La pelade est une alopécie cicatricielle dont le diagnostic est purement clinique. La prise en charge est difficile : aucun des traitements disponibles n’a montré pour l’instant une supériorité ou une efficacité particulière. Une nouvelle revue de la Cochrane comparant les différentes molécules permet de trancher.

La pelade toucherait environ 2 % de la population au cours d’une vie. Dans cette pathologie auto-immune, les follicules pileux ne sont pas détruits, à la différence des alopécies cicatricielles ; elle se manifeste le plus souvent sous forme de plaque (s), ronde(s) ou ovalaire(s), unique ou multiples, d’évolution centrifuge, et affecte des sujets plutôt jeunes (les deux tiers ayant moins de 30 ans), sans prédominance de sexe. Les différentes formes cliniques et les diagnostics différentiels sont abordés ici.

Différents traitements existent actuellement, notamment immunosuppresseurs, stimulants de croissance et immunothérapie de contact (v. encadré ci-dessous et algorithmes ci-contre), sans qu’aucun ne se soit démarqué par une efficacité particulière pour le moment.

De nouvelles pistes thérapeutiques sont donc à l’étude, par exemple les interleukines 2 à petite dose, les anti-JAK (tofacitinib, ruxolitinib, baricitinib) et un anti-IL17.

Une vaste méta-analyse de la Cochrane évaluant plus de 40 traitements de la pelade permet d’y voir plus clair. Les auteurs ont inclus 63 études contrôlées randomisées évaluant 47 traitements, soit en comparant deux traitements actifs soit un traitement contre placebo. Elles ont été conduites en Europe, Amérique du Nord et du Sud et Asie, chez un total de 4 817 sujets d’âge compris entre 2 et 74 ans. La taille moyenne des échantillons était de 78 personnes.

Les traitements évalués étaient très variés : immunosuppresseurs classiques (corticostéroïdes topiques, sous forme injectable ou per os, cyclosporine, méthotrexate, azathioprine…), immunothérapie de contact (acide squarique, anthraline…), stimulants de croissance (minoxidil), biothérapies SC (étanercept, adalimumab, infliximab, dupilumab…), anti-JAK (tofacitinib, ruxolitinib, baricitinib…), autres traitements tels que la cryothérapie ou le laser.

En raison de cette variété, les auteurs ont choisi de prioriser l’analyse des interventions les plus utilisées en pratique clinique, aboutissant à douze comparaisons principales, avec les données de 23 études. Elles concernaient principalement : la prednisolone, la cyclosporine ou le méthotrexate per os , le ruxolitinib topique ou per os , le tofacitinib et le baricitinib per os . Le but des auteurs était en effet de répondre à trois questions principales : (1) les immunosuppresseurs font-ils mieux que le placebo ? ; (2) les biothérapies, notamment anti-JAK et interleukines, font-elles mieux que le placebo ? ; (3) l’un de ces traitements a-t-il une efficacité à long terme ?

Peu de preuves certaines, sauf pour le baricitinib

Les critères de jugement primaire étaient, d’une part, une repousse de cheveux ≥ 75 % à court terme (entre 12 et 26 semaines de suivi) et, d’autre part, l’incidence d’effets indésirables graves (décès, hospitalisation, intervention chirurgicale, séquelles temporaires ou permanentes, infections sévères). Les critères de jugement secondaires étaient la repousse de cheveux ≥ 75 % à long terme (> 26 semaines de suivi) et une amélioration de la qualité de vie mesurée avec des questionnaires validés. Parmi les essais sélectionnés, la repousse de cheveux à court terme était évaluée dans 14 études, celle à long terme dans 2 études, les effets indésirables graves dans 22 études et la qualité de vie dans une seule étude.

Sur la repousse de cheveux à court terme, la quasi-totalité des traitements testés avaient des preuves d’efficacité de faible niveau de certitude (prednisolone ou cyclosporine vs placebo, bétaméthasone intralésionnelle ou triamcinolone vs placebo, ruxolitinib vs tofacitinib oraux, minoxidil topique vs placebo, cryothérapie vs placebo). En particulier, les données suggèrent que :

  • la bétaméthasone orale à des doses allant jusqu’à 5 mg deux fois par semaine pourrait avoir un effet bénéfique sur la repousse à court terme, comparée à la prednisolone ou à l’azathioprine (RR = 1,67 ; IC95 % : 0,96 - 2,88 ; 80 participants ; 2 études) ;
  • il a peu ou pas de différence entre le dupilumab SC et le placebo dans la repousse à court terme (RR = 3,59 ; IC95 % : 0,19 - 66,22 ; 60 participants ; 1 étude), ainsi qu’entre le ruxolitinib topique et le placebo (RR = 5,00 ; IC95 % : 0,25 - 100,89 ; 78 participants ; 1 étude).

