Entre mécanismes scientifiquement démontrés, éventuelles extrapolations, prévention et principe de précaution, les perturbateurs endocriniens interpellent.
Les perturbateurs endocriniens : vrai danger ou formidable intox ?
Réaction de Catherine Hill à l’article intitulé « Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? » (Barouki R, Audouze K, Coumoul X. Rev Prat 2021;71:723-6).
Il paraît utile de rappeler l’origine du concept de perturbateur endocrinien. Tout a commencé en juillet 1991 à Wingspread (Wisconsin) où 21 personnes ont été réunies par Theo Colborn : « pharmacienne de profession, elle a quitté son travail pour élever des moutons dans le Colorado, mais est revenue à une activité scientifique pour passer sa thèse de zoologie à l’âge de 58 ans ».1 Devenue responsable scientifique du Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund [WWF]) aux États-Unis, Theo Colborn a forgé avec ses invités l’expression « endocrine disruptor », traduite en français par « perturbateur endocrinien » (PE). Cette expression est née de l’observation de problèmes de reproduction dans diverses espèces animales exposées à des produits chimiques de synthèse.2 Il faut reconnaître que le terme était très bien choisi… un perturbateur, cela interpelle.
Il paraît utile de rappeler l’origine du concept de perturbateur endocrinien. Tout a commencé en juillet 1991 à Wingspread (Wisconsin) où 21 personnes ont été réunies par Theo Colborn : « pharmacienne de profession, elle a quitté son travail pour élever des moutons dans le Colorado, mais est revenue à une activité scientifique pour passer sa thèse de zoologie à l’âge de 58 ans ».1 Devenue responsable scientifique du Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund [WWF]) aux États-Unis, Theo Colborn a forgé avec ses invités l’expression « endocrine disruptor », traduite en français par « perturbateur endocrinien » (PE). Cette expression est née de l’observation de problèmes de reproduction dans diverses espèces animales exposées à des produits chimiques de synthèse.2 Il faut reconnaître que le terme était très bien choisi… un perturbateur, cela interpelle.
Des effets à faible dose ou cocktails… supposés
En juin 2009, l’Endocrine Society* a publié un texte qui déclare que les perturbateurs endocriniens remettent en cause le paradigme classique de la toxicologie : la dose fait le poison. L’effet des perturbateurs endocriniens est plus fort à faible dose qu’à forte dose ; il est même possible de ne rien observer à forte dose alors qu’à faible dose les effets peuvent être importants. Sur ce point, une étude mécanistique des effets du bisphénol A sur des cultures de cellules testiculaires est citée :3 au cours de cette étude, la prolifération cellulaire était maximale pour une dose intermédiaire. Mais une seule étude, jamais répliquée, sur un seul type de cellules est insuffisante pour étendre ce principe à tous les perturbateurs endocriniens et à tous les organismes vivants.
En octobre 2015, l’Endocrine Society a publié une nouvelle déclaration selon laquelle les perturbateurs endocriniens agissent suivant une relation dose-réponse non linéaire, avec des effets à faibles doses principalement pendant la phase de développement.4 Une autre déclaration émane d’une conférence intitulée « Programmation prénatale et toxicité » (Prenatal Programming and Toxicity, PPTOX) qui fait référence à un mécanisme de double choc : « un premier choc dû à un perturbateur endocrinien pendant la grossesse (donc pendant le développement du futur nouveau-né) et un second choc dû à un œstrogène à l’âge adulte » expliqueraient l’apparition de cancers de la prostate et du testicule. La déclaration de l’Endocrine Society de 2015 conclut : « Il y a un fort niveau de preuve de perturbation endocrine au plan mécanistique et expérimental chez l’animal, et épidémiologique chez l’humain, notamment pour les effets suivants : obésité et diabète, reproduction chez la femme et chez l’homme, cancers hormonaux chez la femme, cancer de la prostate, effets thyroïdiens, neurodéveloppementaux et neuroendocriniens. »5
L’article intitulé « Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? Effets différés, à faible dose ou en cocktail : de nouveaux enjeux pour la toxicologie », publié dans La Revue du Praticien,6 explique comment définir un perturbateur endocrinien, annonce des perturbateurs endocriniens avérés ou présumés mais n’en fournit pas de liste précise. Il est écrit : « Parmi les perturbateurs endocriniens avérés ou présumés, on trouve des pesticides, des polluants organiques persistants, des plastifiants, des retardateurs de flamme, des composés perfluorés, des métaux, des mycotoxines et des médicaments. »
