L’allergie est caractérisée par une libération de médiateurs préformés, dont l’histamine. Les antihistaminiques (anti-H1) sont des agonistes inverses sélectifs de l’histamine au niveau des récepteurs H1. Il en existe deux classes, avec des propriétés et des indications spécifiques.

Physiopathologie de l’allergie

La caractéristique libération de médiateurs préformés (dont l’histamine) à la surface des mastocytes ou des basophiles est due à une stimulation antigénique. En effet, lors d’une exposition, l’allergène se fixe sur les immunoglobulines E (IgE) présentes à la surface des mastocytes et des polynucléaires basophiles.1 Cette fixation induit une cascade d’activation intracellulaire conduisant à trois phénomènes :
– la dégranulation des mastocytes et des basophiles avec libération des médiateurs préformés (histamine, tryptase, chymase, sérotonine) ;
– la synthèse rapide des médiateurs néoformés dérivés de l’acide arachidonique (prostaglandines, leucotriènes et facteur d’activation des plaquettes [PAF]) ;
– la production de cytokines, chémokines et facteurs de croissance.
Les médiateurs préformés (histamine, sérotonine) et néoformés (prostaglandines et leucotriènes), sécrétés en excès, sont responsables de la réaction précoce de la phase effective. Ils induisent :
– une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité capillaire responsables d’urticaire, d’œdème, d’érythème, voire d’hypotension, définissant le choc anaphylactique ;
– une bronchoconstriction responsable de crises d’asthme ;2
– une hypersécrétion des glandes muqueuses provoquant une rhinorrhée, un larmoiement et un asthme sécrétant ;
- une stimulation des terminaisons nerveuses (histamine) responsable d’un prurit ;
– une anomalie du péristaltisme intestinal (sérotonine) responsable de douleurs abdominales, vomissements et diarrhées.

Mode d’action des antihistaminiques

Les antihistaminiques sont des agonistes inverses sélectifs de l’histamine au niveau des récepteurs H1. Ils s’opposent aux effets d’activation du récepteur H1 par l’histamine. Les anti-H1 agissent sur la peau, les muqueuses nasales et conjonctivales et les vaisseaux, a minima en inhibant la vasodilatation.
Il existe un grand nombre de substances stimulant la libération d’histamine directement à partir des mastocytes sans sensibilisation antigénique antérieure et donc sans mécanisme immunologique allergique : ce sont, par exemple, certaines bases organiques (amides, alcaloïdes), certains médicaments comme les morphiniques et curares, les poly­peptides basiques présents dans les venins. Il s’agit dans ce cas d’une histamino­libération non spécifique.

Deux classes d’antihistaminiques

Les antihistaminiques sont classés en deux groupes (tableau 1) :
– les anti-H1 de première génération sont les molécules les plus anciennes. Ils ont des effets sédatifs et anticholinergiques. Ils sont peu spécifiques des récepteurs de l’histamine et donc possiblement responsables d’effets indésirables. Leur durée d’action est courte, ce qui nécessite des prises pluriquotidiennes. Comme ils sont métabolisés par le foie, des interactions ­médicamenteuses sont possibles via le cytochrome P450 ;
– les anti-H1 de deuxième génération sont des molécules plus récentes, plus spécifiques des récepteurs de l’histamine. Ils ont moins d’effets indésirables, notamment sédatifs, car ils ne pénètrent pas dans le cerveau et n’ont pas d’effet sur la repolarisation cardiaque. Leur ­durée d’action est plus longue (supérieure à huit heures) et ils ne sont pas métabolisés par le foie.

Quand les prescrire ?

Les antihistaminiques sont indiqués dans les pathologies suivantes :
– la rhinite allergique, avec une efficacité quasi constante sur le larmoiement, le prurit oculaire et la rhinorrhée, mais une efficacité moindre sur les éternuements ;
– l’urticaire superficielle et profonde, qu’elle soit chronique ou intermittente ;
– les manifestations locales des piqûres d’insectes ;
– le prurit, parfois.
Certains anti-H1 de première génération peuvent également être utilisés pour leur propriété anticholinergique :
– à visée anxiolytique (hydroxyzine, doxylamine) ;
– à visée antiémétique, dans le mal des transports (dimenhydrate, diphénhydramine) ;
– en prémédication avant une anesthésie générale ou avant un traitement avec risque de réaction de perfusion (exemple des chimiothérapies).
En revanche, ils n’ont pas d’efficacité sur les symptômes de l’asthme ni sur les lésions d’eczéma. Ils ne doivent pas être utilisés en cas d’anaphylaxie – c’est l’adrénaline qui est alors toujours indiquée en premier lieu ! Enfin, l’utilisation des anti-H1 de première génération dans l’insomnie n’est pas recommandée.

