On ne s’attardera pas sur les questions religieuses ou culturelles liées à l’ablation du prépuce (la circoncision), ni aux bénéfices de cette dernière dans la prévention des infections urinaires en contexte d’uropathie malformative, mais le rôle de cette peau n’est pas qu’esthétique. Son innervation sensitive/végétative et la présence de mécanorécepteurs sur sa face interne participent à la sensibilité locale et à la fonction sexuelle.1
Phimosis : de quoi parle-t-on ?
Le prépuce est le repli de peau qui recouvre le gland. On parle de phimosis lorsque l’anneau au sommet du prépuce est trop étroit et empêche de découvrir le gland.
Le diagnostic est purement clinique : il peut exister un prépuce complètement fermé ou partiellement fermé, mais avec un anneau préputial serré qui empêche la rétraction de la peau sur le gland. De temps en temps on arrive à baisser la peau, mais on peut assister à une déformation du corps du pénis qui prend une forme en « sablier » due au rétrécissement de l’anneau préputial juste en dessous du gland (fig. 1).
Le phimosis peut être primaire (et physiologique) lorsqu’il est présent dès la naissance et sans cause retrouvée, ou secondaire et donc pathologique. Les cicatrices sont souvent la conséquence d’une manipulation traumatique (décalottage forcé suivi de saignements) ou d’un processus inflammatoire local, balanites ou lichen scléro-atrophique essentiellement. Ce dernier, appelé aussi balanitis xerotica obliterans, est dû à un désordre inflammatoire chronique médié par les lymphocytes qui provoque localement une cicatrice obstructive, avec un aspect blanchâtre, épaissi et friable de la muqueuse, empêchant de voir le méat urinaire (fig. 2 et fig. 3). La littérature récente a retrouvé une prévalence anatomo-pathologique de cette pathologie de 35 % des prépuces de garçons mineurs circoncis (quelle que soit la raison de la circoncision) et 17 % des garçons circoncis de moins de 10 ans.2-3
Quelle évolution naturelle ?
Le prépuce du nouveau-né est physiologiquement non rétractable dans 95 % des cas. À la fin de la première année de vie, 50 % des garçons peuvent descendre le prépuce jusqu’à la base du gland et ce pourcentage augmente à 89 % à l’âge de 3 ans. L’incidence du phimosis est de 8 % chez les garçons entre 6 et 7 ans et rapportée à 1 % entre 16 et 18 ans.4-6
À ne pas confondre avec des adhérences balano-préputiales
Il est important de différencier un phimosis des adhérences balano-préputiales car ces dernières sont toujours physiologiques : il s’agit de vrais accolements entre les muqueuses de la face interne du prépuce et du gland ; elles sont pratiquement constantes chez le nouveau-né. Le méat urinaire est vu et la peau est partiellement abaissable. Souvent elles s’accompagnent d’une rétention sous-cutanée de smegma, sécrétion épaisse et blanchâtre produite par le prépuce.
Voir le smegma chez le petit (fig. 4), même par transparence sous le feuillet de la collerette préputiale, est un phénomène absolument normal et ne doit pas alarmer le médecin ! Au contraire, il faut rassurer la famille sur cette présence, car ces produits de desquamation du prépuce interne et du gland sont le reflet de la croissance normale de la verge de l’enfant. Ces adhérences se libèrent progressivement au fil des années, et avec le décalottage des plus grands il n’est pas rare qu’une infection locale survienne au cours de cette évolution naturelle.
Ces infections sont appelées « balanites » ou « balanoposthites », et se traduisent par un aspect œdématié et inflammatoire du méat, accompagné de douleurs mictionnelles et parfois d’émission de pus au bout du prépuce. Elles se traitent par des soins locaux de type bain d’antiseptique non alcoolique dilué, et normalement elles n’engendrent pas de conséquences particulières à long terme. Bien évidemment en cas de récidives infectieuses ou de changement d’aspect du prépuce à la suite de ces infections, il ne faut pas hésiter à consulter un spécialiste, urologue pédiatre ou chirurgien pédiatre.
Tenter de lever manuellement les adhérences en forçant la rétraction du prépuce est fortement déconseillé car, car outre la douleur et le traumatisme psychologique que ce geste engendre, il peut provoquer des saignements et/ou des cicatrices avec apparition d’un phimosis secondaire.
Quand traiter et comment ?
Si le diagnostic est confirmé à l’examen clinique, un traitement conservateur est probablement la première option pour les phimosis primaires. L’indication doit être adaptée à l’évolution naturelle du prépuce, jamais avant l’âge de 5-6 ans et on peut tranquillement attendre un âge plus avancé (9-10 ans) sans conséquence particulière si cela permet d’obtenir une meilleure compréhension et adhésion au traitement de la part du garçon (les sociétés savantes d’urologie pédiatrique déconseillent de forcer le décalottage jusqu’à l’âge de 5 ans : cf. SFUPA, Société francophone d’urologie pédiatrique et de l’adolescent, fiche informative Phimosis).
Un traitement plus précoce peut être envisagé dans les formes symptomatiques : phimosis avec dysurie, mictions préputiales souvent conséquence d’une malformation de la verge (verge enfouie), balanoposthites à répétitions, pyélonéphrites compliquant certaines uropathies.