En octobre 2015, l’Endocrine Society a publié une nouvelle déclaration selon laquelle les perturbateurs endocriniens agissent suivant une relation dose-réponse non linéaire, avec des effets à faibles doses principalement pendant la phase de développement.4 Une autre déclaration émane d’une conférence intitulée « Programmation prénatale et toxicité » (Prenatal Programming and Toxicity, PPTOX) qui fait référence à un mécanisme de double choc : « un premier choc dû à un perturbateur endocrinien pendant la grossesse (donc pendant le développement du futur nouveau-né) et un second choc dû à un œstrogène à l’âge adulte » expliqueraient l’apparition de cancers de la prostate et du testicule. La déclaration de l’Endocrine Society de 2015 conclut : « Il y a un fort niveau de preuve de perturbation endocrine au plan mécanistique et expérimental chez l’animal, et épidémiologique chez l’humain, notamment pour les effets suivants : obésité et diabète, reproduction chez la femme et chez l’homme, cancers hormonaux chez la femme, cancer de la prostate, effets thyroïdiens, neurodéveloppementaux et neuroendocriniens. »5
L’article intitulé « Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? Effets différés, à faible dose ou en cocktail : de nouveaux enjeux pour la toxicologie », publié dans La Revue du Praticien,6 explique comment définir un perturbateur endocrinien, annonce des perturbateurs endocriniens avérés ou présumés mais n’en fournit pas de liste précise. Il est écrit : « Parmi les perturbateurs endocriniens avérés ou présumés, on trouve des pesticides, des polluants organiques persistants, des plastifiants, des retardateurs de flamme, des composés perfluorés, des métaux, des mycotoxines et des médicaments. »
Que dit l’Union européenne ?
La liste des 100 composés chimiques identifiés, à l’heure actuelle, comme perturbateurs endocriniens a été établie par l’Union européenne (tableau ) :7
– 73 de ces composés contiennent le terme phénol (nonylphénol, butylphénol, bisphénol A…) ;
– 14 autres le terme phénoxy (nonylphénoxy pour 9) ;
– 5 sont des phtalates ;
– on y trouve enfin le 3-benzylidène camphre, le butylparabène, le cholécalciférol ou vitamine D3, le mancozèbe, le poly(oxy-1,2-éthanédiyl), le polyéthylène glycol et le phosphite de tris(nonylphényle).7
Il serait utile de compléter ce tableau avec des informations sur le volume de chacune de ces substances mises en circulation chaque année, par exemple, sur les circonstances d’exposition de la population et sur des dosages chez l’humain. Une recherche rapide a permis de trouver quelques-unes de ces informations sur certains de ces produits.
Cette liste ne contient aucune hormone exogène ; on n’y trouve même pas le Distilbène (diéthylstilbestrol) pourtant cité page 723 de l’article6 comme un modèle des effets attribués aux perturbateurs endocriniens. Il semble, il est vrai, logique d’exclure de ce champ toxicologique les traitements conçus pour résoudre les dysfonctionnements de certaines glandes endocrines. S’il fallait les inclure, il faudrait aussi évoquer le risque de cancer du sein augmenté par les contraceptifs oraux, qui réduisent par ailleurs les risques de cancer de l’ovaire et de l’endomètre, mentionner le risque de méningiome associé aux acétates de cyprotérone, de nomégestrol et de chlormadinone (respectivement Androcur, Lutényl et Lutéran), décrire les risques augmentés par le traitement hormonal de la ménopause, se demander si la L-thyroxine (Levothyrox…) et l’insuline sont toxiques…
– 73 de ces composés contiennent le terme phénol (nonylphénol, butylphénol, bisphénol A…) ;
– 14 autres le terme phénoxy (nonylphénoxy pour 9) ;
– 5 sont des phtalates ;
– on y trouve enfin le 3-benzylidène camphre, le butylparabène, le cholécalciférol ou vitamine D3, le mancozèbe, le poly(oxy-1,2-éthanédiyl), le polyéthylène glycol et le phosphite de tris(nonylphényle).7
Il serait utile de compléter ce tableau avec des informations sur le volume de chacune de ces substances mises en circulation chaque année, par exemple, sur les circonstances d’exposition de la population et sur des dosages chez l’humain. Une recherche rapide a permis de trouver quelques-unes de ces informations sur certains de ces produits.
