L’immunothérapie allergénique (ITA), ou désensibilisation, a pour but de réorienter le système immunitaire vers une réponse de tolérance adaptée vis-à-vis des allergènes. Il s’agit de la seule thérapeutique permettant de guérir des allergies de type I, en s’attaquant à la cause de la maladie. Le traitement agit sur des mécanismes humoraux et cellulaires du système immunitaire impliqué dans la réaction allergique, comme la production d’IgG4 spécifiques de l’allergène, la diminution des cellules pro-inflammatoires dans la peau et les muqueuses, la diminution de la libération d’histamine, la diminution de la prolifération et de la production de cytokines par les lymphocytes Th2 (IL13) et une augmentation de la production de cytokines Th1.
Des indications bien définies
L’ITA est recommandée aux stades précoces de la rhinite allergique, en deuxième intention lorsque les médicaments symptomatiques sont insuffisants.1 Son efficacité est significative et permet d’améliorer les scores de symptômes et de réduire la prise de médicaments symptomatiques. Son effet persiste dans le temps. De plus, elle prévient l’apparition de sensibilisations et d’allergies nouvelles en réduisant l’inflammation allergique et l’apparition d’asthme.2
La conjonctivite allergique est aussi une indication à l’ITA. Elle est également proposée aux patients souffrant d’asthme contrôlé si les symptômes sont clairement associés à l’exposition à un allergène responsable. Des protocoles d’immunothérapie alimentaire sont proposés dans les centres spécialisés.
En revanche, il n’y a pas d’indication à l’ITA dans la dermatite atopique isolée.
De la voie sous-cutanée à la voie sublinguale, petite histoire de la désensibilisation
Les premières désensibilisations remontent aux années 1930, lorsque John Freeman proposa des rushs au moyen d’injections sous-cutanées d’extraits allergéniques. L’immunothérapie par voie sous-cutanée est ainsi la première à avoir été utilisée. Malgré une bonne efficacité, elle est responsable de nombreux effets indésirables – réaction systémique générale notamment – et a été finalement abandonnée en France.
Dans les années 1980, apparaît la désensibilisation par voie sublinguale pour les acariens ; les premières études en démontrent l’efficacité sur la diminution des résistances nasales. De plus, moins d’effets secondaires sont rapportés avec cette voie d’administration.
En 2004, le terme d’« allergènes préparés spécialement pour un individu » (APSI) apparaît dans la réglementation. Ces APSI sont autorisés selon l’article L. 4211 - 6 du Code de la santé publique et permettent le diagnostic (prick-tests) et le traitement (immunothérapie allergénique par voie sublinguale) des maladies respiratoires allergiques.
De nombreuses études ont prouvé l’efficacité de la voie sublinguale concernant les pollens de graminées, les acariens et les pollens de bouleau, sans risque de réactions systémiques sévères.
La commercialisation de la désensibilisation sublinguale en comprimé a été mise en place en 2007 ; de nouveaux comprimés sont amenés à être prochainement commercialisés pour le pollen d’ambroisie et de bouleau.
Quelles sont les modalités de traitement ?
L’ITA est l’un des éléments d’une prise en charge globale
L’immunothérapie allergénique s’intègre dans la prise en charge complète de l’allergie respiratoire en association avec les autres mesures thérapeutiques que sont l’éducation thérapeutique personnalisée (avec l’explication des mesures d’éviction de l’allergène lorsqu’elle est possible) et le traitement symptomatique (reposant sur les antihistaminiques par voie orale, les collyres et les sprays nasaux).
Certaines pathologies contre-indiquent l’ITA
Des contre-indications de l’immunothérapie existent :
- hypersensibilité à l’un des excipients ;
- maladies auto-immunes évolutives et déficit immunitaire ;
- cancers ;
- asthme non contrôlé ou sévère avec un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) inférieur à 70 % ;
- lésions inflammatoires de la bouche comme le lichen plan buccal, les aphtes, les mycose, les plaies, et la chute ou l’extraction dentaire récente non cicatrisée.
Une ITA ne doit pas être initiée chez la femme enceinte ; en cas de découverte de grossesse en cours de traitement, l’ITA peut être poursuivie mais sans en augmenter les doses.
Les traitements d’immunothérapie allergénique par voie sublinguale disponibles en France sont indiqués dans le tableau.
Le traitement se déroule en deux temps : une phase initiale à doses croissantes et une phase d’entretien à doses constantes.
La posologie ne varie pas en fonction de l’âge mais elle doit être adaptée selon la réactivité propre à chaque individu.
Pour les allergies saisonnières, il est recommandé de débuter le traitement 3 mois avant le début estimé de la saison pollinique et de le poursuivre jusqu’à la fin de la saison. Pour les allergies perannuelles, il est conseillé de maintenir le traitement tout au long de l’année.
La durée optimale préconisée du traitement est de 3 à 5 ans.
La prise doit se faire au cours de la journée, en dehors des repas et boissons, mais sans être à jeun. La solution ou le comprimé doit être déposé sous la langue et conservé trente secondes à une minute avant d’être avalé.
Une évaluation régulière – c’est-à-dire à 3, 6 et 12 mois la première année, puis une à deux fois par an les années suivantes – est indispensable. L’évaluation de l’efficacité du traitement est fondée sur l’amélioration objective des symptômes initiaux, sur le ressenti du patient et sur les scores d’amélioration de qualité de vie. Sans amélioration des symptômes au cours de la première année suivant l’initiation du traitement, l’indication doit être réévaluée.
Compte tenu de la chronicité de la maladie et de la durée du traitement, l’observance est un facteur indispensable à l’obtention d’une pleine efficacité.
Des efficacité à long terme
Dans le cas de l’asthme et de la rhinite allergique (acariens et pollens), de nombreuses études en double aveugle contrôlées versus placebo ont démontré l’efficacité des immunothérapies allergéniques sublinguale et sous-cutanée. Elles réduisent les scores de symptômes et l’utilisation de médicaments, et améliorent la qualité de vie avec des preuves d’efficacité par le dosage des biomarqueurs spécifiques. Une ITA menée durant 2 à 4 ans montre une efficacité sur les symptômes jusqu’à 7 à 14 ans après son arrêt.2
Effets indésirables : plutôt locaux et spontanément résolutifs
Avec l’immunothérapie par voie sublinguale, des réactions locales (prurit des muqueuses buccales ou léger œdème local) peuvent survenir généralement au cours des premiers jours de traitement ; elles disparaissent petit à petit, sans intervention médicale, lors de la poursuite du traitement.
Les réactions adverses systémiques sont possibles mais demeurent très rares.
2. Halken S, Larenas-Linnemann D, Roberts G, et al. EAACI guidelines on allergen immunotherapy: Prevention of allergy. Pediatr Allergy Immunol Off Publ Eur Soc Pediatr Allergy Immunol 2017;28(8):728‑45.