De fortes tensions d’approvisionnement (voire des ruptures de stock) en amoxicilline, seule ou en association à l’acide clavulanique, sont prévues jusqu’en mars 2023 dans toute l’Europe. Pour faire face à cette situation très préoccupante, les pédiatres et les infectiologues ont élaboré des recommandations pour adapter la prescription en ville dans les différentes pathologies pédiatriques (durée de traitement, alternatives thérapeutiques, utilisation des formes adultes…).

Après les préconisations générales émises par l’ANSM et la DGS, les sociétés savantes de pédiatrie – Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) de la Société française de pédiatrie (SFP), Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa) et Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) – viennent d’éditer des recommandations d’adaptations du traitement pour les différentes pathologies les plus concernées en temps normal par l’antibiothérapie amoxicilline-acide clavulanique en pédiatrie : otite moyenne aiguë purulente, angine bactérienne, sinusite aiguë, pneumonie, pyélonéphrite (v. tableau ci-contre).

Les choix d’antibiotiques proposés dans le tableau tiennent compte de l’état des prévisions d’approvisionnement de l’ANSM pour les semaines à venir : lorsque les formes pédiatriques des antibiotiques ne sont pas disponibles, dans la majorité des situations où elles s’avèrent nécessaires, prescrire les formes adultes en adaptant approximativement les doses au poids et à l’âge de l’enfant et en économisant au maximum les ressources à disposition. Cette pratique est relativement aisée pour certains antibiotiques (comprimé dispersible ou forme sachet) mais plus difficile pour d’autres, nécessitant des préparations pharmaceutiques. Des ordonnances de dilution type d’amoxicilline et d’amoxicilline-acide clavulanique sont proposées (v. liens hypertexte dans le tableau), elles ont été réalisées par l’équipe de pédiatrie et de pharmacie de l’hôpital Trousseau (AP-HP) et validées par le GPIP, la Société française de pharmacie clinique pédiatrique et par l’Académie nationale de pharmacie. Pour des traitements antibiotiques d’une durée supérieure à 5 jours, le plus souvent effectués en relais d’une antibiothérapie IV débutée à l’hôpital (infections cervicales profondes, ethmoïdite, infections ostéo-articulaires, pleuro-pneumopathies…), il est possible d’effectuer des préparations magistrales.

Ces alternatives thérapeutiques sont assorties d’autres conseils pour diminuer de façon générale les volumes d’antibiotiques prescrits. En effet, la pénurie risque de s’étendre, remarquent pédiatres et infectiologues : amoxicilline et acide clavulanique représentaient avant la pénurie 60 à 75 % des prescriptions ; c’est pourquoi les fortes tensions d’approvisionnement les concernant retentissent sur la disponibilité de l’ensemble des formes (incluant pénicilline V, et macrolides : azithromycine, clarithromycine), avec des répercussions sur des pathologies ne nécessitant pas de traitement par amoxicilline : infections urinaires, relais oraux d’infections graves traitées initialement par des formes parentérales...

Leur premier message est donc de limiter strictement les prescriptions aux indications des recommandations officielles chez l’enfant, comme chez l’adulte. Ils rappellent à cet effet que les situations cliniques ne justifiant pas d’antibiotique représentent la majorité des prescriptions en France (bronchites, rhinopharyngites, laryngites, bronchiolites, angines sans TDR positif, otites congestives, otites séreuses, suspicions d’otite non confirmées par l’otoscopie, syndrome grippaux ou Covid, fièvre sans point d’appel hors pathologie chronique, impétigos non étendu, furoncles, quasi-totalité des infections digestives...) – des prescriptions inutiles d’autant plus délétères en situations de pénurie.

Le raccourcissement des durées de traitement pour toutes les pathologies fréquentes est le second message, qui doit devenir la règle en période de difficultés d’approvisionnement.

Enfin, du fait des stocks limités de la quasi-totalité des formes pédiatriques des autres antibiotiques, le report sur ces molécules peut représenter un risque majeur pour des patients souffrant de pathologie chronique grave.