Cette liste ne contient aucune hormone exogène ; on n’y trouve même pas le Distilbène (diéthylstilbestrol) pourtant cité page 723 de l’article6 comme un modèle des effets attribués aux perturbateurs endocriniens. Il semble, il est vrai, logique d’exclure de ce champ toxicologique les traitements conçus pour résoudre les dysfonctionnements de certaines glandes endocrines. S’il fallait les inclure, il faudrait aussi évoquer le risque de cancer du sein augmenté par les contraceptifs oraux, qui réduisent par ailleurs les risques de cancer de l’ovaire et de l’endomètre, mentionner le risque de méningiome associé aux acétates de cyprotérone, de nomégestrol et de chlormadinone (respectivement Androcur, Lutényl et Lutéran), décrire les risques augmentés par le traitement hormonal de la ménopause, se demander si la L-thyroxine (Levothyrox…) et l’insuline sont toxiques…
Certaines données sont vérifiées
Le paragraphe intitulé « Les impacts sanitaires sont multiples »6 considère les perturbateurs endocriniens comme un tout univoque, et affirme qu’ils sont impliqués dans le développement de certains cancers, de maladies métaboliques et neurologiques sans dire quel perturbateur augmente quel risque. Considérer de la même façon l’arsenic, la dioxine, des pesticides divers et variés, des métaux, et en résumer la toxicité en disant qu’ils sont responsables de cancers, de maladies neurologiques, etc., sans préciser quelles associations exposition-risque précises sont démontrées, relève de l’extrapolation. Les différents pesticides dont l’effet cancérogène certain a été prouvé pour l’homme augmentent chacun le risque de cancer d’un type précis.
Ainsi le diazinon** augmente les risques de cancer du poumon et de lymphome non hodgkinien, le malathion** augmente les risques de lymphome non hodgkinien et de cancer de la prostate, et le lindane** augmente le risque de lymphome non hodgkinien.8 Toutes ces augmentations ont été observées dans les populations d’agriculteurs et d’épandeurs exposés professionnellement ; les doses reçues par la population générale sont beaucoup plus faibles, et aucune augmentation de risque n’a été mise en évidence. Aucun de ces trois produits ne figure dans la liste des perturbateurs endocriniens de l’Union européenne.7 En dehors du risque de cancers, les pesticides, et particulièrement les insecticides organochlorés (dont le lindane et le DDT, tous deux aujourd’hui interdits), augmentent le risque de maladie de Parkinson des agriculteurs exposés. Ainsi, les différents pesticides, que l’on peut notamment classer selon leur objectif (herbicide, fongicide, insecticide, parasiticide) et leur composition chimique (insecticides organochlorés, organophosphorés, pyréthrinoïdes, paradichlorobenzène, inhibiteurs de la succinate déshydrogénase [SDHi]...), ont des toxicités différentes.
Ainsi le diazinon** augmente les risques de cancer du poumon et de lymphome non hodgkinien, le malathion** augmente les risques de lymphome non hodgkinien et de cancer de la prostate, et le lindane** augmente le risque de lymphome non hodgkinien.8 Toutes ces augmentations ont été observées dans les populations d’agriculteurs et d’épandeurs exposés professionnellement ; les doses reçues par la population générale sont beaucoup plus faibles, et aucune augmentation de risque n’a été mise en évidence. Aucun de ces trois produits ne figure dans la liste des perturbateurs endocriniens de l’Union européenne.7 En dehors du risque de cancers, les pesticides, et particulièrement les insecticides organochlorés (dont le lindane et le DDT, tous deux aujourd’hui interdits), augmentent le risque de maladie de Parkinson des agriculteurs exposés. Ainsi, les différents pesticides, que l’on peut notamment classer selon leur objectif (herbicide, fongicide, insecticide, parasiticide) et leur composition chimique (insecticides organochlorés, organophosphorés, pyréthrinoïdes, paradichlorobenzène, inhibiteurs de la succinate déshydrogénase [SDHi]...), ont des toxicités différentes.
