d’entamer la vaccination contre le zona : s’assurer d’une immunisation antérieure contre la varicelle par l’interrogatoire ou la sérologie. Si cette enquête est négative, le patient doit être vacciné contre la varicelle.
En cas de rhumatisme inflammatoire chronique, la vaccination contre le zona peut être indiquée chez les patients à haut risque qui suivent un traitement de fond classique ou biologique ou une corticothérapie prolongée. Le vaccin actuellement disponible est vivant (Zostavax). Il a néanmoins prouvé sa bonne tolérance sous anti-TNF-alpha. Un délai de 4 semaines avant une perfusion de RTX et de 6 mois après doit être respecté. Un nouveau vaccin inactivé (Shingrix) a l’avantage d’être inerte et peut ainsi être administré sans devoir interrompre les traitements immunosuppresseurs, mais il n’est pas disponible en France.
Tétanos
Identique à celle de la population générale : tous les 20 ans chez les sujets âgés de 25 à 65 ans, puis tous les 10 ans après 65 ans. La seule précaution particulière consiste à différer la vaccination de 6 mois par rapport à une perfusion de RTX.
Fièvre jaune
Contre-indiqué chez les patients sous traitements de fond classiques ou biologiques (vaccin vivant). Les destinations qui imposent la vaccination antiamarile doivent donc être déconseillées. En cas de force majeure, un certificat de contre-indication à la vaccination doit être délivré par les centres agréés. La protection contre les piqûres de moustiques est impérative.
En règle générale, les vaccins vivants (BCG, ROR, rotavirus…) demeurent contre-indiqués en cas de traitements de fond classiques et/ou biologiques. Ainsi, il est recommandé d’arrêter les immunosuppresseurs avant d’administrer un vaccin vivant, selon des modalités qui varient avec le type de traitement en cours (tableau 2).