Précautions d’emploi 

Les contre-indications des antihistaminiques sont l’hypersensibilité à l’un des composants, la conduite d’engins et automobiles – surtout pour les anti-H1 de première génération –, les troubles de la miction, le glaucome à angle fermé, l’alco­olisme et l’allongement congénital ou acquis de l’espace QT.
Concernant la grossesse et l’allaitement, les anti-H1 de première génération ne sont pas conseillés ; il faut leur préférer les anti-­­H1 de deuxième génération (tableau 2).

Quels critères de choix ?

Chez l’enfant

L’utilisation des anti-H1 chez l’enfant est limitée. Aucune molécule n’a d’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez le nourrisson de moins de 1 an.
Les molécules possibles sont les suivantes :
– à partir de 1 an : desloratadine (Aerius), prométhazine (Phénergan), alimémazine (Théralène) ;
– à partir de 2 ans : cétirizine (Zyrtex), loratadine (qui n’est n’est plus commercialisé), rupatadine (Wystamm), méquitazine (Primalan) ;
– à partir de 30 mois : dexchlorphéniramine (Polaramine), hydroxyzine (Atarax) ;
– à partir de 12 ans : fexofénadine (Telfast), ébastine (Kestin), bilastine (Inorial).
Les anti-H1 de deuxième génération ­dispo-­­­nibles en sirop sont la cétirizine (Zyrtex) et la desloratadine (Aerius). À noter : la loratadine (Clarityne) n’est plus commercialisée.

Préférer les anti-H1 de deuxième génération

Afin de diminuer la somnolence – effet indésirable majeur –, il est conseillé de préférer les anti-H1 de deuxième génération qui sont peu sédatifs. Certaines études ont montré un risque relatif sédatif deux fois supérieur au placebo pour la cétirizine et la lévocétirizine, mais pas pour la desloratadine, la loratadine ni pour la fexofénadine.3
La prise de poids est aussi moins fréquente avec les anti-H1 de deuxième génération.
Concernant le traitement de l’urticaire, les anti-H1 de deuxième génération semblent plus efficaces ; desloratadine, lévocétirizne, fexofénadine, cétirizine et bilastine peuvent être augmentées jusqu’à quatre fois la dose habituelle dans ce type de pathologie.
Les anti-H1 de deuxième génération ont, pour la plupart, une longue durée d’action (6 à 36 heures) en raison d’une demi-­vie longue ; pour ces molécules, une seule administration quotidienne est donc suffisante.
Dans la rhinite allergique, les anti-H1 locaux sont plus efficaces et ont un effet plus rapide que les anti-H1 oraux (15 vs 150 min).

Des effets indésirables par action anticholinergique

Les effets indésirables sont liés à l’action anticholinergique des anti-H1. Ils sont surtout observés avec les anti-H1 de première génération :
– somnolence ;
– signes digestifs (sécheresse oropharyngée, constipation) ;
– manifestations bronchopulmonaires (expectoration difficile) ;
– troubles urogénitaux (dysurie, rétention d’urine, impuissance) ;
– phénomènes oculaires (troubles de ­l’accommodation, accès d’hypertension ­intra-oculaire en cas d’angle iridocornéen étroit) ;
– atteintes cardiovasculaires (palpitations cardiaques, allongement de l’espace QT et arythmies ventriculaires) ;
– troubles neurologiques (réactions extrapyramidales, dyskinésies orofaciales) ;
– effet orexigène et prise de poids.
En cas de manifestations gênantes, la posologie journalière peut être diminuée ou le traitement être administré le soir ; le changement de molécule peut parfois permettre de meilleures tolérance et efficacité avec moins d’effets indésirables.
Références
1. Kindt TJ, Goldsby RA, Osborne BA. Immunologie. Le cours de Janis Kuby avec questions de révision. 6e édition. Paris: Dunod, 2008.
2. Galli SJ, Tsai M. IgE and mast cells in allergic disease. Nat Med 2012;18(5):693‑704.
3. Snidvongs K, Seresirikachorn K, Khattiyawittayakun L, et al. Sedative Effects of Levocetirizine: A Systematic Review and Meta- Analysis of Randomized Controlled Studies. Drugs 2017;77(2):175-86.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

Les antihistaminiques sont indiqués dans la rhinite allergique, l’urticaire superficielle et profonde, les manifestations locales des piqûres d’insectes, le prurit parfois.

Ils n’ont pas d’efficacité sur les symptômes de l’asthme ni sur les lésions d’eczéma. Ils ne doivent pas être utilisés en cas d’anaphylaxie – c’est l’adrénaline qui est alors toujours indiquée en premier lieu !

D’une manière générale, les anti-H1 de 2e génération, plus spécifiques des récepteurs à l’histamine, sont à préférer ; ils sont en effet moins pourvoyeurs d’effets indésirables, ont une plus longue durée d’action et sont souvent plus efficaces.