Un comportement toxicologique qui interroge
On annonce que les perturbateurs endocriniens possèdent des caractéristiques toxicologiques inhabituelles « remettant en cause les méthodes traditionnelles en toxicologie » 6. Ainsi on leur attribue des relations dose-effet surprenantes : « les effets pouvant être plus puissants à des doses faibles ou moyennes qu’ils ne le sont à doses plus élevées » 6. On évoque « l’effet cocktail » dans lequel de très faibles doses de produits différents se cumulent jusqu’à entraîner un effet toxique qu’aucun produit n’aurait causé seul. Est-ce possible ? Oui en principe, mais ceci suppose que ces produits agissent sur le même système, dans la même direction. Or les substances identifiées comme perturbateurs endocriniens agissent de différentes façons sur le système endocrinien, certains effets sont d’ailleurs directement opposés (effet œstrogène versus effet anti-œstrogène, par exemple). Par ailleurs, les doses de la plupart des perturbateurs endocriniens auxquelles la population est exposée sont très faibles, c’est pour cela qu’il faut invoquer un mécanisme nouveau, « l’effet cocktail », pour rendre vraisemblable une éventuelle toxicité. Les doses de beaucoup des perturbateurs endocriniens auxquels nous sommes exposés sont aussi absolument négligeables au regard des expositions naturelles aux hormones endogènes ou alimentaires aux phyto-œstrogènes.
Les effets différés sont présentés comme « un défi pour les toxicologues »6. Pourtant, beaucoup d’expositions ont des effets différés, notamment le tabac, l’alcool, l’alimentation, les expositions professionnelles, et on sait étudier les risques des expositions in utero. C’est ainsi que l’on a pu démontrer que le valproate de sodium (Dépakine, Dépamide, Dépakote, traitements de l’épilepsie et des troubles bipolaires) entraînait des malformations congénitales chez 11 % des enfants exposés et des troubles neurodéveloppementaux chez 30 à 40 % de ces enfants.
Les effets différés sont présentés comme « un défi pour les toxicologues »6. Pourtant, beaucoup d’expositions ont des effets différés, notamment le tabac, l’alcool, l’alimentation, les expositions professionnelles, et on sait étudier les risques des expositions in utero. C’est ainsi que l’on a pu démontrer que le valproate de sodium (Dépakine, Dépamide, Dépakote, traitements de l’épilepsie et des troubles bipolaires) entraînait des malformations congénitales chez 11 % des enfants exposés et des troubles neurodéveloppementaux chez 30 à 40 % de ces enfants.
Une diabolisation ?
Pesticides, hormones exogènes, résidus de matières plastiques… peuvent avoir des effets nocifs sur la santé, y compris sur la reproduction, mais le concept et la diabolisation de leur réunion sous le mécanisme supposé d’une perturbation endocrinienne ne fait pas avancer les études sur leurs toxicités respectives. On peut invoquer un nouveau paradigme, des effets cocktails, faire appel à l’étude de l’exposome et à l’intelligence artificielle… mais où sont les données ? Quels sont les faits ?
Pas de diabolisation mais de la rationalisation
Réponse de Robert Barouki, Karine Audouze et Xavier Coumoul au texte de Catherine Hill reproduit ci-dessus.
En réponse à son texte, intitulé « Les perturbateurs endocriniens : vrai danger ou formidable intox ? », concernant la publication « Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? » de Robert Barouki, Karine Audouze et Xavier Coumoul, paru dans La Revue du Praticien,1 les auteurs remercient Catherine Hill d’avoir pris le temps de commenter leur article et d’avoir apporté des compléments, dont certains sont utiles.
Cet article était nécessairement limité en taille et n’aurait pas pu décrire les différentes études portant sur toutes les substances suspectées, qui nécessiteraient chacune une monographie. Catherine Hill en a répertorié une centaine, et la liste est loin d’être complète.
Lorsque nous parlons de faibles doses, ou d’impact sanitaire, nous ne prétendons pas que chaque perturbateur endocrinien (PE) possède l’ensemble des propriétés et entraîne la totalité des impacts sanitaires cités. Ce type d’analyse très détaillée se trouve notamment dans l’expertise de l’Inserm2 sur les pesticides ou dans des monographies internationales. Ce que l’article décrit, ce sont des impacts sanitaires pouvant être associés à un mécanisme de perturbation endocrinienne et qui ont été illustrés par certaines substances. Les remarques de Catherine Hill appellent cependant quelques commentaires.
