Depuis début 2020, le coronavirus SARS-CoV-2 – d’abord décelé sur le marché de Wuhan en Chine – s’est rapidement propagé dans le monde entier, provoquant une pandémie responsable de plus de 500 millions de cas, dont 6 millions de décès. Cette maladie atteint essentiellement les adultes ; cependant, dès avril 2020, des cas ont été répertoriés chez les enfants, en plus faible nombre que chez les adultes.1
Réaction inflammatoire multi- systémique
Les symptômes d’une infection par le SARS-CoV-2 sont habituellement moins marqués chez l’enfant mais peuvent parfois être assez prononcés en raison d’une réaction inflammatoire multisystémique – réponse anormale du système immunitaire à un agent infectieux –, survenant tardivement après l’infection et surtout après l’apparition des anticorps.
Ce phénomène est appelé Paediatric Inflammatory Multisystem Syndrome (PIMS) en Europe ou Multisystemic Inflammatory Syndrome in Children (MIS-C) aux États-Unis. Cette affection a été définie sur des critères établis conjointement par le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile du Royaume-Uni, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis et l’Organisation mondiale de la santé. Les enfants de tous âges sont concernés mais surtout ceux entre 6 et 10 ans (tableau 1),2 avec un âge médian de 7 ans – le plus jeune patient connu étant un nouveau-né chinois de 2 jours.3 Dans la majorité des cas, les troubles sont modérés ; mais en cas de réaction inflammatoire diffuse, les symptômes plus prononcés peuvent évoquer un syndrome de Kawasaki (tableau 2), un rhumatisme articulaire aigu ou encore une myocardite avec un état de choc nécessitant une hospitalisation. Après traitement, une surveillance cardiaque est conseillée pendant six mois, mais le pronostic est bon et la guérison est habituelle.
La fréquence de survenue du PIMS est estimée à 7,5/100 000 cas d’infection par le SARS-CoV-2 chez les moins de 18 ans. En France, depuis mars 2020, 1 171 cas de PIMS ont été répertoriés, en fonction des vagues successives (fig. 1) dont 1 081 en relation avec le SARS-CoV-2, confirmés par RT-PCR ou par une sérologie positive (données au 29 novembre 2022, publiées le 1er décembre 2022 par Santé publique France). Parmi ces cas, 755 (soit 70 %) ont été associés à une myocardite et 734 (soit 68 %) ont nécessité une hospitalisation en service de soins critiques. Les cas rapportés sont en majorité des garçons (61 %, selon le rapport du 25 août 2022 de Santé publique France).
Des symptômes variés
Les symptômes sont très variables selon les organes concernés (fig. 2). Ces enfants ont, dans le mois qui suit une infection par le SARS-CoV-2, une altération de l’état général, avec fièvre prolongée, apathie, anorexie, pâleur, frissons et algies diffuses. Sont souvent associés des troubles cardiaques (myocardite, péricardite), digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, syndrome pseudo-appendiculaire avec un abdomen souple), neurologiques (céphalées, confusion, irritabilité), respiratoires (toux, dyspnée) et cutanés (rash). Parfois, un syndrome de choc peut survenir, avec hypotension, tachycardie, hépatomégalie, mais la détresse respiratoire aiguë est rare, contrairement à l’adulte.
Une étude américaine, réalisée chez 576 enfants hospitalisés, a révélé un taux d’hospitalisation plus élevé chez les moins de 2 ans, les enfants avec une comorbidité – essentiellement l’obésité – (tableau 3) et ceux d’origine africaine et latino-américaine ;4 de même, selon une étude européenne sur 953 enfants, les cas sont plus fréquents chez les enfants ayant une obésité et ceux d’origine africaine.5 Une autre étude avec une cohorte de 1 116 enfants atteints par le SARS-CoV-2 (âge moyen : 9,7 ans) a révélé que, sur 398 enfants hospitalisés en réanimation, 10 étaient morts de PIMS.6Dans une étude allemande menée sur plus de 10 350 enfants, une hospitalisation a été nécessaire pour 7,13/10 000 enfants, dont 2,21/10 000 en service de soins intensifs, avec une mortalité de 0,09/10 000.7
Chez ces enfants atteints de PIMS, le bilan biologique montre une élévation de la vitesse de sédimentation, de la protéine C-réactive, de la procalcitonine et de la ferritine, avec des troubles de la coagulation (taux de prothrombine, D-dimères, lactate déshydrogénase) et une élévation des marqueurs de l’inflammationen raison des perturbations immunitaires (fig. 3).8 Le bilan doit aussi comporter un scanner thoracique (image pulmonaire en « verre pilé ») et une échographie cardiaque (myocardite, anévrisme des artères coronaires) [tableau 4].
