Mis à jour le 8 juillet 2024
Urgence urologique définie comme la persistance involontaire d’une érection partielle ou complète de plus de 4 heures, après l’orgasme et l’arrêt ou en dehors de toute stimulation sexuelle.1
Le terme « priapisme » vient du dieu Priape, fils de Dionysos et d’Aphrodite, né petit avec un large pénis en érection.2
Il peut survenir à tout âge, et son incidence dans la population générale est faible : 0,5 à 0,9/100 000 personnes par an. Trois types sont décrits : veineux ou ischémique (90 % des cas) ; artériel ou à haut débit (10 % des cas) ; intermittent.
Chez les patients drépanocytaires, la prévalence du priapisme intermittent est de 3,6 % chez les moins de 18 ans, augmentant jusqu’à 42 % chez les adultes.3
Le diagnostic est clinique. Une gazométrie intracaverneuse (GIC) est impérative en cas de priapisme ischémique.
Priapisme ischémique
L’érection est rigide, douloureuse, avec un gland mou, sans possibilité d’activité sexuelle et sans notion de traumatisme. La GIC retrouve un pH < 7,5, une pO2< 30 mmHg et une pCO2> 60 mmHg. L’IRM de verge, lorsqu’elle est réalisée (pour évaluer la sévérité des lésions à distance), objective une absence de perfusion des corps caverneux et d’éventuelles zones d’ischémie.
Ce priapisme est le plus souvent idiopathique. Viennent ensuite les causes iatrogènes et les maladies hématologiques, comme la drépanocytose (23 % des cas ;
Les priapismes survenant après une injection intracaverneuse (IIC) d’alprostadil ou la prise d’IPDE5 (avanafil, sildénafil, tadalafil, vardénafil) sont aujourd’hui plus rares. Une combinaison de médicaments à visée pro-érectile (IPDE5, IIC, psychotrope récréationnel ou surdosage) ou un terrain favorisant (dépranocytose, blessés médullaires) sont fréquemment incriminés.
Priapisme artériel
L’écho-doppler de la verge ± angio-TDM confirme le diagnostic en objectivant une fistule artério-caverneuse. Une artériographie peut être faite à distance du trauma, montrant la persistance de la fistule. La GIC n’a pas d’intérêt. Lorsqu’elle est réalisée, elle ne retrouve pas d’anomalie. La prise en charge n’est pas urgente.
Priapisme intermittent
Le bilan étiologique, souvent décevant, doit éliminer en priorité une cause hématologique (un tiers des cas), neurologique (centrale ou périphérique), une prise médicamenteuse, un rapport sexuel, un manque de sommeil, une déshydratation, un antécédent de priapisme ischémique supérieur à 4 heures, une exposition au froid ou de la fièvre. Dans la majorité des cas, aucun facteur déclenchant n’est identifié.
Traitement
Contre la douleur : des antalgiques (de paliers 1 et 2, en IV) et si possible un bloc pénien.
En cas de priapisme ischémique, la ponction/évacuation d’un corps caverneux (à sa face latérale) est réalisée jusqu’à issue de sang rouge oxygéné. Il est possible de rincer les corps caverneux au sérum physiologique. Après détumescence, on comprime la verge afin d’éviter la survenue d’un hématome. En cas d’échec, et sous surveillance des constantes cardiovasculaires, on injecte un alphastimulant en intracaverneux (étiléfrine, phényléphrine, adrénaline), à répéter 15 à 20 minutes plus tard en l’absence de détumescence.
Chez les drépanocytaires, il faut systématiquement associer à ce traitement : oxygénation nasale et hyperhydratation. En cas d’échec et après avis hématologique, on peut discuter la prise orale de chlorhydrate d’étiléfrine (Effortil per os en solution buvable jusqu’à 20 gouttes par jour, soit 10 mg chez l’adulte en l’absence de contre indication) ou les échanges transfusionnels.