En réponse à son texte, intitulé « Les perturbateurs endocriniens : vrai danger ou formidable intox ? », concernant la publication « Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? » de Robert Barouki, Karine Audouze et Xavier Coumoul, paru dans La Revue du Praticien,1 les auteurs remercient Catherine Hill d’avoir pris le temps de commenter leur article et d’avoir apporté des compléments, dont certains sont utiles.
Cet article était nécessairement limité en taille et n’aurait pas pu décrire les différentes études portant sur toutes les substances suspectées, qui nécessiteraient chacune une monographie. Catherine Hill en a répertorié une centaine, et la liste est loin d’être complète.
Lorsque nous parlons de faibles doses, ou d’impact sanitaire, nous ne prétendons pas que chaque perturbateur endocrinien (PE) possède l’ensemble des propriétés et entraîne la totalité des impacts sanitaires cités. Ce type d’analyse très détaillée se trouve notamment dans l’expertise de l’Inserm2 sur les pesticides ou dans des monographies internationales. Ce que l’article décrit, ce sont des impacts sanitaires pouvant être associés à un mécanisme de perturbation endocrinienne et qui ont été illustrés par certaines substances. Les remarques de Catherine Hill appellent cependant quelques commentaires.
L’histoire compte
Concernant l’historique des perturbateurs endocriniens, la réunion de Wingspread est en effet un jalon déterminant. À nouveau, notre article a surtout rapidement parlé des étapes scientifiques et ne pouvait pas décrire l’historique en détail, bien que nous nous y intéressions beaucoup. D’ailleurs, nous avons organisé, avec le comité d’histoire de l’Inserm, un colloque sur l’histoire de la santé environnementale, en novembre 2021, et des articles sur le sujet seront publiés au printemps 2022. Ces aspects historiques seront ainsi largement développés.
Le Distilbène est bien un modèle à connaître
Le Distilbène vérifie l’ensemble des caractéristiques d’un perturbateur endocrinien et fournit en fait un modèle unique de ce que peuvent provoquer les perturbateurs endocriniens, puisque des personnes en ont été victimes et des observations ont été effectuées dans les populations humaines. Pour rappel, l’histoire du Distilbène croise celle du bisphénol A dès les années 1930 car ces deux composés ont été synthétisés dans un but pharmacologique et pour leurs propriétés de perturbation hormonale. Par la suite, le Distilbène a été choisi et le bisphénol A recyclé en plastifiant. Il est donc très important de bien connaître les effets du Distilbène lorsque l’on s’intéresse aux perturbateurs endocriniens.
Les effets différés du tabac et de l’alcool ne sont pas comparables
En effet, leurs mécanismes sont très différents de ceux des perturbateurs endocriniens. Dans un cas, une exposition longue et répétée est nécessaire pour observer les impacts sanitaires alors que, pour certains perturbateurs endocriniens, une exposition courte à un moment critique du développement semble suffisante pour entraîner un effet toxique qui n’apparaîtra que bien plus tard.
Dans ce sens, Catherine Hill a raison d’évoquer le cas du valproate de sodium, dont l’exposition pendant la vie fœtale perturbe le neurodéveloppement. Ce profil d’action temporel est similaire à celui de certains perturbateurs endocriniens.
Dans ce sens, Catherine Hill a raison d’évoquer le cas du valproate de sodium, dont l’exposition pendant la vie fœtale perturbe le neurodéveloppement. Ce profil d’action temporel est similaire à celui de certains perturbateurs endocriniens.
Objectif : utiliser une approche capable de protéger la population
Nous considérons qu’une classification des substances toxiques selon leur mécanisme d’action est une approche rationnelle et utile pour développer de nouveaux tests et caractériser plus rapidement des dizaines de milliers de substances chimiques commercialisées, dont nous ne connaissons pas les impacts sanitaires et environnementaux. Cette approche est nécessaire pour étudier les effets des mélanges. Travailler sur chaque substance indépendamment des autres, à travers notamment des études épidémiologiques ciblées, sera très long et ne permettra pas de protéger les populations. Le niveau de preuve peut être différent d’une substance à une autre, selon les études qui ont pu être réalisées, mais un niveau de preuve intermédiaire peut, dans certains cas, suffire pour prendre des décisions de santé publique. Dans la mesure où les données sont publiques et l’analyse précise, transparente et ouverte aux commentaires, il ne s’agit aucunement de diabolisation mais plutôt de rationalisation d’un champ scientifique complexe.
