Le Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir) est un traitement antiviral indiqué chez les patients Covid les plus à risque. Autorisé depuis le début de l’année, c’est le seul traitement contre le Covid disponible en ville. Comment sa prescription a-t-elle évolué depuis ? Qui sont les patients en ayant bénéficié ? Qu’en est-il des nombreuses contre-indications vis-à-vis des interactions médicamenteuses ? Une étude récente menée par Épi-Phare apporte des éclairages.
Mise à jour du 14/12/2022 : un arrêté paru samedi 10 décembre au Journal officiel autorise les médecins à prescrire des ordonnances conditionnelles de Paxlovid à leurs patients à risque de Covid grave, lors d’une visite de suivi ou de toute autre consultation. Le médecin indique la durée de validité de cette ordonnance, qui ne peut excéder 3 mois ; la mention suivante doit être accolée à la DCI : « Si test antigénique ou PCR positif sous 5 jours suivant l’apparition des premiers symptômes. ». Cette ordonnance conditionnelle est particulièrement conseillée si le médecin « identifie un risque de difficulté d’accès à la prescription pour le patient dans la période couverte par l'ordonnance de dispensation conditionnelle ». Au préalable, il doit s’assurer que « le patient n’est pas à risque prévisible de développer une contre-indication au Paxlovid entre la prescription et l’expiration de l’ordonnance » et informer le patient qu’il devra de nouveau consulter avant de faire exécuter l'ordonnance « en cas de modification de son état de santé ou de la liste de ses traitements pris » entre la prescription de cette ordonnance conditionnelle et la survenue d’une infection par le SARS-CoV-2. En cas de potentielles interactions médicamenteuses, le prescripteur indique sur l’ordonnance l’adaptation des traitements concomitants et en informe le patient.
L’antiviral oral Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir) est autorisé en France depuis janvier 2022, pour le traitement des patients infectés par le SARS-CoV-2 qui sont à risque d’évolution vers des formes graves. Utilisé dans le but de réduire ce risque de progression vers une forme sévère, il peut être prescrit maximum dans les 5 jours suivant l’apparition des symptômes, à des patients ne nécessitant pas d’oxygénothérapie pour le Covid-19 et n’ayant pas de contre-indications au traitement ni de risque d’interactions médicamenteuses. Ces dernières, nombreuses (v. encadré) en particulier chez les patients concernés (âgés, souvent polypathologiques), rendent sa prescription souvent délicate.
Seul traitement contre le Covid qui peut être prescrit et délivré en ville, le Paxlovid a vu ses conditions de prescription progressivement simplifiées :
- il peut être prescrit ordonnance classique (sans passer par la plateforme dédiée) depuis mai 2022, et est remboursé depuis avril ;
- depuis octobre, les praticiens peuvent donner au patient une ordonnance dite « de dispensation conditionnelle », qui permet de se faire délivrer le Paxlovid jusqu’à 5 jours après la prescription sur présentation d’un test positif pour le Covid-19 (PCR, antigénique ou autotest réalisé sous surveillance d’un professionnel de santé) ;
- enfin, il est désormais possible de prescrire des ordonnances conditionnelles (v. ci-dessus).
Une utilisation multipliée par 4 depuis le début de l’année
Épi-Phare vient de publier un rapport sur l’utilisation de ce médicament sur la période du 4 février au 27 octobre 2022, à partir des données de remboursement du Système national des données de santé (SNDS) concernant le nombre de ces prescriptions délivrées en pharmacie de ville.
Selon cette étude, 54 181 patients ont bénéficié de ce traitement sur cette période, avec deux pics d’utilisation en juillet et octobre 2022 (plus de 13 000 nouvelles prescriptions), correspondant aux deux dernières vagues épidémiques.
Globalement, l’utilisation du Paxlovid a quasiment quadruplé dans la période juillet-octobre 2022 par rapport à février-juin 2022.
Malgré cette augmentation (et avec près de 15 000 prescriptions pour le seul mois d’octobre), la présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), l’immunologue Brigitte Autran, a déclaré que ce chiffre « est encore insuffisant » et qu’il faudrait « l’utiliser beaucoup plus », rappelant qu’environ 1 000 personnes sont toujours en réanimation ou en soins critiques en France en raison du Covid.
