MISE AU POINT
Inflammation aiguë du péricarde, avec ou sans épanchement liquidien, c’est la plus fréquente des affections péricardiques, motivant 0,2 % des hospitalisations pour affections cardiovasculaires..
L’évolution est souvent simple dans les pays sans endémie tuberculeuse (mortalité globale : 1 %), mais cette pathologie expose à 3 risques : le 1er lié à la cause sous-jacente (bactérienne ou néoplasique par exemple) ; le 2e à l’évolution vers la tamponnade ou la péricardite constrictive ; le 3e à la récurrence (évaluée à 30 % des cas).

Faire le diagnostic

Parmi les symptômes, la fièvre est inconstante. La douleur thoracique est fréquente, de caractère variable, volontiers prolongée au-delà de quelques heures. Typiquement croissante à l’inspiration profonde et en décubitus dorsal, elle est soulagée par la position assise, mais insensible aux dérivés nitrés. Une dyspnée peut l’accompagner.
À l’auscultation, le frottement péricardique est pathognomonique. Il est typiquement systolo-diastolique (en va- et-vient), de siège mésocardiaque et très localisé. Persistant en apnée, il est fugace, variable dans le temps, inconstant.
Parfois, on note également une tachycardie, un assourdissement des bruits du cœur, des signes de tamponnade (encadré).
L’électrocardiogramme est souvent évocateur : anomalies du segment ST et de l’onde T, typiquement en 4 stades avec sus-décalage ST concave en haut et ondes T positives, puis retour du ST à la ligne iso-électrique et ondes T plates, qui deviennent ensuite négatives, puis retrouvent un aspect normal (parfois après plusieurs semaines). Il peut exister un sous-décalage de PQ, éventuellement une hyperexcitabilité auriculaire.
La radiographie du thorax est souvent normale au début et en cas d’épanchement peu abondant. Elle peut montrer une augmentation du volume cardiaque, une rectitude du bord gauche, un épanchement pleural.
L’échocardiographie révèle le décol- lement des 2 feuillets du péricarde, avec un espace vide d’écho en avant ou en arrière du myocarde (fig. 1) ; elle précise son abondance et sa tolérance et permet de suivre l’évolution.
À noter qu’un examen normal n’élimine pas le diagnostic.
Le bilan biologique peut montrer une élévation des marqueurs d’inflammation (CRP notamment), des anomalies liées à la maladie sous-jacente (comme une hyperleucocytose), voire des signes de souffrance myocardique (élévation des troponines).
Selon le score de la Société européenne de cardiologie (2015), le diagnostic de péricardite aiguë est retenu en présence d’au moins 2 critères parmi les suivants :
– douleur thoracique de type péricardique ;
– frottement péricardique à l’auscultation ;
– sus-décalage du segment ST ou sous-décalage de PQ sur l’ECG ;
– épanchement péricardique (en échographie notamment).
Élévation des marqueurs d’inflammation, imagerie concordante (scanner, IRM) confortent le diagnostic.
Bien entendu, il faut éliminer syndrome coronaire aigu, embolie pulmonaire, dissection aortique… pneumopathie, pleurésie…
Formes cliniques. La péricardite aiguë peut se manifester d’emblée par une tamponnade en cas de mauvaise tolérance. Elle est dite subaiguë ou incessante si les signes persistent au-delà de 4 à 6 semaines, mais moins de 3 mois. Au-delà, elle est chronique. On parle d’affection récurrente ou récidivante en cas de nouvel épisode après un intervalle libre de 4 à 6 semaines au minimum.

Bilan étiologique : 2 niveaux

Les causes, très diverses, sont majoritairement des infections virales dans les pays développés (entérovirus, échovirus, adénovirus, CMV, influenza…).
La tuberculose prédomine là où cette maladie est endémique. Autres origines : – auto-immunes et auto-inflammatoires (lupus, PR, sclérodermie…) ;
– néoplasiques (sarcome, lymphome, carcinome, métastases d’un cancer du sein, du poumon…) ;
– métaboliques (hypothyroïdie, dialyse) ;
– bactériennes (Coxiella burnetii, bacilles à Gram négatif, staphylocoque, S. pneumoniae…) ;
– traumatiques (perforation péricardique après chirurgie par exemple ; syndrome post-péricardiotomie, tamponnade fréquente après chirurgie valvulaire) ;
– médicamenteuses.
Il n’est pas nécessaire de faire un bilan exhaustif chez tous les patients, en particulier dans les pays à faible prévalence de tuberculose, en raison de l’évolution souvent bénigne et du faible rendement des investigations.
Il convient en revanche de stratifier les malades selon le risque de complications (fort ou faible), afin de réaliser un bilan approfondi et ciblé.
En l’absence de facteurs de mauvais pronostic et d’orientation initiale vers une cause bactérienne, néoplasique ou auto- immune, il est minimal (ou de premier niveau, tableau 1, page suivante).
Dans le cas contraire, le patient doit être hospitalisé pour des explorations de second niveau (tableau 1).
Les sérologies virales systématiques n’ont aucun intérêt, en dehors de celles du VIH et du VHC (la confirmation d’une origine virale nécessiterait une biopsie péricardique ou une analyse du liquide). Cette dernière est particulièrement indiquée en cas de :
– tamponnade ;
– suspicion de cause bactérienne ou néoplasique ;
– épanchement modéré (espace libre d’écho en diastole > 10 mm) à important (> 20 mm, éventuellement avec compression cardiaque) et ne répondant pas à un traitement classique.
Dans 50 à 80 % des cas, aucune cause n’est retrouvée.

