La plagiocéphalie, déformation du crâne des nourrissons, touche 1 bébé sur 4. Quels conseils donner aux parents en prévention ? Quels signes d’appel ? Quelle prise en charge en MG selon les dernières recos ? Quelle place pour la kiné et l’ostéopathie ? La conduite à tenir en MG.

Les déformations crâniennes (ou plagiocéphalies) peuvent être présentes dès la naissance mais apparaissent le plus souvent entre 6 semaines et 4 mois. On en distingue 2 types :

  • les déformations crâniennes positionnelles (DCP ou plagiocéphalies positionnelles) acquises du crâne, sans synostose, liées à des facteurs biomécaniques externes de compression ou de traction ;
  • les plagiocéphalies avec craniosténose ou malformatives (très rares), secondaires à une fusion prématurée des sutures, qui peut démarrer dès la période fœtale.
 

L’incidence des plagiocéphalies positionnelles est de 16 % à 6 semaines de vie, de 19,7 % à 4 mois, puis s’atténue lentement sur une période de 2 ans (3,3 %), la plupart des cas étant alors résolus.

Facteurs de risque

Périnatals

  • Situation obstétricale à risque de DCP : oligoamnios, primiparité, grossesse gémellaire, présentation en siège, extraction par voie instrumentale.
  • Alitement prolongé de la mère durant la grossesse.

Liés à la mobilité spontanée du nourrisson

  • Prématurité, syndromes malformatifs, troubles du neurodéveloppement, déficits sensoriels, ou torticolis musculaire.
  • Déséquilibre d’organisation motrice : postures asymétriques, côté préférentiel de la tête, torticolis postural, troubles du tonus axial (hypotonie ou hypertonie).
  • Trouble tonico-moteur sous-jacent (une DCP peut être un signe d’appel).

Environnementaux

  • Déficit d’interactions entre le nourrisson et les adultes qui s’en occupent.
  • Éveil sensoriel inadapté (par exemple : fixation permanente visuelle par un mobile ou sonore).
  • Contention physique avec contraintes externes : siège-coque, cale-tête, cale-bébé, coussin anti-tête plate, cocon, coussin de positionnement, matelas à mémoire de forme, réducteur de lit, transat, balancelle, hamac, etc.

Prévenir

En prévention, des mesures de positionnement, fondées sur le principe de respect de la motricité libre et spontanée (v. encadré ci-dessous) doivent être expliquées aux parents dès la période anténatale. Il convient de renouveler ces conseils surtout pendant les 6 premiers mois de vie du nourrisson (lorsque son crâne est le plus malléable).

L’allaitement maternel doit être encouragé : c’est un facteur de protection contre la mort subite du nourrisson et la DCP.

Diagnostic : clinique

Un examen clinique et neuromoteur suffit pour évaluer une DCP. Il est à effectuer dès l’examen de la naissance et à chaque visite de contrôle jusqu’à l’âge de 1 an.

  • Regarder le sommet de la tête par-dessus, examiner la position des oreilles et noter la position des pommettes qui permet de distinguer les formes typiques de DCP (fig. 1) et d’éliminer une craniosynostose, rare (fig. 2).
  • Exclure un torticolis (limitation de la rotation active de la tête, vers le côté opposé à l’hémi-occiput aplati) : une stimulation sensorielle, visuelle, tactile et auditive permet de tester la symétrie et l’amplitude de la rotation cervicale active. On peut réaliser un test de poursuite oculaire « œil de bœuf » ou le test de la chaise à partir de 2 mois. Le soignant s’assoit sur une chaise ou un tabouret rotatif et tient l’enfant face aux parents. Tandis que les parents tentent d’intéresser l’enfant, le soignant pivote avec l’enfant sur la chaise d’un quart de tour, d’un côté puis de l’autre, et observe les mouvements spontanés de la tête de l’enfant. En l’absence de torticolis, le nourrisson devrait pouvoir tourner la tête et garder un contact visuel avec son parent.

Quelles complications ?

Aucune donnée ne permet de conclure à un lien de causalité entre DCP et retard neurodéveloppemental, troubles spécifiques ophtalmologiques, oculomoteurs, ou vestibulaires. 

Cependant, les plagiocéphalies fronto-occipitales très prononcées seraient les plus à risque d’entraîner des troubles de l’articulé dentaire avec latéromandibulie et les troubles posturaux (risque de rétraction musculaire). 

En l’absence de prise en charge, le retentissement esthétique peut persister.

