La mort subite d’origine cardiaque cause 5 millions de décès par an dans le monde. La prévention est limitée par sa survenue brutale, le plus souvent dans une population estimée saine. La meilleure connaissance des facteurs prédictifs et des symptômes précurseurs ainsi que de nouvelles approches fondées sur l’IA et les dispositifs connectés peuvent améliorer la prévention et le pronostic. Le point avec le Pr Christian Spaulding, cardiologue, HEGP, Paris.

Quelles sont les mesures les plus efficaces pour prévenir la mort subite ?

La prévention de la mort subite d’origine cardiaque s’est focalisée ces dernières années sur l’identification des individus à haut risque et la mise en place de défibrillateurs implantables (DAI), dont l’intérêt est toutefois discuté.

Or, la première cause de mort subite étant la cardiopathie ischémique, la prévention cardiovasculaire primaire et secondaire est aujourd’hui la mesure la plus efficace sur la diminution de la fréquence de la mort subite. La prévention primaire repose sur le repérage des personnes à risque cardiovasculaire, la lutte contre les facteurs de risque connus (tabagisme, diabète, HTA, dyslipidémie), la promotion de l’activité physique, une alimentation saine et parfois le traitement médical d’un facteur de risque. Chez les patients coronariens, la prévention secondaire se fonde sur les mêmes mesures associées à un suivi régulier par le généraliste et le cardiologue.

Ces mesures ont fait leurs preuves : les registres suédois mettent en évidence que les arrêts cardiaques d’origine coronaire sont en diminution ces dernières années alors que ceux de cause neurologique augmentent. Dans l’étude TROMSO, l’arrêt du tabac, le contrôle de l’HTA et de l’hypercholestérolémie font baisser de 66 % les événement graves dont la mort subite, en prévention primaire.

Autre facteur de progrès dans la prévention des morts subites : les progrès dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, qui ont amélioré le pronostic de ces patients.

Le pronostic reste pourtant sombre…

Malgré la diffusion des défibrillateurs automatiques et l’éducation du grand public aux premiers gestes, le pronostic de mort subite d’origine cardiaque reste sévère, avec moins de 10 % de personnes sorties vivantes de réanimation après arrêt cardiaque extrahospitalier. La prévention est limitée par sa survenue brutale chez des personnes qui sont apparemment en bonne santé (plus de 50 % des cas).

Comment améliorer le pronostic ?

En Île-de-France, une mort subite survient dans 5 % des cas d’infarctus pris en charge par le Samu. Les facteurs prédictifs sont l’âge jeune, un délai court entre le début des symptômes et l’appel au Samu, une dyspnée, l’absence de diabète et d’obésité. D’autres études récentes ont montré que la mort subite est précédée de signes dans plus de la moitié des cas : douleurs thoraciques, dyspnée et syncope, survenant dans le mois précédent, avec un pic dans les dernières 24 h. Connaître ces facteurs prédictifs permettrait un appel précoce aux soins préhospitaliers et d’améliorer la régulation de ces urgences.

Pour affiner la valeur pronostique de ces symptômes, qui restent toutefois peu spécifiques, différentes pistes sont à l’étude. Aujourd’hui, smartphones et montres connectées peuvent enregistrer un ECG à six pistes. Dans quelques années, des algorithmes décisionnels fondés sur l’IA pourront estimer la probabilité de survenue d’une mort subite à partir d’un ensemble de donnés, cliniques et provenant d’appareils connectés (ECG…).

Par ailleurs, des applications sur smartphone comme SAUV LIFE ont été développées pour alerter les citoyens formés aux gestes de premiers secours : en cas de survenue d’un arrêt cardiaque à proximité, les personnes inscrites peuvent géolocaliser la victime et le défibrillateur le plus proche. Enfin, dans certaines villes (en Australie par exemple), des drones sont utilisés pour apporter un défibrillateur sur les lieux de l’arrêt. 

Ces outils de prévention sont un maillon supplémentaire dans la chaîne de survie qui s’est enrichie dans les années 1970 par les gestes de premiers secours et dans les années 1990 par l’utilisation des défibrillateurs par le grand public. 

Quels messages pour le MG ?

Les médecins traitants jouent un rôle crucial dans la prévention et la prise en charge de la mort subite : ils mettent en place les mesures de prévention primaire et secondaire, ils contribuent à l’éducation du grand public aux gestes de premiers secours et peuvent participer à des réseaux de prévention (comme SAUV LIFE).

Pour en savoir plus
Spaulding C. Peut-ton prédire la mort subite d’origine cardiaque ?  Bull Acad Natl Med 2023;207(3):257-61.