Le traitement consiste en l’application locale (sur l’anneau rétréci) biquotidienne d’une pommade ou crème dermocorticoïde (0,05-0,1 %) de classe 2 pour une période de 4-8 semaines, avec un résultat positif dans plus de 80 % des cas.7-8 À l’arrêt du traitement, jusqu’à 17 % des enfants peuvent avoir une récidive du phimosis, mais un 2e cycle peut être proposé car ce traitement n’a pas d’effet secondaire : les études ont retrouvé le même taux de corticoïdes sanguins chez les enfants avec traitement comparés à un groupe contrôle sans traitement,9 et l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien n’est pas influencé par le traitement par dermocorticoïdes locaux.10
Ce traitement peut être initié au cabinet du pédiatre ou du médecin traitant et ne requiert pas l’avis du spécialiste.
En cas d’échec, une consultation avec un urologue pédiatre ou un chirurgien pédiatre est fortement conseillée.
Est-ce qu’un phimosis peut se compliquer ?
Oui ! Le paraphimosis est une complication grave et extrêmement douloureuse imposant une prise en charge immédiate. Il se produit lors de la rétraction d’un prépuce avec un anneau trop serré, qui reste alors coincé en dessous du gland et ne permet plus le recalottage. Cet anneau est responsable d’une constriction du pénis à ce niveau et provoque un œdème local, du gland et de la peau rétractée, pouvant à terme entraîner la nécrose ischémique du prépuce.
Le traitement consiste en une compression manuelle des tissus œdémateux, ce qui permet de remettre la peau sur le gland. Si l’œdème est très important, une solution de mannitol 20 % peut être appliquée pour le réduire et faciliter la manœuvre de « recalottage ».
Si le geste est impossible ou infructueux, une prise en charge en urgence au bloc opératoire est nécessaire pour inciser l’anneau de striction afin de réduire le paraphimosis. Parfois, on peut réaliser d’emblée une plastie de prépuce ou une circoncision.
Quand consulter le chirurgien ou l’urologue pédiatre ?
- En cas d’échec de la corticothérapie locale chez un enfant âgé de plus de 5 ans avec un phimosis primaire.
- En présence d’une uropathie ou d’une malformation génitale, dans le but de diminuer le risque d’infections urinaires.
- En cas de balanites à répétition, pour écarter la survenue d’un phimosis cicatriciel.
- En présence d’une malformation anatomique du prépuce ou d’une dysurie avérée.
- Lorsqu’il existe une gêne pendant les érections.
- Après un épisode de paraphimosis.
Quelle place pour la chirurgie ?
Elle est possible à tout âge, selon l’indication clinique. Deux techniques peuvent être proposées en fonction de l’aspect du prépuce et de la préférence des parents : la plastie du prépuce (ou posthoplastie) et la circoncision (ou posthectomie).
Le but de la plastie du prépuce est d’obtenir une peau préputiale assez large et souple pour permettre un décalottage complet et sans difficulté. Cette technique consiste à pratiquer une incision longitudinale de l’anneau préputial sur sa face dorsale et à la suturer transversalement. L’anneau préputial est ainsi élargi tout en gardant la peau. La participation des parents et de l’enfant est très importante en période post-opératoire car le décalottage régulier quotidien est toujours nécessaire pour éviter une cicatrisation sur un mode rétractile et la survenue d’un phimosis secondaire.11
Avec la circoncision, la peau n’est pas conservée. L’intervention de posthectomie consiste donc à enlever complétement le prépuce jusqu’à la base du gland, et à suturer la peau du fourreau de la verge et la collerette muqueuse du gland (fig. 5).
Ces deux interventions sont généralement pratiquées en hospitalisation de jour, sauf pathologies associées, souvent sous anesthésie générale. Le taux de complications est très variable dans la littérature, pouvant aller de 0 à 30 %. Une récente étude de Hung décrit plutôt une fréquence de 2,9 % sur un suivi de 5 ans.11 Les plus fréquentes sont l’hémorragie, les infections de la cicatrice, la sténose du méat ou des complications esthétiques comme une peau un peu redondante ou hypertrophique.
2. Gairdner D. The fate of the foreskin, a study of circumcision. Br Med J 1949;2(4642):1433-7.
3. Celis S, Reed F, Murphy F, et al. Balanitis xerotica obliterans in children and adolescents : a literature review and clinical series. J Pediatr Urol 2014;10(1):34-9.
4. Yang C, Liu X, Wei GH. Foreskin development in 10 421 Chinese boys aged 0-18 years. World J Pediatr 2009;5(4):312-5.
5. Hsieh TF, Chang CH, Chang SS. Foreskin development before adolescence in 2 149 schoolboys. Int J Urol 2006;13(7):968-70.
6. Oster J. Further fate of the foreskin. Incidence of preputial adhesions, phimosis and smegma among Danish schoolboys. Arch Dis Child 1968;43(228):200-3.
7. Zavras N, Christianakis E, Mpourikas D et al. Conservative treatment of phimosis with fluticasone proprionate 0.05 %: a clinical study in 1 185 boys. J Pediatr Urol 2009;5(3):181-5.
8. Moreno G, Corbalán J, Peñaloza B, et al. Topical corticosteroids for treating phimosis in boys. Cochrane Database Syst Rev 2014;(9):CD008973.
9. Golubovic Z, Milanovic D, Vukadinovic V, et al. The conservative treatment of phimosis in boys. Br J Urol 1996;78(5):786-8.
10. Pileggi FO, Martinelli CE Jr, Tazima MF, et al. Is suppression of hypothalamic-pituitary-adrenal axis significant during clinical treatment of phimosis? J Urol 2010;183(6):2327-31.
11. Hung YC, Chang DC, Westfal ML, et al. A Longitudinal Population Analysis of Cumulative Risks of Circumcision. J Surg Res 2019;233:111-7.