Prise en charge

Elle repose sur les recommandations positionnelles :

  • Poursuivre les mesures de prévention (encadré) ou les mettre en place sans délai (voir fiche info patient ).
  • Éviter l’appui de la partie aplatie de la tête tout en favorisant la mobilité du nourrisson.
  • La position du lit dans la chambre peut être changée de façon à ce que l’enfant ne tourne pas systématiquement son regard du côté aplati pour voir ses parents. Pour le couchage, respecter dans tous les cas les mesures de prévention de la mort inattendue du nourrisson.
  • À l’éveil, les adultes peuvent accompagner (y compris au sol) le nourrisson dans des postures et des explorations sensorielles actives du côté opposé à l’aplatissement, au cours des interactions, par des mobilisations douces et indolores.

Quelle place pour la kiné ou l’ostéopathie ?

Une kinésithérapie à orientation pédiatrique est indiquée en cas défaut de mobilité cervicale (torticolis), associée aux recommandations positionnelles.

Ordonnance type : « Faire pratiquer des séances de rééducation neuromotrice dans le cadre d’une asymétrie posturale (AMK10) », en précisant la localisation droite/gauche, s’il existe une déformation crânienne, un défaut de mobilité cervicale, et l’objectif de mobilité complète de la tête et/ou cou.

Actuellement les données scientifiques ne permettent pas de recommander l’ostéopathie.

Quand orienter vers une équipe spécialisée ?

En l’absence d’amélioration de la déformation crânienne au bout de 6 mois, il est recommandé d’adresser le patient vers un centre de compétences ou de référence des malformations crâniofaciales.

L’indication d’une orthèse crânienne est exceptionnelle et ne peut être posée que par ces équipes, seules à même d’évaluer la balance bénéfice-risque pour l’enfant.

Qu’en retenir ?

Les DCP ou plagiocéphalies positionnelles sont bénignes et de bon pronostic.

Le principal facteur de risque est la limitation de la motricité libre et spontanée du nourrisson par défaut de mobilité propre ou par contrainte environnementale externe.

Il faut expliquer aux parents les mesures de prévention dès la période anténatale.

Une DCP ne doit pas remettre en cause le couchage à plat sur le dos strict pour le sommeil.

La prise en charge repose essentiellement sur des recommandations positionnelles.

Encadre

Mesures pour prévenir les déformations crâniennes positionnelles

Quand le nourrisson dort

Le nourrisson doit être couché systématiquement sur le dos dans un lit adapté, sur un matelas ferme, sans coussin ni oreiller ni jouets, dans une turbulette de taille adaptée.

Bannir les réducteurs de lits, cale-têtes et cale-bébés qui empêchent le bébé de bouger librement.

Laisser le bébé regarder dans toutes les directions : éviter les portiques ou mobiles fixes (changer souvent le mobile de place, d’un côté, puis de l’autre, mais toujours dans son champ de vision).

Alterner régulièrement la position du bébé vers la tête ou le pied du lit, afin d’encourager la rotation spontanée de sa tête d’un côté à l’autre. Tourner la tête doucement sans forcer du côté opposé.

Quand le nourrisson est éveillé

Varier les postures et encourager les rotations spontanées de la tête du nourrisson par des sollicitations sensorielles (tactiles, visuelles, auditives) à adapter en fonction de l’âge :

  • les postures ventrale et latérale peuvent être explorées, réservées aux situations d’éveil sous surveillance permanente d’un adulte du fait du risque d’enfouissement ;
  • la posture sur le dos (sans oreiller ni couette ni couverture) doit être faite dans un environnement facilitant une activité motrice spontanée : tapis ferme au sol avec des jouets positionnés autour de lui pour attirer son attention du côté non préférentiel, en évitant les arches de jeu et les mobiles qui fixent son attention.

Favoriser le portage du nourrisson dans les bras ou en écharpe, en respectant le dégagement permanent des voies aériennes, l’enroulement du bassin et la variation de posture.

Limiter le temps passé dans du matériel de puériculture (transat, baby-relax, cosy...) et réserver les sièges-coques aux transports en voiture.

À chaque biberon ou tétée, changer de bras : le bébé tournera la tête pour capter votre regard.

Favoriser les temps d’interactions de qualité entre les adultes et le nourrisson : jouer avec le bébé, par les gestes et par la parole ; profiter de chaque change pour solliciter sa curiosité et l’inciter à tourner la tête de chaque côté, etc.

Une fiche pour les parents a été élaborée par la HAS, à télécharger sur ce lien.

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