La santé est intimement liée aux conditions de vie et de ressources. La réforme du 2 janvier 2002 de la loi sociale de 1975 indique clairement que l’absence de prise en charge commune sanitaire et sociale peut être « un frein à l’innovation et l’accompagnement décloisonné de certaines catégories de population ».
Depuis plusieurs années, en France comme en Europe, la précarité et la pauvreté atteignent une tranche de population toujours plus large. Leurs conséquences ne sont pas neutres : de nombreuses comorbidités y sont associées. Pour y remédier, outre un accès facilité aux soins, une protection sociale et une approche clinique spécifique, des dispositifs dédiés sont indispensables (tableau).
Les lits halte soins santé (LHSS) en sont un exemple. Réservés aux personnes sans domicile, ils accueillent à temps complet des patients ayant une pathologie aiguë ne nécessitant pas d’hospitalisation mais incompatible avec une vie dans la rue.

Historique

C’est le Samu social, qui, à titre expérimental, a mis en place en 1993 les « lits infirmiers », pour accueillir des personnes sans domicile dont l’état de santé requérait une prise en charge sanitaire et sociale adaptée sans toutefois relever d’une hospitalisation.
Plus de 10 ans après, le Comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE) du 6 juillet 2004 décidait de « développer les possibilités de dispenser des soins aux personnes sans domicile fixe » en donnant un statut juridique et financier à ces structures. Finalement, la création et le financement des LHSS sont entérinés par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2006 dans son article 50.

Patients éligibles

Les LHSS sont répartis dans toute la France et permettent aux services hospitaliers de proposer un lieu alternatif pour la prise en charge des individus sans logement. Tout médecin généraliste ou spécialiste libéral peut faire une demande d’admission.
Pour cela, il faut télécharger un dossier spécifique à chaque structure. Contrairement à certains documents administratifs (dossier MDPH, par exemple), les questions posées sont brèves, et la rédaction très simple (quelques lignes suffisent).
À l’issue de l’analyse de la fiche d’admission, en fonction de la pathologie et de la disponibilité, le patient peut être accepté au sein des LHSS.

Volet médical

Le personnel en charge de ces unités est généralement constitué d’aides- soignants, d’infirmières et d’un ou plusieurs médecins.
Dans le département des Pyrénées- Orientales, il existe 2 unités LHSS : une à Perpignan (6 lits) et l’autre à Banyuls-sur-Mer (6 lits également).
Les hébergements sont possibles 365 jours par an et 24 h/24. Toutefois, la durée maximale de séjour est fixée par l’Agence régionale de santé à 60 jours.
Sur le plan médical, l’équipe prend en charge et stabilise les pathologies aiguës autant que faire se peut.
Une coopération avec différents autres acteurs spécialisés est fréquente, en particulier avec l’hôpital :
– le Comité de lutte contre la tuberculose (CLAT) : cette infection est encore une « maladie de la pauvreté » ;
– le service de gastro-entérologie : dépistage de l’hépatite C ;
– le service des maladies infectieuses et tropicales (SMIT) : vaccination contre les hépatites et le tétanos.
Des partenariats avec d’autres unités sont précieux :
– l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) ;
– les équipes psychiatriques de secteur ;
– le module d’action et d’orientation (MAO) qui, dans certains départements, est une unité détachée du secteur psychiatrique travaillant avec les différentes associations de personnes sans domicile fixe.
Ces collaborations sont d’autant plus utiles que les personnes sans domicile ont une morbidité particulière. Plus des deux tiers (65 %) d’entre elles déclaraient au moins une maladie chronique en 2001.1
Les quatre principales, en 2009, étaient les pathologies respiratoires, le diabète, l’hypertension et les troubles psychiques.2 Parmi ceux-ci, les addictions ont une place non négligeable : 27 % des sans-abri sont dépendants à l’alcool et 17,5 % consomment quasi quotidiennement au moins une drogue illicite et/ou un médicament détourné de son usage.2
Ainsi, l’accumulation de pathologies chroniques n’est pas rare, et s’ajoute aux comorbidités sociales.

Volet social

Des éducateurs et des assistantes sociales travaillent de manière conjointe avec l’équipe soignante. Des sages-femmes du conseil général (cas de grossesses à risque) peuvent également être sollicitées. Ces professionnels ont pour mission d’assurer la réinsertion sociale des patients vivant dans la rue.
Les 2 volets, médical et social, ne sont pas hermétiques. Au contraire, une synergie d’actions favorise la réinsertion de ces personnes.

Pathologies chroniques graves

Les LHSS accueillent parfois des patients atteints de pathologies chroniques graves (insuffisance cardiaque terminale, néoplasies diverses…). Dans ce contexte, il convient de trouver des solutions d’hébergement de plus long terme, bien au delà des 2 mois théoriquement autorisés dans ces unités.
Des places de stabilisation au sein d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont une solution, certes imparfaite car le personnel n’est pas formé aux problématiques médicales, mais parfois retenue.
Les lits d’accueil médicalisés (LAM) sont aussi une alternative. Ils sont conçus spécifiquement pour les patients sans domicile ayant des pathologies à prendre en charge sur une longue durée. Dans ce cas, la stabilisation de l’état de santé du malade est toujours la priorité, moins de 20 % des accueillis bénéficiant d’un projet de logement au décours.
Encadre

Précarité et logement : des chiffres inquiétants

Définie en 1987 par Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, dans un rapport au Conseil économique et social, la précarité est « l’absence d’une ou plusieurs […] sécurités », certaines étant indispensables à la santé : l’habitat mais aussi l’emploi, l’alimentation, l’éducation…

L’absence de logement personnel touche 900 000 personnes : 140 000 sans domicile fixe et 640 000 en logement instable (hébergement chez un tiers) ou dans des conditions indignes (squat, bidonville…). Ces individus entrent souvent dans un cercle vicieux, le mal-logement étant fortement corrélé avec l’emploi : perte d’activité et de revenus, dégradation des liens sociaux, puis de l’état de santé, physique comme psychique.

Pour en savoir plus
1. Rochere (de la) B. La santé des sans-domiciles usagers des services d’aide. Insee Première, avril 2003, n° 893.
2. Laporte A, Douay C, Detrez MA, Le Masson V, Le Méner E, Chauvin P. La santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France. Observatoire du Samu social de Paris et Inserm (UPMC, UMRS-707): 2010.
– Adam C, Faucherre V, Micheletti P, Pascal G. La santé des populations vulnérables. Paris: Ellipses; 2017.
– De Martel JF. Réglementation administrative et financière des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Paris: Dunod; 2015.
– Action sociale. Lits halte soins santé (LHSS). https://bit.ly/36vhUmG
– Drees. Études et Résultats. L’hébergement d’urgence dans les CHRS. https://bit.ly/3lsnRXJ
– Picon E, Sannino N, Minet B, et al. Évaluation du dispositif lits haltes soins santé (LHSS). Février 2013. https://bit.ly/3luouzR
– CNLE. Les lits d’accueil médicalisés (LAM). Novembre 2009. https://bit.ly/3po4i5h

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essentiel

La précarité et l’absence de logement personnel touchent une part croissante de la population.

Elles s’accompagnent d’une dégradation de l’état de santé.

Les lits halte soins santé accueillent des patients ne nécessitant pas d’hospitalisation mais dont l’état de santé est incompatible avec l’absence de domicile.

L’alliance d’une prise en charge médicale et sociale fait leur force.