Très à la mode, les injections intra-articulaires de concentrés plaquettaires (plasma riche en plaquettes ou PRP) sont proposées dans plusieurs pathologies (arthrose, tendinopathies…) sans réel consensus. Quelle efficacité selon les dernières données ? Quelles indications ? Quels sont les patients les plus répondeurs ? Entretien avec le Pr Florent Eymard, rhumatologue, hôpital Henri-Mondor, université Paris-Est Créteil.

PRP : comment ça marche ?

En pratique, le PRP est le plus souvent obtenu à partir de différents types de kits commerciaux mais le principe général est le même : le sang du patient est centrifugé pendant quelques minutes afin de le séparer en 3 couches distinctes : une couche inférieure constituée de globules rouges, une couche moyenne avec les leucocytes et une partie supérieure contenant le plasma riche en plaquettes. Ce dernier est injecté au niveau de l’articulation du patient, ou dans d’autres tissus en fonction de l’indication.

Le mécanisme sous-jacent n’est pas très clairement défini. Les plaquettes libèrent un très grand nombre de facteurs de croissance et de cytokines, et cette « soupe » pourrait induire un effet anti-inflammatoire et anabolique sur les tissus environnants. Les études in vitro et les modèles animaux montrent un effet bénéfique du PRP sur l’inflammation synoviale mais aussi sur la perte de cartilage. Chez l’homme, il n’y a aucune preuve d’un effet protecteur ou structural, mais une efficacité sur la douleur et la limitation fonctionnelle a été suggérée par plusieurs études…

Justement, quelles sont les données d’efficacité chez l’homme ?

De nombreuses études ont été conduites dans l’arthrose du genou. La majorité a comparé les injections de PRP et d’acide hyaluronique et elles vont quasiment toutes dans le même sens, en montrant une efficacité similaire à court terme mais probablement meilleure du PRP à 6 - 12 mois.

En revanche, les études versus placebo (indispensables pour prouver que le produit est vraiment actif) sont moins nombreuses et avec des résultats plus hétérogènes. Si les premiers essais retrouvaient un effet supérieur du PRP comparativement au sérum physiologique, en 2021, un grand essai publié dans le JAMA, comparant 3 injections de PRP vs sérum physiologique, n’a mis en évidence aucun effet à 2 et 12 mois (mais les auteurs n’ont pas évalué l’efficacité à 6 mois).1 À l’inverse, plus récemment, une vaste étude sur 610 patients a montré une nette différence en faveur du PRP à tous les temps étudiés, jusqu’à 60 mois.2 Ainsi, on manque encore de données suffisantes pour conclure définitivement sur l’efficacité de ce traitement dans la gonarthrose et d’autres études sont nécessaires. C’est pourquoi, cette année, nous mettons en place une étude académique, PIKOA dans 18 centres en France (encadré).

Le PRP peut-il avoir un intérêt dans d’autres indications ?

Dans l’arthrose de cheville et de la hanche, les données sont peu nombreuses et assez décevantes dans l’ensemble. Quelques résultats encourageants ont été obtenus sur les tendons, avec une variabilité selon les localisations (plutôt positifs dans les tendinopathies de la coiffe des rotateurs et dans l’aponévrose plantaire ; négatifs dans le tendon d’Achille).

Mais la majorité des données dont on dispose concernent la gonarthrose.

En pratique clinique, quelle place aujourd’hui du PRP dans la gonarthrose ?

En ce qui concerne les gestes intra-articulaires, et en suivant les recommandations de la Société française de la rhumatologie, on privilégie plutôt les corticoïdes lorsqu’il y a un épanchement (à fortiori en cas de « poussée congestive ») et l’acide hyaluronique dans les arthroses douloureuses sur articulation sèche.

Le positionnement du PRP est assez proche de celui de l’acide hyaluronique, privilégié en l’absence d’épanchement ou avec un épanchement peu abondant. Il est le plus souvent proposé en cas d’échec des acides hyaluroniques même si de plus en plus de praticiens l’utilisent en première ligne. Les protocoles sont variables, mais la plupart des praticiens font une voire deux injections, plus rarement trois, espacées de 1 semaine à 1 mois.

Attention : il faut prévenir les patients que l’effet du PRP n’est pas immédiat, et qu’il peut être ressenti au bout de 4 à 6 semaines. Il ne faut donc pas conclure à un manque d’efficacité avant ce délai.

Y a-t-il des profils de patients qui sont plus répondeurs ?

En cas d’IMC supérieur à 30 ou d’arthrose sévère, l’efficacité et moins bonne, mais c’est aussi le cas pour les autres produits injectables. Il semble également se dessiner que l’arthrose fémoro-patellaire soit un facteur prédictif de moins bonne réponse, mais là aussi nous manquons de données. Nous avons également l’impression (sans preuves établies !) que les patients sportifs, plus jeunes, ont un bon profil de réponse.

Quels sont les effets indésirables de cette technique ?

La tolérance est bonne. Environ 10 % des patients ressentent des douleurs du genou dans les suites de l’injection (pendant quelques jours). Bien sûr, le médecin injecteur doit respecter les contre-indications et précautions d’emploi (cancers, infections…). Le risque d’arthrite septique existe mais il est lié à l’injection plus qu’à un produit donné.

Quel est le prix ?

Les tarifs sont très variables selon les praticiens, il faut donc en informer les patients. Les injections ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale, mais certaines mutuelles peuvent prendre en charge une partie des coûts.

Encadre
PRP dans la gonarthrose : l’étude PIKOA

Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé en double aveugle comparant trois injections hebdomadaires de PRP à trois injections de sérum physiologique avec un suivi de 6 mois chez des patients ayant une gonarthrose symptomatique avec une atteinte radiographique modérée (stade 2 - 3 de Kellgren et Lawrence) : 210 patients seront inclus dans 18 centres en France (Amiens, Belfort, Besançon, Dijon, Grenoble, La Roche-sur-Yon, Lille, Marseille, Monaco, Montpellier, Moulins, Nancy, Nantes, Nice, Paris [Henri-Mondor, Saint-Antoine, Lariboisière], Tours). L’étude devrait débuter d’ici à la fin de l’année 2023.