Chaque année en France, les chutes des patients âgés de plus de 65 ans sont à l’origine de près de 130 000 hospitalisations, 65 000 fractures de hanche et 9 000 décès, pour des dépenses annuelles estimées à 2 milliards d’euros.
Les facteurs de risque de chute sont connus : inactivité physique, peur de la chute, dénutrition, altérations de la vision et de l’audition, inadaptation du logement, troubles de l’équilibre, iatrogénie, consommation éthylique… Le risque de chute peut ainsi être faible, modéré ou important. Cette gradation passe par une étude rigoureuse de la situation de chaque patient.
Corollaire, la prise en charge suit un algorithme allant de la prévention par une éducation thérapeutique à une évaluation gériatrique standardisée. Si le risque de chute est modéré, le médecin traitant doit régulièrement réviser l’ordonnance, assurer le traitement des affections altérant la boucle d’adaptation posturale et mettre en place une activité physique adaptée (APA) coordonnée par un professionnel ; chez les patients à haut risque de chute, un bilan personnalisé est effectué, en lien avec une équipe gériatrique, pour corriger les facteurs de risque et proposer une aide psychosociale réévaluant la situation.1
En novembre 2021, la Cour des comptes s’étonnait que, malgré de nombreuses données sur l’impact de la perte d’autonomie et, malgré les connaissances sur les mesures efficaces pour la limiter, sa prévention ne soit pas davantage valorisée. Dans son rapport, les points de blocage et les leviers de progrès opérationnels étaient listés et six recommandations énoncées :
– « amplifier et suivre l’adaptation des logements tout en simplifiant les aides et en uniformisant les procédures ;
– définir un objectif de santé publique ambitieux de diminution de l’incidence des chutes et des décès induits, en donnant aux agences régionales de santé les outils leur permettant de mobiliser les leviers identifiés pour y parvenir, dont un recueil statistique systématique des chutes ;
– encourager les professionnels de santé à infléchir leurs pratiques (détection des signes de fragilité, prescription d’activité physique adaptée, réexamen de la pertinence des médicaments...) par des incitations financières ;
– construire une offre graduée de prévention de la perte d’autonomie que le département serait chargé de mettre en œuvre sur son territoire ;
– moduler les crédits versés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements en fonction de l’atteinte d’objectifs clairs, dans le but d’une plus grande équité territoriale ;
– doter la CNSA, pilote national de la politique de prévention de la perte d’autonomie, des ressources suffisantes pour mener à bien ses missions, au besoin par le redéploiement de moyens humains des caisses nationales de Sécurité sociale et mettre à sa disposition les données nécessaires, relatives à l’accès des retraités à l’offre de prévention, de l’ensemble des caisses. »2
Dans ce contexte, un plan d’action national pour lutter contre les chutes des personnes âgées a été annoncé en février dernier par le ministère chargé de l’Autonomie. Il vise à réduire de 20 % les chutes mortelles ou entraînant une hospitalisation des personnes âgées d’ici à 2024.3
Ce plan, appuyé par la CNSA, est voué à être décliné par les agences régionales de santé (ARS) selon cinq axes :
– plusieurs actions de sensibilisation seront menées auprès des professionnels de santé, des personnes âgées, de leurs aidants, des élus et de la population générale sur le risque de chutes ;
– la création d’un guichet unique, « Ma Prime Adapt’ », permettra aux usagers de solliciter des aides techniques et financières à l’adaptation du logement. Des dispositifs de dépistage des risques à domicile seront également proposés ;
– un accompagnement au bon usage des aides techniques à la mobilité est prévu ainsi que la mise en place de modules spécifiques de rééducation post-hospitalisation pour prévenir les rechutes ;
– l’offre de programmes d’activité physique adaptée sera renforcée, notamment par la création de maisons sport-santé et par l’expérimentation d’un « panier de soins » permettant une prise en charge pluridisciplinaire par un diététicien, un ergothérapeute et un intervenant en activité physique adaptée ;
– la réduction du reste à charge pour la mise en place d’une téléassistance devra permettre sa généralisation, pour faciliter le bien-vieillir chez soi en sécurité. Et la CNSA construira un centre des preuves pour faire le clair sur les aides techniques les plus efficaces, en lien avec les gérontopôles.
Les mesures proposées par ce plan national ne répondent pas à toutes les recommandations émises par la Cour des comptes, mais elles restent ambitieuses. La pénurie des professionnels du secteur médicosocial et le poids des dépenses induites par la pandémie de Covid seront des obstacles à leur réalisation, qui devra donc être particulièrement portée par les pouvoirs publics.
Et il ne s’agit pas d’oublier que l’adhésion du patient est ici une condition incontournable. Or l’on sait que, indépendamment même des troubles cognitifs possibles, les vieillissements psychologique et cognitif physiologiques induisent un manque d’adaptabilité aux changements et une certaine rigidité de caractère.4
1. Blain H. Comment évaluer le risque de chute chez le sujet âgé ? RDP mars 2022, p. 299.
2. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-prevention-de-la-perte-dautonomie-des-personnes-agees
3. https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/autonomie/article/plan-antichute-des-personnes-agees#:~:text=Ce%20plan%20a%20pour%20objectif,et%20plus%20d’ici%202024
4. Hazif-Thomas C, Lindenbaum H. Troubles psychiques du sujet âgé. RDP mars 2022, p. 319.