La plupart des structures associatives ou syndicales le soulignent régulièrement : elles peinent à recruter de nouveaux membres ou des forces vives. ReAGJIR (regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants) esquisse le portrait croisé de 4 généralistes membres.

Des freins initiaux, levés ensuite

« Se syndiquer peut faire peur, car cette implication est parfois perçue comme une façon de défendre des intérêts individuels », explique Yohann, au bureau national (BN) depuis 2 ans et installé en maison de santé en Haute-Garonne (31). « Ceci arrive lorsque les gens ne peuvent pas s’exprimer [...]. C’est important de militer pour le changement lorsqu’il est nécessaire, mais aussi de savoir dire ce qui va bien. À l’affichage politique, je préfère la philosophie du dialogue. »
« J’avais initialement une vision négative de revendications lunaires, hors cadre, parce qu’il faut revendiquer. En fait, l’engagement syndical est surtout un cheminement personnel, une histoire de contact humain », renchérit Laure, également au BN depuis 2 ans et remplaçante thésée en région parisienne. « C’est l’acquisition d’une maturité de l’expression, d’une façon pédagogique d’expliquer ses positions, sans forcément chercher à convaincre. Juste à montrer qu’une proposition alternative peut être intéressante, et c’est ce qui me plaît. »

Partager des idées

« C’est une forme d’apprentissage des autres et du métier », témoigne Caroline, au BN depuis 1 an et demi et installée dans une maison de santé de Meurthe-et- Moselle (54). « Au quotidien nous sommes souvent centrés sur nous. Les réunions nationales permettent d’échanger avec d’autres régions, d’avoir des regards différents sur beaucoup de pratiques. »
Adrien, remplaçant non thésé dans le Loiret (45) depuis 2 ans, a intégré le BN lors d’une réunion en visioconférence, en mars 2020. Présent aux Rencontres nationales de ReAGJIR en 2019 : « Cela permet de croiser des gens qui vivent la même situation, partagent une même vision de la médecine. Ce qui pourrait s’apparenter à un entre-soi s’avère tourné vers autrui. Les gens sont avides d’évolution. »
Pour Laure, le syndicat permet de « répondre à des questions pratiques ou philosophiques, de s’investir dans son quotidien, de réfléchir plus avant. »

Rendre ce qu’on a reçu

Être engagé syndicalement, c’est « défendre les intérêts des autres et les aider, tout simplement », affirme Caroline, très active dans d’autres structures associatives et universitaires.
Pour Adrien, le syndicat a un rôle de lien social : « Quand tu ne connais personne en région, cela permet d’intégrer un groupe de soutien moral. Donc participer activement à l’association, c’est rendre un peu de ce qu’on nous a donné. »
Yohann a, quant à lui, réalisé qu’il y avait eu des combats pour l’exercice médical et la protection sociale qu’il fallait encore défendre, pour soi et pour autrui. « C’est important de continuer d’expliquer comment on veut travailler, pas dans l’instantanéité mais collectivement. »

Une forme de rigueur intellectuelle

Les réunions enseignent à mieux communiquer, à s’approprier certaines positions mais aussi à savoir les justifier pour mieux les représenter.
« Le fonctionnement d’un syndicat n’est pas simple : il faut fixer les règles, appréhender le vivre ensemble », explique Yohann. « Il a fallu apprendre la prise de parole encadrée (brève et respectueuse d’autrui). Il est très important de rappeler que les votes sont faits par un conseil d’administration (CA), et non par un bureau omnipotent. »
Pour Caroline, vérifier ses sources est crucial : « Surtout dans le contexte actuel, c’est important de garder un esprit scientifique quand on expose les informations aux administrateurs. Il nous faut faire preuve de rigueur intellectuelle, mais sans limite d’ouverture. »
Adrien y trouve aussi « une façon d’enseigner et de se former plus indépendante et progressiste, peut-être parce que nous avons tous été formés à l’Evidence based- medicine. »

Socialement engagés ?

Syndicalisme ne rime pas forcément avec engagement politique. Pour Adrien, ReAGJIR est « peu politisé mais doté d’une fibre sociale importante. Cela se voit dans la défense du tiers payant généralisé et la proposition d’une charte éthique. »
Caroline complète : « Nous sommes ouverts à la discussion et peu dans l’opposition, ce qui peut parfois nous être reproché. En tout cas, nous ne sommes pas opposés de façon primaire mais nous défendons les personnes que nous représentons. »
Selon Laure, le positionnement de ReAGJIR est surtout « dans l’accès aux soins et la lutte contre les inégalités sociales de santé. Pour autant, au sein du bureau et du CA, nos visions politiques ne sont pas forcément alignées. »
Pour ces 4 médecins, s’engager est une forme de compagnonnage, de transmissibilité, une façon d’intégrer un réseau qui porte des valeurs. C’est un enrichissement personnel et un moyen de se former en faisant de belles rencontres. Pour Yohann : « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » ReAGJIR approuve.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés