Elles affectent 5 % des patients atteints de cancer et 10 % de ceux à un stade métastatique.1 Leur pronostic vital est péjoratif, souvent inférieur à 6 mois.
Les plaies cancéreuses peuvent résulter d’un processus destructif ou prolifératif (figure).2 Elles ne cicatrisent pas spontanément et reflètent l’état d’avancée du cancer. Leur évolution est parallèle à la réponse locale au traitement anticancéreux. L’objectif des pansements n’est donc pas de favoriser la cicatrisation mais bien d’offrir le meilleur confort possible au patient.
Cela passe d’abord par le contrôle des symptômes (douleur, exsudat, odeur ou saignement). Pour atteindre ce but, il est indispensable de connaître les caractéristiques des différentes familles de pansements (tableau).
Il est important de proposer une prise en charge globale (psychologique, sociale, voire spirituelle) tenant compte de l’impact de ces plaies sur toutes les dimensions de la vie du malade. Le pansement ne cherche pas uniquement à couvrir la plaie, il a pour ambition d’empêcher que l’image de cette lésion n’occulte celle du patient.1, 2 ,3

Prévenir/soulager les douleurs

Les plaies cancéreuses peuvent provoquer des douleurs par excès de nociception nécessitant un antalgique de palier 1 à 3 et parfois des douleurs neuropathiques pour lesquelles on prescrit un antiépileptique (gabapentine ou prégabaline), un antidépresseur de type tricyclique (amitriptyline) ou un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (venlafaxine, duloxétine).1, 2, 4
On peut recourir à la morphine topique car l’inflammation locale, après quelques jours, s’accompagne de l’apparition de récepteurs µ sur les nocicepteurs de la plaie. On applique un gel contenant 0,1 % de morphine (encadré) sur le lit de la lésion lors de chaque nouveau pansement. Il agit en quelques minutes pour une durée d’action de 7 à 24 heures. Un tel traitement est indiqué pour une plaie cancéreuse non soulagée par les antalgiques décrits ci-dessus ou en cas d’effets secondaires trop invalidants liés aux opioïdes par voie systémique. Il faut être prudent s’il y a des sécrétions ou une nécrose excessives.
Lorsque la douleur est provoquée par la réfection du pansement, il est impératif de l’anticiper en prescrivant systématiquement un antalgique avant celle-ci. Il faut ensuite respecter son délai d’action avant de débuter le soin. On veille à réduire le plus possible la fréquence des pansements.
Il est indispensable de tenir compte des phénomènes d’hyperalgésie, voire d’allo­dynie.
Les pansements qui se dessèchent ou qui adhèrent à la plaie sont à éviter dans la mesure du possible car leur retrait, difficile, est susceptible de majorer les douleurs. Les interfaces et les hydrocellulaires sont à cet égard plus appropriés. De même, il est important de proscrire les systèmes adhésifs en préférant des bandes de fixation ou un filet tubulaire de maintien (Tubifast) dont le retrait est plus confortable.
Pour diminuer la douleur au nettoyage du lit de la plaie, interdire les frottements et privilégier le tamponnement. On peut aussi faire préalablement une anesthésie locale avec le chlorhydrate de lidocaïne 5 % spray (hors AMM). Délai d’action : 3 minutes, durée de son effet : 10 à 15 minutes, dose autorisée : 10 à 25 pulvérisations (1 pulvérisation = 9 mg).
Le passage systémique impose de surveiller, surtout en cas de lésion étendue, l’apparition éventuelle de signes de surdosage (bâillements, tremblements, secousses musculaires, troubles visuels ou auditifs, céphalées, bradypnée, hypotension). S’ils apparaissent, réduire impérativement le nombre de pulvérisations sous peine d’effets secondaires graves (convulsions, apnées).

Absorber les exsudats

Leur quantité guide le choix du pansement. Les plus puissants sont dits superabsorbants (tableau). Au sein des hydrofibres (Aquacel), l’absorption des exsudats s’opère uniquement verticalement (de bas en haut) et non horizontalement (du centre vers la périphérie). Il est donc conseillé, pour ce type de pansement, de ne pas dépasser les limites de la plaie de plus de 1 cm et d’empiler autant de couches que possible les unes au-dessus des autres afin d’en optimiser le pouvoir absorbant.
Enfin, si on doit le changer plus de 2 ou 3 fois par jour, on peut recourir aux poches de stomie si la taille de la plaie le permet.1-3

Combattre les odeurs

On peut tenter de les masquer ou de réduire la charge bactérienne de la plaie dans la mesure ou elles sont principalement causées par les bactéries anaérobies des tissus nécrotiques.1, 2, 5

Diminuer la charge bactérienne

–si possible nettoyer la plaie sous la douche ou avec une solution de NaCl 0,9 % sous pression (seringue, jet à goutte) ;
– débrider prudemment les tissus nécrosés (attention au risque hémorragique) ;
– métronidazole (Flagyl) 500 mg 2 à 3 x/j par voie générale pendant 15 jours puis relais par 250 mg 2 x/j si besoin au long court. À défaut, en l’absence de voie d’abord orale ou IV, appliquer la solution injectable ou le sirop sur le lit de la plaie lors du pansement ;
–pansements antibactériens : à l’argent, imprégnés de chlorure de dialkylcarbamoyle (Sorbact) ; au miel (gels ou pansements, Melipharm, Medihoney) ;
–éviter les occlusifs comme les hydrocolloïdes ou les films semi-transparents (Opsite, Tegaderm).

Masquer ou absorber les odeurs

– aérer la chambre ;
– pansements au charbon (pas sur plaie sèche) ;
– briquettes de charbon dans la chambre ;
– destructeurs d’odeurs ;
– parfums ou arômes masquant l’odeur ;
– aromathérapie.

Contenir le saignement

Le plus souvent, il est superficiel, d’origine capillaire, généralement secondaire à un traumatisme local. L’érosion d’un gros vaisseau par la tumeur est possible mais plus rare. 1-3
C’est pourquoi on choisit un pansement facile à retirer, peu vulnérant, comme les interfaces ou les hydrocellulaires. On traite par compression locale de 15 minutes ou application de froid, mise en place d’un alginate (attention au retrait) [tableau] ou recours à un hémo­statique résorbable (Surgicel).
Localement : sucralfate 1 g (Ulcar) dans 5 mL d’hydrogel ou acide tranexamique 100 mg/mL (Exacyl) [peut aussi être administré par voie générale] ou éventuellement adrénaline à 1/1 000 (1 mg/mL) en topique (risque d’ischémie et de nécrose).
Éventuellement, radiothérapie hémo­statique (2 fractions de 6,5 grays à J1 et J3).
Si un risque d’hémorragie massive a été identifié, utiliser des draps de lit foncés, avoir à disposition des serviettes de couleur sombre et absorbantes, informer l’équipe et la famille, écouter et accompagner le patient, anticiper une éventuelle sédation d’urgence.
Encadre

Comment préparer un gel de morphine à 0,1 % ?

Matériel :

• hydrogel 15 g (Purilon, Intrasite gel) ;

• morphine chlorhydrate injectable 20 mg.


Préparation :

• vider l’hydrogel dans une cupule stérile ;

• prélever la morphine avec une seringue et une aiguille stériles ;

• mélanger avec une cuillère stérile ;

• stabilité de 24 heures.

Références
1. Seaman S. Management of malignant fungating wounds in advanced cancer. Semin Oncol Nurs 2006; 22:185-93.
2. Wilson V. Assessment and management of fungating wounds: a review. Br J Community Nurs 2005;10: S28-S34.
3. Merz T, Klein C, Uebach B, Kern M, Ostgathe C, Bükki J. Fungating Wounds-Multidimensional Challenge in Palliative Care. Breast Care (Basel) 2011;6:21-4.
4. Plante M. Morphine topique, mythe ou réalité ? Bulletin de pharmacie. Maison Michel Sarrazin. Décembre 2007:1-5.
5. O’Brien C. Plaies cancéreuses : prise en charge de l’odeur. Can Fam Physician 2012 ;58:272-e143.

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essentiel

Les plaies cancéreuses ont un pronostic vital péjoratif, souvent inférieur à 6 mois.

On doit assurer le meilleur confort possible, soulager la douleur, les exsudats, les odeurs et les saignements.

La prise en charge est aussi psychologique, sociale, voire spirituelle. Objectif: empêcher que l’image de la lésion n’occulte celle du patient.