Compte tenu de la prévalence élevée de l’obésité en France, évaluée en 2020 à 17 % de la population adulte par l’étude Obepi-Roche 2020, de nouvelles stratégies thérapeutiques émergent. C’est notamment le cas des analogues de l’incrétine glucagon-like peptide- 1 (GLP- 1), qui font l’objet d’un véritable engouement médical et médiatique. Ces molécules jouent un rôle à la fois sur le signal de rassasiement, en retardant la vidange gastrique, et sur le comportement alimentaire.
Les deux membres de cette famille de médicaments les plus en vue aujourd’hui sont le sémaglutide et le tirzépatide. En France, le sémaglutide (Wegovy), analogue simple du GLP- 1, a une AMM européenne dans l’obésité depuis janvier 2022 et un avis favorable au remboursement de la HAS depuis décembre 2022 pour un IMC ≥ 35 avant 65 ans. Le tirzépatide, qui a reçu l’AMM européenne pour le contrôle du poids en décembre 2023, devrait être commercialisé en France fin 2024 ; il s’agit d’un double analogue du GLP- 1 et du peptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP), une autre incrétine. En associant ces deux modes d’action, le tirzépatide devrait avoir un effet synergique par rapport aux simples analogues du GLP- 1, mais qu’en est-il vraiment ?
Si un essai randomisé contrôlé de phase III comparant les deux molécules, SURMOUNT- 5, est en cours, il ne devrait pas fournir de résultats avant fin 2024, et il n’y a toujours pas de données comparatives à ce sujet dans la littérature.
Afin de mener une comparaison en vie réelle, des auteurs américains ont mené une étude de cohorte rétrospective sur 18 386 patients obèses ou en surpoids (âge moyen = 52,0 ans, écart-type = 12,9 ans ; 70,5 % de femmes) à qui l’on a prescrit du sémaglutide ou du tirzépatide dans le cadre du traitement du diabète de type 2, entre mai 2022 et septembre 2023. Le poids initial des patients était de 110 kilos (écart-type = 25,8 kg). Les chercheurs ont utilisé comme critère principal le changement de poids pendant le traitement (c’est-à-dire la probabilité d’atteindre une perte de poids de plus de 5 %, 10 % ou 15 % par rapport au poids initial). Le taux d’effets indésirables gastro-intestinaux et d’arrêt du traitement ont également été comparés.
Les résultats sont parus début juillet dans le JAMA Internal Medicine. Les patients ayant reçu du tirzépatide avaient significativement plus de chance d’atteindre les différents paliers de perte de poids évalués (≥ 5 % de perte de poids : Hazard ratio [HR] = 1,76 et IC95 % = [1,68 ; 1,84] ; ≥ 10 % de perte de poids : HR = 2,54 et IC95 % = [2,37 ; 2,73] ; ≥ 15 % de perte de poids : HR = 3,24 et IC95 % = [2,91 ; 3,61]).
En moyenne, la perte de poids était plus importante dans le groupe tirzépatide.
Les taux d’effets indésirables et d’arrêt du traitement étaient similaires entre les deux médicaments.
Les auteurs en déduisent que les patients traités par tirzépatide ont une chance significativement plus importante d’atteindre une plus grande réduction de poids que ceux traités par sémaglutide. Ils indiquent toutefois que de futures recherches doivent comparer les effets des deux médicaments sur d’autres points importants, comme la réduction des événements cardiovasculaires majeurs.
Mallordy F. Prise en charge de l’obésité : des évolutions ! Rev Prat (en ligne) 30 janvier 2024.