Caractéristiques des patients recevant le Paxlovid
La quasi-totalité de ces utilisateurs (50 818) a fait l’objet d’une analyse descriptive afin de mieux caractériser leur profil : leur âge moyen était de 67 ans ; 36 % étaient âgés de 75 ans et plus et 15 % avaient moins de 50 ans ; 55 % étaient des femmes.
Quant aux principales comorbidités : plus de 50 % avaient une HTA traitée, 19 % un diabète, 14 % un cancer actif et 11 % une maladie coronaire. Ainsi, par rapport à la population générale française, les utilisateurs de Paxlovid étaient, sans surprise, plus âgés et avaient plus de comorbidités.
Par rapport à la première période (février-juin), les patients ayant eu une prescription de Paxlovid au cours de la seconde période (juillet-octobre) étaient un peu plus âgés (67 ans vs 66 ans) et moins favorisés sur le plan socio-économique ; le pourcentage de femmes était un peu plus élevé (56 % vs 54 %) ; certaines comorbidités étaient moins représentées (cancers, sclérose en plaque, autres maladies auto-immunes).
Au total, 89 % d’utilisateurs du Paxlovid avaient reçu préalablement au moins une dose de vaccin, 87 % deux doses, 80 % trois doses, 30 % quatre doses et 2 % cinq doses.
Interactions médicamenteuses : mieux les prendre en compte
Selon le rapport, au moment de la délivrance du traitement, 8 % des patients recevaient d’autres médicaments pour lesquels l’association avec le Paxlovid est contre-indiquée – notamment un hypolipémiant (simvastatine) ou un antiarythmique (amiodarone, flécaïne, dronédarone, propafénone) – et 17 % des médicaments pour lesquels l’association est non recommandée – principalement, un antihypertenseur (bisoprolol), un anticoagulant (apixaban, rivaroxaban) ou un anxiolytique (alprazolam).
Un dispositif d’appui à la prescription de Paxlovid (v. encadré) a été mis en place pour aider les praticiens à gérer ces diverses interactions médicamenteuses (numéro vert 0800 130 000).
Pour finir, selon les précédentes données de pharmacovigilance (publiées en septembre) aucun signal n’avait été confirmé avec Paxlovid, et la majorité des effets indésirables déclarés étaient connus (notamment altérations du goût et troubles gastro-intestinaux). Quelques cas d’hypertension artérielle, essentiellement non graves et transitoires, ont été notifiés au cours du suivi (signal potentiel à investiguer). Au niveau international, des phénomènes de « réinfection par le Covid-19 » ou de « phénomène rebond » ont également été signalés ; il n’y a pas eu de tels signalements dans le cadre du suivi en France à ce jour, mais aux États-Unis les CDC recommandent aux patients concernés de s’isoler pendant 5 jours supplémentaires.
Contre-indications à la prise de Paxlovid.
- Patients ayant une insuffisance hépatique sévère (classe C de Child Pugh).
- Patients ayant une insuffisance rénale sévère (DFG < 30 mL/min). Une adaptation de la posologie est nécessaire chez les patients ayant une insuffisance rénale modérée (1 seul comprimé de nirmatrelvir avec le comprimé de ritonavir toutes les 12 heures).
- Paxlovid n’est pas recommandé pendant la grossesse et chez les femmes en âge de procréer n’utilisant pas de contraception. L’allaitement doit être interrompu pendant le traitement.
- Certaines interactions médicamenteuses constituent aussi des contre-indications (dans ces cas, le Paxlovid ne peut être administré que si ces traitements peuvent être interrompus pendant ce temps) ; pour d’autres médicaments, l’association n’est pas recommandée. La liste de ces interactions est disponible sur le site de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, qui a également mis en place un dispositif d’appui à la prescription de Paxlovid en lien avec le réseau des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et le réseau des laboratoires de pharmacologie : le numéro vert 0800 130 000 permet aux prescripteurs d’appeler 5 jours sur 7 de 9 h à 18 h un médecin ou pharmacien du centre régional de pharmacovigilance ou du laboratoire de pharmacologie de la région, et éventuellement le médecin suivant le patient (néphrologue en particulier) – il est important de disposer lors de l’appel de l’exhaustivité des traitements pris par le patient, de sa dernière clairance de la créatinine ou créatininémie, de ses données de suivi pharmacologique le cas échéant (tacrolémie par exemple).
Épi-Phare. Étude d’utilisation de l’antiviral oral Paxlovid. 28 novembre 2022.