Ce terme, qu’on commence à réentendre dans les couloirs de l’hôpital, est le diminutif de « bactériophages » : un virus dont l’hôte est une bactérie.
On distingue, parmi ces virus à tropisme bactérien, les« tempérés » des « virulents ». Les premiers intègrent leur génome viral à celui de la bactérie et détournent ensuite la machinerie métabolique de leur hôte pour se reproduire. Les virulents provoquent également la lyse de la bactérie infectée.
Ils ont été découverts en parallèle par Frederick Twort, microbiologiste anglais en 1915, et par Félix d’Hérelle, franco-canadien en 1917 devant un aspect mité de certaines colonies bactériennes. Puis, la « phagothérapie », ou thérapie antibactérienne à base de phages, a vu le jour.
Toutefois, cette thérapeutique innovante a été rapidement concurrencée par l’identification de la pénicilline par Alexander Fleming en 1928. Le développement des antibiotiques a connu ensuite un essor prodigieux. Leur efficacité était telle qu’ils ont été considérés comme une solution définitive contre les maladies bactériennes. Cependant, la pression de sélection induite par leur usage massif et non contrôlé a entraîné une multitude de mécanismes de résistance. La « vie sociale » très développée des bactéries (échanges de plasmides, transposons…) a favorisé leur diffusion. Les dernières décennies ont ainsi vu émerger des phénotypes de multi-, voire de pan-résistance...
Malgré le large arsenal thérapeutique de l’antibiothérapie, on manque d’armes efficaces. La recherche pharmaceutique se développe, certes, mais à une cadence malheureusement trop lente... C’est dans ce contexte que renaît l’intérêt pour la phagothérapie. Dans certains pays de l’Est, comme la Géorgie, elle est déjà couramment utilisée, de la cystite aux dermohypodermites en passant par les infections ORL ou ostéoarticulaires.
On distingue, parmi ces virus à tropisme bactérien, les« tempérés » des « virulents ». Les premiers intègrent leur génome viral à celui de la bactérie et détournent ensuite la machinerie métabolique de leur hôte pour se reproduire. Les virulents provoquent également la lyse de la bactérie infectée.
Ils ont été découverts en parallèle par Frederick Twort, microbiologiste anglais en 1915, et par Félix d’Hérelle, franco-canadien en 1917 devant un aspect mité de certaines colonies bactériennes. Puis, la « phagothérapie », ou thérapie antibactérienne à base de phages, a vu le jour.
Toutefois, cette thérapeutique innovante a été rapidement concurrencée par l’identification de la pénicilline par Alexander Fleming en 1928. Le développement des antibiotiques a connu ensuite un essor prodigieux. Leur efficacité était telle qu’ils ont été considérés comme une solution définitive contre les maladies bactériennes. Cependant, la pression de sélection induite par leur usage massif et non contrôlé a entraîné une multitude de mécanismes de résistance. La « vie sociale » très développée des bactéries (échanges de plasmides, transposons…) a favorisé leur diffusion. Les dernières décennies ont ainsi vu émerger des phénotypes de multi-, voire de pan-résistance...
Malgré le large arsenal thérapeutique de l’antibiothérapie, on manque d’armes efficaces. La recherche pharmaceutique se développe, certes, mais à une cadence malheureusement trop lente... C’est dans ce contexte que renaît l’intérêt pour la phagothérapie. Dans certains pays de l’Est, comme la Géorgie, elle est déjà couramment utilisée, de la cystite aux dermohypodermites en passant par les infections ORL ou ostéoarticulaires.
Une piste à réexplorer en France ?
En 2015, un Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST), intitulé « Phagothérapie–Retour d’expérience et perspectives » composé de cliniciens, microbiologistes et chercheurs, a été mis en place, coordonné par l’Ansm. Selon le rapport du 21 mars 2019, la phagothérapie a été réintroduite au sein de certains hôpitaux pour traiter des infections compliquées, après échec de l’antibiothérapie, considérées en impasse thérapeutique (absence d’alternative appropriée, terrain débilité, pronostic fonctionnel, voire vital engagé).
Plus de 45 demandes d’usage compassionnel de phages ont été accompagnées par l’Ansm, et une quinzaine d’administration réalisées. Le plus souvent, elles ont concerné des infections à Pseudomonas aeruginosa ou à Staphylococcus aureus : ostéo-articulaires, neuroméningées, respiratoires (mucoviscidose), vasculaires (endocardites). Les phages ont été produits par la société Pherecydes Pharma, ou issus d’une « source » académique en Belgique (hôpital militaire Reine-Astrid, Bruxelles), à partir d’une phagothèque.