Si les alphastimulants sont contre-indiqués (patient âgé, coronarien, traité par inhibiteurs de la monoamine- oxydase) ou après échec des mesures précédentes, un shunt caverno-spongieux distal est réalisé au bloc selon la technique du T-shunt. L’objectif est d’obtenir la détumescence par la vidange du sang caverneux (zone en hyperpression) vers les espaces sinusoïdes spongieux (zone en basse pression).
Les autres types de shunts : caverno-spongieux distaux (d’Al-Ghorab, de Winter) et proximaux (Quackels) ou saphéno-caverneux sont de moins en moins utilisés. Ils doivent être envisagés uniquement en cas de priapisme inférieur ou égal à 72 heures.3
En cas d’ischémie dépassée, la pose d’un implant pénien doit être discutée précocement en raison de la dysfonction séquellaire et de la fibrose secondaire quasi inéluctables.
En cas de priapisme artériel, une compression de la fistule (préalablement repérée par le radiologue) ou l’application de glace au niveau périnéal peut s’avérer efficace. Très souvent, la fistule se referme spontanément. À distance si le priapisme persiste, on tente l’embolisation sélective de l’artère pudendale à l’aide d’un caillot autologue, d’un gel mousse, d’une éponge ou de substances plus permanentes, avec des taux de réussite allant jusqu’à 89 %.3 Après une seule embolisation, 7 à 27 % de récidives ont été rapportées. Dans ce cas, une deuxième embolisation est nécessaire. La dysfonction érectile est possible après embolisation, mais une récupération quasi complète est observée chez 80 % des hommes.
En cas de priapisme intermittent, le but est d’éviter la récidive. La prise en charge de chaque épisode aigu est similaire à celle d’un priapisme ischémique. En prévention chez un drépanocytaire, les IPDE5 ont été proposés pour réguler la voie NO-cGMP qui serait activée de façon excessive lors des érections nocturnes en raison d’une sous-expression des PDE5. Le tadalafil à la dose de 5 à 10 mg ou le sildénafil de 25 à 50 mg quotidiens permettraient de limiter les épisodes de priapisme. Un agoniste alpha-adrénergique, en prise orale quotidienne (pseudo-éphédrine et étiléfrine : 50 à 100 mg/j au coucher) serait efficace dans 72 % des cas.
Étiologies des priapismes ischémiques
Idiopathique (cause la plus fréquente)
Causes hématologiques
- Drépanocytose, thalassémie
- Leucémie, myélome multiple
- Hémoglobinopathie instable d’Olmsted
- Patient hémodialysé
- Déficit en G6PD
- Mutation du facteur V de Leiden
Troubles métaboliques
- Amylose
- Maladie de Fabry
- Goutte
Troubles neurologiques
- Neurosyphilis
- Lésion médullaire
- Syndrome de la queue de cheval
- Neuropathie autosomique
- Hernie discale lombaire
- Canal lombaire étroit
- AVC, tumeur cérébrale
- Rachianesthésie
Cancer
- Primitif : prostate, urètre, testicule, vessie, rectum
- Secondaire : rein, poumon
Causes médicamenteuses
- Agents érectiles vasoactifs : papavérine, phentolamine, prostaglandine E1/alprostadil, IPDE5*
- Alphabloquant : prazosine, térazosine, doxazosine, tamsulosine
- Anxiolytiques : hydroxyzine
- Antidépresseurs et antipsychotiques ; bupropion, fluoxétine, sertraline, lithium, clozapine, rispéridone, olanzapine, chlorpromazine, phénothiazine, thioridazine
- Antihypertenseurs : hydralazine, propranolol
- Hormones : testostérone, GnRH
- Drogues récréatives : alcool, marijuana, cocaïne, crack
Infections avec relargage toxinique
- piqûre de scorpion, araignée, rage...
* Inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5
2. Vreugdenhil S, de Jong IJ, van Driel MF. Priapism Throughout the Ages. Urology 2018;118:21‑4.
3. Salonia A, Eardley I, Giuliano F, et al. European Association of Urology guidelines on priapism. Eur Urol 2014;65:480‑9.
4. Roumeguère T. Traitement médical et chirurgical du priapisme spontané et iatrogène. EMC 2009, Urologie [article 18-380-A-10].