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Dans tous les cas, les échanges factuels entre collègues sur ces sujets sont utiles pour faire progresser le débat.
* L’Endocrine Society, fondée en 1916, est une société savante et médicale internationale d’origine américaine dédiée à la recherche fondamentale et clinique dans le domaine de l’endocrinologie.** Les noms chimiques du diazinon, du malathion et du lindane sont respectivement phosphorothioate de O,O-diéthyl-O-[4-méthyl-6-(propan-2-yl)pyrimidin-2-yl] ; 1,2-bis(éthoxycarbonyl)éthyl O,O-diméthyl phosphorodithioate ; γ 1,2,3,4,5,6-hexachlorocyclohexane.
Références
1. Cicolella A. Les perturbateurs endocriniens en accusation. Paris : Les petits matins ; 2018.
2. Endocrine Society. What EDCs Are [en ligne]. Disponible sur : www.endocrine.org/topics/edc/what-edcs-are
3. Bouskine A, Nebout M, Brücker-Davis F, Benahmed M, Fenichel P. Low doses of bisphenol A promote human seminoma cell proliferation by activating PKA and PKG via a membrane G-protein-coupled estrogen receptor. Environ Health Perspect 2009;117:1053-8.
4. Gore AC, Chappell VA, Fenton SE, Flaws JA, Nadal A, Prins GS, et al. EDC-2: the Endocrine Society’s second scientific statement on endocrine-disrupting chemicals. Endocr Rev 2015,36:E1-E150.
5. Gore AC, Chappell VA, Fenton SE, Flaws JA, Nadal A, Prins GS, et al. Executive Summary to EDC-2: the Endocrine Society’s second scientific statement on endocrine-disrupting chemicals. Endocr Rev 2015,36:593-602.
6. Barouki R, Audouze K, Coumoul X. Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? Rev Prat 2021;71:723-6.
7. Endocrine disruptors lists. List 1 Substances identified as endocrine disruptors at EU level [en ligne]. 2021. Disponible sur : https://edlists.org/the-ed-lists/list-i-substances-identified-as-endocrine-disruptors-by-the-eu?page=0
8. Marant-Micallef C, Shield KD, Vignat J, Hill C, Rogel A, Menvielle G, et al. Nombre et fractions de cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine en 2015 : résultats principaux. BEH 2018,21:442-8. Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/nombre-et-fractions-de-cancers-attribuables-au-mode-de-vie-et-a-l-environnement-en-france-metropolitaine-en-2015-resultats-principaux
2. Endocrine Society. What EDCs Are [en ligne]. Disponible sur : www.endocrine.org/topics/edc/what-edcs-are
3. Bouskine A, Nebout M, Brücker-Davis F, Benahmed M, Fenichel P. Low doses of bisphenol A promote human seminoma cell proliferation by activating PKA and PKG via a membrane G-protein-coupled estrogen receptor. Environ Health Perspect 2009;117:1053-8.
4. Gore AC, Chappell VA, Fenton SE, Flaws JA, Nadal A, Prins GS, et al. EDC-2: the Endocrine Society’s second scientific statement on endocrine-disrupting chemicals. Endocr Rev 2015,36:E1-E150.
5. Gore AC, Chappell VA, Fenton SE, Flaws JA, Nadal A, Prins GS, et al. Executive Summary to EDC-2: the Endocrine Society’s second scientific statement on endocrine-disrupting chemicals. Endocr Rev 2015,36:593-602.
6. Barouki R, Audouze K, Coumoul X. Perturbateurs endocriniens : de quoi parle-t-on, et quels nouveaux mécanismes de toxicité mettent-ils en jeu ? Rev Prat 2021;71:723-6.
7. Endocrine disruptors lists. List 1 Substances identified as endocrine disruptors at EU level [en ligne]. 2021. Disponible sur : https://edlists.org/the-ed-lists/list-i-substances-identified-as-endocrine-disruptors-by-the-eu?page=0
8. Marant-Micallef C, Shield KD, Vignat J, Hill C, Rogel A, Menvielle G, et al. Nombre et fractions de cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine en 2015 : résultats principaux. BEH 2018,21:442-8. Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/nombre-et-fractions-de-cancers-attribuables-au-mode-de-vie-et-a-l-environnement-en-france-metropolitaine-en-2015-resultats-principaux