Certaines limites étaient pointées par les membres du comité :
– nécessité d’une concentration suffisante de phages ;
– conditions adaptées de conservation et de transport ;
– voie d’administration (topique/intraveineux) ;
– terrain des patients candidats (thérapeutique de dernier recours) ;
– absence d’essai contrôlé randomisé.
De plus, l’acceptation de l’administration de particules virales, tant par les patients que par les soignants, a été questionnée par l’anthropologue des sciences Charlotte Brives.1 Rappelons que les phages n’infestent pas les cellules humaines (eucaryotes) mais uniquement les bactéries (procaryotes). En outre, l’inoculation de virus vivants est une pratique déjà bien établie, notamment dans la vaccination.
L’expérience en matière d’utilisation des phages semble très rassurante.2 La phagothérapie a longtemps été utilisée dans des domaines aussi variés que ceux des antibiotiques, allant de la médecine à l’agro-alimentaire. De plus, ils pourraient être une alternative thérapeutique à faible impact écologique, principalement en raison de leur spectre d’activité extrêmement restreint. En effet, chaque souche est spécifique d’une espèce bactérienne (voire d’un sous-type). La phagothérapie est donc une thérapeutique ciblée !
En ce qui concerne son immunogénicité, les données sont divergentes. La tolérance immunitaire, souvent constatée dans les cas rapportés, pourrait être expliquée par notre exposition permanente aux phages, présents notamment dans le microbiote intestinal. Toutefois, leur injection intraveineuse peut s’avérer pyrogène, essentiellement en cas de purification insuffisante des débris bactériens ayant permis de les amplifier. Par ailleurs, des anticorps anti-phages ont été décrits mais leur impact sur l’efficacité n’est pas connu à l’heure actuelle. Dans les expérimentations françaises, les préparations ont été administrées localement, in situ (topiques ou injection dans le foyer infectieux).
Plus de 45 demandes d’usage compassionnel de phages ont été accompagnées par l’Ansm, et une quinzaine d’administration réalisées. Le plus souvent, elles ont concerné des infections à Pseudomonas aeruginosa ou à Staphylococcus aureus : ostéo-articulaires, neuroméningées, respiratoires (mucoviscidose), vasculaires (endocardites). Les phages ont été produits par la société Pherecydes Pharma, ou issus d’une « source » académique en Belgique (hôpital militaire Reine-Astrid, Bruxelles), à partir d’une phagothèque.
Certaines limites étaient pointées par les membres du comité :
– nécessité d’une concentration suffisante de phages ;
– conditions adaptées de conservation et de transport ;
– voie d’administration (topique/intraveineux) ;
– terrain des patients candidats (thérapeutique de dernier recours) ;
– absence d’essai contrôlé randomisé.
De plus, l’acceptation de l’administration de particules virales, tant par les patients que par les soignants, a été questionnée par l’anthropologue des sciences Charlotte Brives.1 Rappelons que les phages n’infestent pas les cellules humaines (eucaryotes) mais uniquement les bactéries (procaryotes). En outre, l’inoculation de virus vivants est une pratique déjà bien établie, notamment dans la vaccination.
L’expérience en matière d’utilisation des phages semble très rassurante.2 La phagothérapie a longtemps été utilisée dans des domaines aussi variés que ceux des antibiotiques, allant de la médecine à l’agro-alimentaire. De plus, ils pourraient être une alternative thérapeutique à faible impact écologique, principalement en raison de leur spectre d’activité extrêmement restreint. En effet, chaque souche est spécifique d’une espèce bactérienne (voire d’un sous-type). La phagothérapie est donc une thérapeutique ciblée !
En ce qui concerne son immunogénicité, les données sont divergentes. La tolérance immunitaire, souvent constatée dans les cas rapportés, pourrait être expliquée par notre exposition permanente aux phages, présents notamment dans le microbiote intestinal. Toutefois, leur injection intraveineuse peut s’avérer pyrogène, essentiellement en cas de purification insuffisante des débris bactériens ayant permis de les amplifier. Par ailleurs, des anticorps anti-phages ont été décrits mais leur impact sur l’efficacité n’est pas connu à l’heure actuelle. Dans les expérimentations françaises, les préparations ont été administrées localement, in situ (topiques ou injection dans le foyer infectieux).
Un changement de paradigme ?
La phagothérapie n’est pas un traitement probabiliste mais une thérapie adaptée à une bactérie dûment documentée. En pratique, il faut réaliser un phagogramme, testant la sensibilité de la souche bactérienne à des phages spécifiques de son espèce. Enfin, il faut produire ces derniers en quantité suffisante.