Vaccination après le PIMS
Aucun critère ne permet actuellement de discerner, chez un enfant infecté par le SARS-CoV-2, une évolution éventuelle vers un PIMS. En revanche, il est bien démontré que la vaccination contre le SARS-CoV-2 chez l’enfant permet d’éviter les évolutions graves et en particulier la survenue d’un PIMS. Par ailleurs, le variant Omicron semble être moins souvent responsable de PIMS que le variant Delta.
La question s’est vite posée de la possibilité de vacciner les enfants contre le Covid-19 s’ils avaient eu un PIMS. Après une phase d’hésitation, la Haute Autorité de santé a conseillé – à l’instar d’autres pays – de les vacciner en respectant un délai de trois mois après la guérison du PIMS ; cette décision a été prise en raison de l’absence de constatation de risque d’un nouveau PIMS chez un enfant ayant déjà développé ce syndrome et de l’efficacité du vaccin qui diminue le risque de survenue de cette affection. Début janvier 2023, la couverture vaccinale en France (schéma primovaccinal sans rappel) est de 2,8 % entre 5 et 9 ans, de 8,4 % entre 10 et 11 ans et de 81,1 % entre 12 et 17 ans (données du ministère de la Santé, disponibles sur le site VaccinTracker).
Finalement, le syndrome inflammatoire multisystémique est relativement rare chez l’enfant et il ne doit pas être confondu avec un Covid long de cet âge.9 Mais, devant un enfant avec fièvre, altération de l’état général et un antécédent d’infection par le SARS-CoV-2 ou ayant été en contact avec une personne infectée, il est fortement recommandé de faire un bilan en milieu hospitalier pour envisager une prise en charge rapide.
2. Santé publique France. Situation épidémiologique liée à la Covid-19 chez les 0-17 ans. Point au 1er décembre 2022 (en ligne). Disponible sur https://bit.ly/3XsmQRQ
3. Dong YZ, Gao-Jun Z, Run-Ming J, et al. Clinical and transmission dynamics characteristics of 406 children with coronavirus disease in China: a review. J Infect 2020;81(2):e11-5.
4. Kim L, Whitaker M, O’Halloran A, et al. Hospitalization rates and characteristics of children aged < 18 years hospitalized with laboratory-confirmed Covid-19 – Covid-NET, 14 states, March 1-July 25, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020;69(32):1081-8.
5. Hoste L, Van Paemel R, Haerynck F. Multisystem inflammatory syndrome in children related to COVID-19: a systematic review. Eur J Pediatr 2021;180(7): 2019-34.
6. Feldstein LR, Tenforde MW, Friedman KG, et al. Characteristics and outcome of US children and adolescents with multisystem inflammatory syndrome in children (MIS-C) compared with severe acute Covid-19. JAMA 2021;325(11):1074-87.
7. Sorg AL, Hufnagel M, Doenhardt M et al. Risk for severe outcomes of COVID-19 and PIMS-TS in children with SARS-CoV-2 infection in Germany. Eur J Pediatr 2022;181(10):3635-43.
8. Zhou C, Zhao Y, Wang X, et al. Laboratory parameters between multisystem inflammatory syndrome in children and Kawasaki disease. Pediatr Pulmonol 2021;56(12):3688-98.
9. Bréhin C. Covid long de l’enfant. Une multitude de symptômes. Rev Prat Med Gen 2022;36(1071):461-5.