Interrogatoire et examen clinique permettent d’identifier la cause dans 50 % des cas.
Un humain sur deux perd connaissance au moins une fois pendant sa vie. Ce symptôme fréquent n’intéresse sérieusement le corps médical que depuis une vingtaine d’années. Selon la spécialité médicale du consultant, la perte de connaissance transitoire (PDCT) s’est longtemps résumée à l’alternative : épilepsie pour les neurologues et syncope par bloc auriculo- ventriculaire pour les cardiologues. Les autres origines (syncope vasovagale, troubles du rythme, maladie du sinus carotidien, etc.) ont été méprisées, occultées ou ignorées. Quelques études et surtout les recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) en 2001 ont sorti les PDCT de l’indifférence, particulièrement les syncopes.
Trois mécanismes sont en cause : un traumatisme cérébral (KO du boxeur), une décharge neuronale (épilepsie) ou une ischémie cérébrale globale et passagère (syncope). Mais la démarche diagnostique est identique : affirmer la PDCT, la rattacher à l’un de ces mécanismes et en déterminer la cause. Des explorations complémentaires complexes ne sont pas toujours nécessaires. Le plus souvent l’examen clinique « simple » est suffisant.

Affirmer la PDCT

Il n’y a qu’un seul moyen d’y parvenir a posteriori : l’interrogatoire du patient. S’il faut évidemment demander « avez-vous perdu connaissance ? », la réponse doit être prise avec réserve, surtout chez les sujets âgés qui, c’est démontré, peuvent nier ou ne plus se souvenir d’une authentique PDCT ; ou au contraire mettre une chute accidentelle sur son compte. En cas de doute, d’autres questions sont nécessaires (« êtes-vous tombé ? », « vous souvenez-vous de ce qui s’est passé ? », « avez-vous essayé de vous raccrocher ? ») et il convient d’interroger d’éventuels témoins.

Quels mécanimes ?

Traumatisme cérébral

Il semble élémentaire de le découvrir en posant la question des circonstances mais ce n’est pas toujours le cas. La PDCT entraîne souvent une chute, donc éventuellement un traumatisme : cérébral dans 2 ou 3 % des cas. Il peut alors être malaisé de démêler l’ordre des événements : la PDCT est-elle responsable du traumatisme ou l’inverse ?

Décharge neuronale

L’électro-encéphalogramme (EEG) est une aide indispensable mais pas suffisante. Nombre de fausses épilepsies ont été identifiées sur des EEG douteux et maints diagnostics ont été réfutés sur des EEG normaux. La clé est un interrogatoire bien conduit. Si cette affirmation peut sembler hasardeuse, l’expérience prouve qu’il permet à lui seul le bon diagnostic, même s’il est fait par un « non neurologue ».
Lors d’une PDCT, le seul diagnostic différentiel de l’épilepsie est la syncope. Les principaux signes qui les distinguent sont récapitulés dans le tableau. Car les 2 entités sont bien distinctes, surtout si un témoin peut raconter l’épisode.
Si le doute persiste, il faut passer la main au spécialiste adéquat choisi grâce à l’interrogatoire qui fournit une présomption diagnostique à défaut de l’établir avec certitude.

Ischémie cérébrale globale passagère

Il est impossible de mesurer, en dehors de laboratoires spécialisés, le débit cérébral global et d’objectiver l’ischémie. Mais après exclusion des deux mécanismes sus-cités, il ne reste plus à évoquer que l’ischémie cérébrale. Encore une fois, l’interrogatoire (tableau) et les examens cliniques simples (cf. infra) permettent de retenir l’ischémie cérébrale globale.

Étiologie des syncopes

Un des acquis principaux des recommandations publiées par l’ESC est d’avoir proposé une démarche diagnostique minimale mais obligatoire chez chaque patient ayant fait une syncope.
Elle repose sur un interrogatoire fouillé, persévérant et dirigé. Le patient doit raconter « sa » syncope sans omettre la description la plus précise possible du contexte dans lequel elle est survenue. Il faut donc y passer le temps nécessaire ; quelques minutes supplémentaires peuvent économiser beaucoup d’examens coûteux en douleur, temps et argent.
L’examen clinique est centré sur le système cardiovasculaire. L’auscultation repère un souffle de rétrécissement aortique avant toute confirmation échocardiographique.
La recherche d’une hypotension orthostatique est systématique ; elle est très fréquente chez les sujets âgés polymédicamentés. L’électrocardiogramme (ECG) est indispensable même chez un sujet jeune lors du premier épisode syncopal : un QT long ou un syndrome de Brugada induisent des troubles du rythme ventriculaire se manifestant par des syncopes (encadré). En cas de doute, on sollicite l’avis d’un cardiologue.
À l’issue de cette première étape, la cause de la PDCT est connue dans plus de 50 % des cas. Pour les autres patients, ce bilan initial oriente grandement la démarche diagnostique en sélectionnant les examens complémentaires prioritaires.

Erreurs de jugement

Malgré de nombreuses mises au point, l’inconscient médical refuse encore trop souvent d’admettre des notions pourtant bien établies.
Un accident ischémique transitoire (AIT) n’entraîne jamais de PDCT. Le retenir comme cause de la perte de connaissance est une erreur diagnostique qui détourne de la véritable étiologie.
Une hypoglycémie, une intoxication éthylique ou médicamenteuse provoquent éventuellement des comas mais pas de syncopes (PDCT) qui sont par définition de durée brève. Elles sont à écarter.
Encadre

ECG orientant vers une cause cardiaque

Dysfonction sinusale (FC < 40 batts/min ou pauses > 3 s)

Trouble de la conduction auriculo-ventriculaire du 2 ou 3e degré

Troubles de la conduction intraventriculaire de haut degré (trifasciculaire ou bloc de branche alternant)

Extrasystoles ventriculaires polymorphes, fréquentes ou en salve

Tachycardie ventriculaire ou torsades de pointe

Tachycardie supraventriculaire > 150 batts/min

Pré-excitation (onde delta au début du complexe QRS)

Bloc de branche droit avec sus-décalage de ST en V1-V3 (Brugada)

Bloc de branche droit avec onde T négative en V1-V3 (dysplasie arythmogène du ventricule droit)

Hypertrophie ventriculaire gauche

Troubles de la repolarisation : dont QT court et QT long

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essentiel

➜➜Elles répondent à 3 mécanismes principaux : traumatisme cérébral, épilepsie, ischémie cérébrale non focale brève.

➜ dirigé sans être dirigiste, sont la clé de voûte du diagnostic.

➜ les dédaigner est une faute médicale.