Avec un bénéfice majeur sur la mortalité, les bêta-bloquants ont transformé le pronostic de l’infarctus du myocarde. Les études randomisées validant incontestablement cet intérêt sont anciennes et remontent à une période où la réparation des artères coronaires, l’aspirine et les statines ne faisaient pas partie de l’arsenal thérapeutique. Les bêta-bloquants ont également amélioré les symptômes angineux des coronariens stables, devenant ainsi la classe thérapeutique de première intention de l’angor. Cependant, aucune étude randomisée ne valide leur intérêt pronostic dans ce que l’on appelait la « coronaropathie stable » et qui s’intitule désormais le « syndrome coronaire chronique ».
Depuis quarante ans, et du fait de nombreuses innovations thérapeutiques, le spectre et le pronostic de toute coronaropathie ont évolué. Les coronariens d’aujoud’hui diffèrent totalement des coronariens des années quatre-vingt. Les dernières études observationnelles suggèrent :
– qu’après un infarctus, sans trouble ventriculaire gauche, les bêta-bloquants sont associés à un meilleur pronostic pendant un an mais, qu’au-delà, leurs effets sur le pronostic cardiovasculaire sont neutres ;
– que dans le syndrome coronaire chronique, les bêta-bloquants, en l’absence de trouble ventriculaire gauche, ne sont pas associés à un meilleur pronostic (et qu’ils ne le sont qu’en cas d’antécédent d’infarctus de moins d’un an).
L’intérêt pronostique des bêta-bloquants dans la coronaropathie a évolué. Ce changement peut être lié à une évolution de la coronaropathie elle-même, puisqu’elle s’est dissociée de l’insuffisance cardiaque avec altération de la fonction ventriculaire gauche. De nouvelles études randomisées sont donc indispensables pour statuer sur le sort des bêta-bloquants en prévention secondaire coronaire.

Emmanuel Sorbets, Cardiologue, Hôpital de l’Hôtel Dieu de Paris

22 juin 2021