Pour garantir son efficacité et sa pérennité, elle doit :
– être réalisée uniquement en cas d’infection bactérienne ;
– avec des associations de phages actifs ;
– être combinée à une antibiothérapie, au moins à l’initiation du traitement.
Des essais cliniques centrés sur la bactérie responsable de l’infection plutôt que sur le site infecté répondront mieux aux besoins d’évaluation de ces thérapeutiques.
Une première étude randomisée de phase 1/2 (PhagoBurn) a testé l’efficacité et la tolérance d’une association de phages, en application locale, sur des plaies de patients brûlés infectées par E. coli ou P. aeruginosa.3 à l’échelle mondiale, 7 essais randomisés interventionnels sont enregistrés sur ClinicalTrials.gov. Quatre études cliniques sont prévues en France dont 2 essais multicentriques devant débuter en 2020 (programme hospitalier de recherche clinique, PHRC).
Des données scientifiques robustes sont attendues, qui devraient permettre une évolution du statut réglementaire actuel de cette thérapie.
La phagothérapie est actuellement utilisée dans des situations d’impasse thérapeutique chez des patients au pronostic infectieux très défavorable. Donc à un stade tardif où toute autre thérapeutique serait également mise en défaut. Pour en prouver l’efficacité, il faudrait qu’elle soit instaurée dans des situations moins critiques.4 À nous, soignants, de lui valider une nouvelle place afin d’ouvrir un horizon thérapeutique à certains échecs de l’antibiothérapie.
Pour garantir son efficacité et sa pérennité, elle doit :
– être réalisée uniquement en cas d’infection bactérienne ;
– avec des associations de phages actifs ;
– être combinée à une antibiothérapie, au moins à l’initiation du traitement.
Des essais cliniques centrés sur la bactérie responsable de l’infection plutôt que sur le site infecté répondront mieux aux besoins d’évaluation de ces thérapeutiques.
Une première étude randomisée de phase 1/2 (PhagoBurn) a testé l’efficacité et la tolérance d’une association de phages, en application locale, sur des plaies de patients brûlés infectées par E. coli ou P. aeruginosa.3 à l’échelle mondiale, 7 essais randomisés interventionnels sont enregistrés sur ClinicalTrials.gov. Quatre études cliniques sont prévues en France dont 2 essais multicentriques devant débuter en 2020 (programme hospitalier de recherche clinique, PHRC).
Des données scientifiques robustes sont attendues, qui devraient permettre une évolution du statut réglementaire actuel de cette thérapie.
La phagothérapie est actuellement utilisée dans des situations d’impasse thérapeutique chez des patients au pronostic infectieux très défavorable. Donc à un stade tardif où toute autre thérapeutique serait également mise en défaut. Pour en prouver l’efficacité, il faudrait qu’elle soit instaurée dans des situations moins critiques.4 À nous, soignants, de lui valider une nouvelle place afin d’ouvrir un horizon thérapeutique à certains échecs de l’antibiothérapie.
Références
1. Ansm. Comité scientifique spécialisé temporaire. Phagothérapie – Retour d’expérience et perspectives. Juin 2019. https://bit.ly/2vUmb4a
2. Dublanchet A. La phagothérapie: des virus pour combattre les infections. Lausanne: Favre; 2009: 252 p.
3. Jault P, Leclerc T, Jennes S, et al. Efficacy and tolerability of a cocktail of bacteriophages to treat burn wounds infected by Pseudomonas aeruginosa (Phago Burn): a randomised, controlled, double-blind phase 1/2 trial. Lancet Infect Dis 2019;19:35‑45.
4. Patey O, McCallin S, Mazure H, et al. Clinical Indications and Compassionate Use of Phage Therapy: Personal Experience and Literature Review with a Focus on Osteoarticular Infections. Viruses 2018;11:18.
2. Dublanchet A. La phagothérapie: des virus pour combattre les infections. Lausanne: Favre; 2009: 252 p.
3. Jault P, Leclerc T, Jennes S, et al. Efficacy and tolerability of a cocktail of bacteriophages to treat burn wounds infected by Pseudomonas aeruginosa (Phago Burn): a randomised, controlled, double-blind phase 1/2 trial. Lancet Infect Dis 2019;19:35‑45.
4. Patey O, McCallin S, Mazure H, et al. Clinical Indications and Compassionate Use of Phage Therapy: Personal Experience and Literature Review with a Focus on Osteoarticular Infections. Viruses 2018;11:18.