Prise en charge

Le patient doit être hospitalisé en cas de signes de mauvaise tolérance, selon des facteurs pronostiques (majeurs ou mineurs ; fig. 2) ou si on suspecte une étiologie autre que virale (notamment bactérienne, néoplasique ou auto-immune), enfin en l’absence de réponse à un traitement anti- inflammatoire conventionnel pendant une semaine (fig. 2).

Péricardite aiguë virale ou présumée telle

En première intention, on prescrit un anti- inflammatoire, habituellement l’aspirine à 2-3 g par jour, avec baisse progressive de la dose et durée totale de 2 à 4 mois. Les AINS (ibuprofène, indométacine, naproxène) sont des alternatives (tableau 2).
La colchicine à posologie modérée améliore les symptômes et diminue le risque de récidive. Elle est désormais associée à l’aspirine dès le premier épisode et durant 3 mois. Pas besoin de sevrage progressif (tableau 2).
Repos et contre-indication à l’activité physique sont préconisés jusqu’à disparition des signes cliniques, ECG et échographiques. Chez l’athlète, la pratique du sport est proscrite pendant au moins 3 mois.
La durée du traitement peut être guidée par la surveillance du taux de CRP. Les corticoïdes sont contre-indiqués en première intention.

Péricardite aiguë récidivante

Le traitement doit être ajusté à la cause sous-jacente. Si elle n’a pas été identifiée, la prise en charge de la récidive est similaire à celle d’un premier épisode mais avec une durée prolongée (au moins 6 mois pour la colchicine ; tableau 2).
En l’absence de réponse, des alternatives sont possibles, notamment les corticoïdes à dose modérée (prednisone 0,25 à 0,5 mg/kg/j) pour éviter les récidives (après éli- mination d’une cause bactérienne).
Le sevrage doit être très progressif.
En cas d’échec, un traitement immunosuppresseur est discuté : azathioprine (Imurel), immunoglobulines IV ou inhibiteurs du récepteur de l’IL-1 (anakinra, Kineret).
En dernier recours, la chirurgie (péricar- dectomie) est envisageable.
Compression aiguë du cœur par l’accumulation péricardique de liquide, caillots sanguins ou gaz…
Dyspnée, polypnée, orthopnée et douleurs thoraciques non spécifiques
Reflux hépato-jugulaire, turgescence jugulaire, foie cardiaque, voire ascite et œdèmes des membres inférieurs
Cœur rapide (> 100 batt/min), frottement parfois présent même en cas d’épanchement important, bruits du cœur souvent sourds
Hypotension artérielle systolique possible avec pincement de la différentielle. Pouls paradoxal (réduction inspiratoire de la PAS d’au moins 10 mmHg par rapport à l’expiration) dans plus de deux tiers des cas
L’évolution est souvent favorable, mais le pronostic est lié à la cause, au risque de tamponnade, de péricardite constrictive, de récidive.
Stratifier les patients (fort ou bas risque de complications) permet de cibler ceux qui doivent bénéficier d’un bilan approfondi.
Le traitement repose sur l’aspirine (ou les AINS), mais aussi la colchicine (dès le 1er épisode) et la restriction de l’activité physique.
Encadre

Tamponnade : urgence absolue

Compression aiguë du cœur par l’accumulation péricardique de liquide, caillots sanguins ou gaz…

Dyspnée, polypnée, orthopnée et douleurs thoraciques non spécifiques

Reflux hépato-jugulaire, turgescence jugulaire, foie cardiaque, voire ascite et œdèmes des membres inférieurs

Cœur rapide (> 100 batt/min), frottement parfois présent même en cas d’épanchement important, bruits du cœur souvent sourds

Hypotension artérielle systolique possible avec pincement de la différentielle. Pouls paradoxal (réduction inspiratoire de la PAS d’au moins 10 mmHg par rapport à l’expiration) dans plus de deux tiers des cas

Références
1. Adler Y, Charron P, Imazio M, et al. ESC Guidelines for the diagnosis and management of pericardial diseases. The Task Force for the Diagnosis and Management of Pericardial Diseases of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2015;36:2921-64.
2. Imazio M, Brucato A, Cemin R, et al. A randomized trial of colchicine for acute pericarditis. N Engl J Med 2013;369:1522-8.
3. Imazio M, Belli R, Brucato A, et al. Efficacy and safety of colchicine for treatment of multiple recurrences of pericarditis (CORP-2): a multicentre, double-blind, placebo-controlled, randomised trial. Lancet 2014;383:2232-7.
4. Cremer PC, Kumar A, Kontzias A, et al. Complicated Pericarditis: Understanding Risk Factors and Pathophysiology to Inform Imaging and Treatment. J Am Coll Cardiol 2016;68:2311-28.
5. Doctor NS, Shah AB, Coplan N, Kronzon I. Acute Pericarditis. Prog Cardiovasc Dis 2017;59:349-59.

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essentiel

L’évolution est souvent favorable, mais le pronostic est lié à la cause, au risque de tamponnade, de péricardite constrictive, de récidive.

Stratifier les patients (fort ou bas risque de complications) permet de cibler ceux qui doivent bénéficier d’un bilan approfondi.

Le traitement repose sur l’aspirine (ou les AINS), mais aussi la colchicine (dès le 1er épisode) et la restriction de l’activité physique.