En revanche, le baricitinib a montré une augmentation de la repousse à court terme, comparé au placebo, dans deux études à haut niveau de certitude (RR = 7,54 ; IC95 % : 3,90 - 14,58 ; 1 200 participants). Il a aussi montré dans ces essais une augmentation de la repousse de cheveux à long terme par rapport au placebo (RR = 8,49 ; IC95 % : 4,70 - 15,34). Les posologies de baricitinib étaient de 2 ou 4 mg par jour. Pour rappel, si ce médicament a l’AMM européenne pour la pelade sévère de l’adulte, il n’est pas remboursé en France dans cette indication, mais uniquement dans la polyarthrite rhumatoïde modérée à sévère en cas d’échec d’autres traitements et dans la dermatite atopique modérée à sévère nécessitant un traitement systémique, et est onéreux (> 500 €). Par ailleurs, l’ANSM a récemment émis une alerte sur le risque d’effets indésirables graves (cardiovasculaires, infectieux, voire cancers…) des anti-JAK et recommandé de restreindre leur utilisation chez certaines populations : elle préconisait de ne plus les prescrire, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique, chez les > 65 ans, les fumeurs ou anciens fumeurs, en cas de facteurs de risque cardiovasculaire ou de tumeur maligne.

Dans cette méta-analyse, concernant l’incidence d’effets indésirables graves :

  • il y avait un faible niveau de certitude quant à l’effet du ruxolitinib comparé au placebo (RR = 0,33 ; IC95 % : 0,01 - 7,94 ; 78 participants) ;
  • le baricitinib et l’aprémilast ont montré peu ou pas de différencevs placebo, mais les preuves avaient aussi un faible niveau de certitude (RR = 1,47 ; IC95 % : 0,60 - 3,60 ; 1 224 participants ; 3 études) ;
  • le même résultat était observé pour le dupilumabvs placebo (RR = 1,54 ; IC95 % : 0,07 - 36,11 ; 60 participants ; 1 étude ; faible niveau de certitude).

Les auteurs en ont conclu que seul le baricitinib montrait de bons résultats sur la repousse de cheveux, avec une faible incidence d’effets indésirables dans ces études (bien que sur ce point les données ne soient pas suffisantes pour conclure). Les autres traitements actuellement utilisés dans la pelade ont montré une efficacité incertaine. Par ailleurs, les données sur l’effet de ces thérapeutiques sur la qualité de vie sont encore lacunaires. D’autres études de bonne qualité sont ainsi nécessaires.

Encadre

Traitement actuel des pelades

Les corticoïdes locaux sont le traitement de première intention des pelades en plaques même très étendues : leur efficacité est démontrée sous forme topique, en gel ou mousse (niveau 4, ou 3 chez le jeune enfant) car la repousse apparaît en regard des zones traitées. En cas de pelade décalvante totale ou universelle, une repousse complète est attendue dans environ 20 % des cas. Sous forme injectable intradermique profonde (le plus souvent acétonide de triamcinolone dilué entre 5 et 10 mg/mL pour le cuir chevelu), ils sont utiles dans les pelades localisées ou les sourcils.

Le minoxidil épaissit et permet l’allongement des cheveux présents mais n’agit pas sur le processus.

Pour des pelades en plaques, le dioxyanthranol (dithranol, anthraline), prescrit en préparation magistrale (0,5 - 3 %), peut être utilisé en contact bref de 15 minutes avant d’être éliminé par lavage. Le mode d’utilisation doit être bien expliqué au patient pour apporter un bénéfice sans trop d’effets indésirables (irritation locale, pustules, adénopathies, hyperpigmentation locale, et taches sur les objets et linges en contact avec le produit).

En cas de résistance aux traitements précédents ou dans les pelades très étendues, la PUVAthérapie réalisée en cabine, chez le dermatologue, peut s’avérer utile (davantage que les UVB TL01). Compte tenu du caractère carcinogène sur le long terme, elle doit être limitée en nombre de séances, réservée à l’adulte, les sujets de phototype clair étant particulièrement surveillés. Trente séances (2 ou 3 par semaine) permettent de juger de l’effet du traitement ; la poursuite est ainsi décidée généralement à ce terme.

Si échec, l’immunothérapie de contact est possible dans quelques centres spécialisés : elle consiste à sensibiliser les patients à une molécule isolée (en général la diphéncyprone) et entretenir un eczéma léger à modéré sur les zones atteintes du cuir chevelu ; la cible créée étant à l’origine d’un nouvel infiltrat lymphocytaire, cela pourrait ainsi favoriser une forme de compétition antigénique positive.

Dans des cas très particuliers de pelades rapidement extensives, évoluant vers un stade décalvant, une corticothérapie systémique peut être proposée (bolus de méthylprednisolone : 2 x 250 mg/j, 3 jours consécutifs chez l’adulte).

Il faut que le patient comprenne le caractère suspensif des traitements. Par ailleurs, une prothèse capillaire peut être remboursée sur prescription, la dermopigmentation (tatouage permanent ou semi-permanent des sourcils, des cils en institut spécialisé) peut améliorer l’aspect du visage. Une psychothérapie de soutien peut être utile.

Pour en savoir plus
Mateos-Haro M, Novoa-Candia M, Sánchez Vanegas G, et al. Treatments for alopecia areata: a network meta‐analysis.  Cochrane 23 octobre 2023.
À lire aussi :
Nobile C. Pelade : quelles nouveautés ?  Rev Prat (en ligne) 27 juin 2022.

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